Droit français de la concurrence

Le Droit français de la concurrence aborde l'ensemble des règles applicables, en droit français, à la concurrence déloyale, aux négociations commerciales, aux ententes, abus de domination, procédure de la concurrence, et concentrations. A partir des sources jurisprudentielles, législatives et réglementaires, l'ouvrage permet de comprendre des règles disparates et complexes et de prévoir leur interaction et leur évolution. Il s'adresse aux professionnels du droit, avocats, juristes d'entreprise ou universitaires.

Droit économique

Droit français de la concurrence
 

Extrait de l'ouvrage

Finalités du droit de la concurrence.

Au sens large, le droit de la concurrence assure à la fois la liberté et la loyauté de la concurrence. La plus grande partie de ses règles protège le marché et s'oppose aux ententes, abus de position dominante ou concentrations qui suppriment ou réduisent la concurrence entre les entreprises. Ce sont notamment les articles 101 et 102 TFUE ou le droit des pratiques anticoncurrentielles (art. L. 420-1 s. C. com.) en France. D'autres règles empêchent les agissements fautifs des entreprises qui adoptent des comportements préjudiciables à l'égard de leurs concurrents ou de leurs partenaires, sans porter atteinte au fonctionnement du marché lui-même. Elles protègent les concurrents, non la concurrence. De tels agissements sont susceptibles de constituer des actes de concurrence déloyale ou encore, selon la classification française, des pratiques restrictives. Le droit européen ne comporte pas, pour l'heure, de telles dispositions sanctionnant la concurrence déloyale.

Au sens strict, le droit de la concurrence ne se préoccupe pas, en principe, de loyauté de la concurrence. Inspiré du droit antitrust américain, il a pour objet unique de lutter contre le pouvoir de monopole ou de marché, c'est-à-dire la capacité dont dispose une entreprise ou un groupe d'entreprises, qui contrôle une part relativement importante du marché, d'induire une hausse des prix en réduisant les quantités offertes et en obligeant ainsi les consommateurs à se détourner vers d'autres biens, au risque de gaspiller des ressources économiques rares. Au-delà du bon fonctionnement du marché, c'est donc l'efficacité économique et le bien-être du consommateur qui sont en cause. Neutre au regard de la répartition des ressources entre les différents opérateurs, le droit de la concurrence est dépourvu de toute préoccupation d'équité. Il ne poursuit aucun objectif de justice distributive et ne vise qu'à accroître le surplus global de l'économie. Il n'a pas non plus l'ambition de favoriser un agent économique particulier (par ex. le petit commerçant par rapport au grand distributeur). Le présupposé de l'idéologie concurrentielle classique est en effet que la situation de marché optimale résulte de l'application pure et simple de la théorie des prix et de sa conséquence juridique, la lutte contre le pouvoir de monopole. Il en résulte que seules les règles figurant aux articles 101 et 102 TFUE ou L. 420-1 et suivants du Code de commerce, ou dans le règlement sur le contrôle des concentrations, relèvent à proprement parler du droit de la concurrence. Tel qu'il est conçu aujourd'hui, le contrôle des aides d'État, qui figure aussi au chapitre du Traité consacré aux règles de concurrence, ne s'inscrit pas dans le cadre de la théorie des prix mais représente plutôt un avatar de la concurrence déloyale.

À la différence du droit américain, le droit européen et le droit français n'ont jamais conçu les finalités du droit de la concurrence, même entendu comme le droit des pratiques anticoncurrentielles et des concentrations, exclusivement en termes d'efficacité économique. En recourant à la notion de concurrence praticable ou efficace, ils n'ont pas hésité, lorsqu'ils l'ont jugé nécessaire, à rejeter le dogme de la théorie des prix et à faire des choix positifs en faveur de certains schémas de consommation. Dans l'arrêt Metro(2), le juge européen déclare que “la concurrence non faussée visée aux articles 3 et 85 du Traité CE [devenu 101 TFUE] implique l'existence sur le marché d'une concurrence efficace (workable competition), c'est-à-dire de la dose de concurrence nécessaire pour que soient respectées les exigences fondamentales et atteints les objectifs du Traité...”. En conséquence, les autorités européennes et françaises préfèrent parfois à la concurrence par les prix, la concurrence par la qualité, et ne considèrent pas que la protection de l'environnement, de l'emploi ou du petit commerce, ou la lutte contre les abus de puissance d'achat des grands distributeurs à l'égard de leurs fournisseurs sont des préoccupations extraconcurrentielles. L'opposition entre la politique européenne de concurrence et la théorie économique n'est cependant pas si absolue car les fins extérieures au raisonnement concurrentiel sont aussi des facteurs de coût qu'une analyse économique plus globale devrait prendre en considération.

Au-delà, le principe de libre concurrence n'est conçu par l'article 3, b), TFUE que pour assurer le fonctionnement du marché intérieur et apparaît donc plutôt comme un instrument juridique subsidiaire par rapport aux règles relatives à la liberté de circulation. L'article 101, paragraphe 1, TFUE interdit les seules ententes “qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres”. De même, l'article 102 TFUE n'établit l'abus de position dominante que “dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté”. Très vite, cependant, le droit européen de la concurrence a gagné son autonomie. Parce qu'elles trouvent leur cohérence dans une théorie économique spécifique, les règles de concurrence ne peuvent avoir pour seul objet d'assurer l'ouverture des marchés nationaux.

Notes de bas de page :

(1) - V. BONASSIES, Les fondements du droit communautaire de la concurrence : la théorie de la concurrence-moyen, in Mélanges Weill, 1983, 51 ; LE TOURNEAU, Liberté, égalité, fraternité dans le droit de la concurrence, Gaz. Pal., 1991, 2, Doctr., 348 ; GLAIS, Économie industrielle, 1992 ; Politique de concurrence, Rev. éco. ind., 1993, nº 63 ; DANET, Le droit de la concurrence doit-il être économiquement correct ?, D. Aff. 1996, 1370 ; VOGEL, Droit de la concurrence et puissance d'achat : plaidoyer pour un changement, JCP E, 1997, I, 713 ; GLAIS, Crises sectorielles et ententes défensives, Mélanges Champaud, 1997, 335 ; BIENAYMÉ, Principes de concurrence, 1998 ; FAGÈS et MESTRE, L'emprise du droit de la concurrence sur le contrat, RTD com., 1998, 71 ; Droit de la concurrence et droit privé, Cah. dr. entr., 2000, nº 3 ; GUEDJ, Pratique du droit de la concurrence national et communautaire, Litec, 2000 ; DEVELLENNES et KIRIAKIS, Vers un réseau international de la concurrence, LPA, 18 décembre 2001 ; LUCAS de LEYSSAC et PARLÉANI, Droit du marché, PUF, 2002 ; TORRE-SCHAUB, Essai sur la construction juridique de la catégorie de marché, LGDJ, thèse, 2002 ; BOY, L'ordre concurrentiel : essai de définition d'un concept, Mélanges Pirovano, 2003, 23 ; NEVEN, L'efficacité des politiques de la concurrence : le point de vue d'un économiste (La perception et la mesure de l'efficacité de la politique de la concurrence, 1re table ronde du colloque sur "L'efficacité de la politique de la concurrence"), Gaz. Pal., 26-28 janvier 2003, 29 ; VOGEL, Le juriste face à l'analyse économique, Rev. conc. consom., 2003, 7 ; L'économie, serviteur ou maître du droit ?, Mélanges Decocq, 2004, 605 ; BRAULT, Politique et pratique du droit de la concurrence en France, LGDJ, 2005 ; DYEVRE, La prise en considération de critères "extraconcurrentiels" dans le droit communautaire de la concurrence, RID éco., 2007 nº 4, 415 ; VOGEL, Concurrence : de l'évolution à la révolution, in Le Code de commerce, Dalloz, 2007, 413 ; RIEM, Concurrence effective ou concurrence efficace ? L'ordre concurrentiel en trompe-l'œil, RID éco., 2008, nº 1, 67 ; ANDRIYCHUK, Dialectical antitrust: An alternative insight into the methodology of the EC competition law analysis in a period of economic downturn, ECLR, 2010, Vol. 31, Issue 4, 155 ; VOGEL, Droit de la concurrence et crise économique : qui est le plus fort ?, Liber Amicorum Christian Larroumet, Economica, 2010, 465 ; ABBOTT et SINGHAM, Enhancing welfare by attacking anticompetitive market distortions, Concurrences, 4/2011, n° 39547 ; ARCELIN-LECUYER, Procédure de sauvegarde et concurrence : le divorce consommé, D., 2011, 21, 1441 ; DECOCQ, Le droit de la concurrence à l'épreuve de la crise économique et financière, Contrats Conc. Consom., 2012, repère n° 2 ; HUDSON, Understanding the Direction of EU Competition Law: An Analysis based on Merger Regulation in the EU and US, ECLR, 2012, Vol. 33, Issue 11, 526 ; GOLDMAN et VOGEL, Encyclopaedia Universalis, V. Concurrence, 2013 ; MEROLA, DERENNE, RIVAS, Competition law in times of economic crisis: In Need of Adjustment?, Bruylant, 2013 ; MAZIARZ, Do now economic goals count in interpreting Article 101(3) TFUE?, ECJ August 2014, 341 ; COMBE, Economie et politique de la concurrence, Dalloz, 2e édition, 2020 ; MAJUMDAR & WILLIAMS, Anchoring Competition Policy: Keep Consumer Welfare and Carry On, in Richard Whish Liber Amicorum, Taking Competition Law Outside the Box, Concurrences, 2020, 17.

(2) - CJCE, 25 octobre 1977, Metro SB-Grossmarkete GmbH & Co. (KG), aff. 26-76, 26-76, Rec., 1875 ; Cah. dr. eur., 1978, 461, obs. FRIGNANI.

(3) - Un droit de marque national confère une exclusivité à un titulaire et constitue nécessairement un obstacle à la libre circulation des marchandises entre États membres ; il peut en revanche constituer un bon facteur de concurrence car il permet aux entreprises de s'attacher une clientèle par la qualité des produits et aux consommateurs d'identifier l'origine de ceux-ci. V. CJCE, 17 octobre 1990, Hag II, aff. C-10-89, C-10/89, RTD eur., 1991, 169, obs. JOLIET ; RTD com., 1991, 213, obs. CHAVANNE ; RTD eur., 1991, 639, obs. BONET ; RJDA, 1991, 751, obs. KOVAR ; Gaz. Pal., 1992, III, Doct., 222, obs. DESMAZIÈRES de SECHELLES ; Cah. dr. eur., 1991, 473, obs. VAN DER ESCH ; JCP E, 1992, II, 109, obs. VOGEL.

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