Le droit économique en 500 conseils

Droit économique

Le droit économique en 500 conseils
 

Extrait de l'ouvrage

Comment se défendre contre une action en concurrence déloyale ?

Lorsque la conjoncture économique se détériore, les actions en concurrence déloyale se multiplient. Le risque de se trouver exposé à de telles actions est d’autant plus important en France que notre droit offre aux entreprises toute une panoplie d’actions qui permettent de mettre en cause la responsabilité des concurrents au titre de la concurrence déloyale : confusion dans l’esprit de la clientèle entre des entreprises concurrentes ou leurs produits ; désorganisation de l’entreprise rivale par débauchage de salariés, appropriation de son savoir-faire, détournement de clientèle ; désorganisation plus large du marché par pratiques commerciales déloyales ou non-respect de règles légales ; dénigrement jetant le discrédit sur une personne ou un produit ; parasitisme en se plaçant dans le sillage d’autrui pour conquérir une clientèle. Cette liste n’est pas limitative : l’action en concurrence déloyale est ouverte dès qu’il existe un comportement contraire à la loyauté du commerce (V. L. Vogel, Traité de droit économique, Tome 1/2. Droit de la concurrence, Droit français, Bruylant/LawLex, 3e éd., 2020). Comment réagir et se défendre en cas d’action en concurrence déloyale de la part d’un concurrent ?

Analyser objectivement les griefs formulés et agir en conséquence.

Pour déterminer la ligne de conduite à suivre, une recherche de jurisprudence précise s’impose sur la position de la chambre de la juridiction saisie (qui peut être spécialisée comme à Paris) sur le grief en cause et le risque encouru.

Vérifier que le concurrent ne pratique pas lui-même les actes de concurrence déloyale qu’il reproche.

Cette vérification s’impose notamment si le concurrent fait grief de ne pas respecter une réglementation. Souvent, le demandeur à l’action n’est pas lui-même en règle. Il a déjà été jugé qu’une société ne saurait se prévaloir d’une prétendue violation d’une règle alors qu’elle-même viole cette règle(1). A défaut d’être retenu comme une cause d’irrecevabilité, ce moyen de défense fera l’objet d’une demande reconventionnelle(2) et peut donner lieu à une compensation des condamnations(3).

Contre-attaquer le cas échéant sur un autre plan.

La meilleure défense reste l’attaque : faute de pouvoir identifier une pratique exactement identique de son concurrent de nature à tenter de rendre son action irrecevable, réaliser un audit rapide de l’ensemble de ses comportements permettra de contre-attaquer en cas d’identification de faits fautifs de sa part, afin de l’inciter à conclure un accord amiable.

Contester la situation de concurrence lorsqu’elle conditionne la recevabilité de l’action.

L’action en concurrence déloyale n’est pas dans tous les cas, subordonnée à l’existence d’un rapport de concurrence entre les parties. La position des juges quant à l’exigence d’un rapport de concurrence diffère selon l’acte de concurrence déloyale en cause.

Prouver que les éléments constitutifs du grief de concurrence déloyale ne sont pas réunis.

Les moyens de défense au fond, infiniment nombreux, varient en fonction de chaque grief particulier de concurrence déloyale invoqué. L’entreprise accusée de débauchage invoquera la liberté d’embauche, la faculté de convenir d’un engagement en cours de préavis dès lors que le contrat de travail n’a pas commencé à être exécuté ou que le salarié a été dispensé d’exécuter son préavis(4) ou le caractère isolé ou non massif de l’embauche et l’absence de désorganisation de l’entreprise concurrente. La société accusée de violer une réglementation contestera la matérialité de la violation, les preuves fournies ou encore la légalité de la réglementation au regard du droit national ou du droit européen.

Combattre l’existence du préjudice invoqué.

En raison de la spécificité du dommage concurrentiel, les juges considèrent que l’existence du préjudice s’infère nécessairement des actes déloyaux(5). L’ouverture de l’action en concurrence déloyale demeure donc uniquement conditionnée par la faute. En revanche, pour l’allocation de dommages et intérêts au-delà du préjudice souvent limité s’inférant de l’acte de concurrence déloyale en soi, le droit commun reprend son empire : la victime doit prouver l’existence de son préjudice(6).

Faire valoir l’absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué.

La jurisprudence se montre stricte dans l’exigence d’un lien de causalité(7). La simple coïncidence entre la faute et le préjudice ne suffit pas. La défection de la clientèle ne résulte pas nécessairement de manoeuvres déloyales(8). Analyser avec soin les comptes de la partie adverse et les rapports de gestion qui contiennent souvent de très intéressantes déclarations sur l’évolution de ses activités et ses causes et faire établir un rapport par un conseil économique et financier permettront de contredire l’existence du préjudice et son lien causal avec les griefs de concurrence déloyale invoqués.

Être particulièrement attentif aux procédures d’urgence et proactif.

Puisque des dommages-intérêts restent souvent difficiles à obtenir, le demandeur espère d’abord faire cesser les pratiques litigieuses sous astreinte par le biais d’une procédure d’urgence (référé ou bref délai). Le demandeur devra faire preuve d’une grande réactivité et d’une bonne connaissance des moyens de défense spécifiques, en particulier du référé (absence de trouble manifestement illicite, appréciation au jour de l’audience et non de la demande, etc.).

Notes de bas de page :

(1) - Cass. com., 8 juill. 2003, 99-10.181

Massé (Consorts) et autres c. Briand (ès qual.) et autres

La Cour : (…) Attendu que pour condamner in solidum MM. Beauvineau, Harivel, Jean-Marc et Nicolas Massé, Pasquier et Torcheux ainsi que M. Xavier Bertrand, à indemniser la société SEPR et fixer à une certaine somme la créance de cette société au passif de la liquidation judiciaire de la société CAE, l’arrêt retient que la SEPR a pour activité la «vente» de contrats de protection juridique et que, pour servir les prestations de protection juridique, elle a souscrit, par l’intermédiaire d’un courtier, plusieurs contrats auprès d’une société d’assurances, de sorte qu’elle n’exerçait pas à proprement parler une activité illicite de courtier d’assurances et justifiait ainsi qu’elle avait intérêt à agir sur le fondement de la concurrence déloyale ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces «ventes» de contrats de protection juridique ne constituaient pas des opérations de présentation d’assurances au sens du premier des textes susvisés et si, dans l’affirmative, la SEPR ou ses salariés remplissaient les conditions prévues par le second de ces textes, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision (…).

(2) - Paris, 10 mai 2012, 10-04016

Havana Club International (Sté); Pernod (SA) c. 1872 Holdings VOF (Sté)

La Cour : (…) Il résulte de l’ensemble de ces éléments que si l’usage indu d’une indication géographique, permettant à un tiers de tirer profit de manière illégitime de la renommée attachée à cette indication, constitue un acte de concurrence déloyale, il ne permet pas pour autant aux appelantes de demander qu’il soit jugé que les intimées ont porté atteinte à l’indication d’origine «Cuba», de sorte qu’elles doivent être déboutées de leur demande à ce titre.

(…)

Quoiqu’il en soit, même si le fait pour les sociétés Pernod et Havana Club International de se livrer à une pratique commerciale trompeuse en apposant sur leurs produits et en faisant référence sur leurs sites Internet à une ancienneté qu’elles n’ont pas, constitue une pratique de concurrence déloyale, il aurait appartenu à la société 1872 Holdings VOF de caractériser son préjudice par des éléments chiffrés, permettant d’évaluer l’importance du détournement de clientèle et du fléchissement de leurs ventes sur le marché français, liés aux actes de concurrence déloyale commis par les appelantes, ce qu’elle ne fait pas (…).

(3) - T. com. Paris, 8 juill. 2011, 2010075602

Rentabiliweb Europe (SAS) c. Hi-Media (SA)

Le Tribunal : (…) Rentabiliweb ne dénie pas avoir acheté le mot clé «Allopass» à Google. Bien que ne s’agissant pas d’une marque protégée, son utilisation pour obtenir du moteur de recherche le plus utilisé en France qu’il renvoie au site de Rentabiliweb constitue un acte de parasitisme et de concurrence déloyale dans la mesure où Rentabiliweb peut ainsi détourner à son profit des internautes désirant toucher la société Allopass. Etant donné l’utilisation beaucoup plus courante de Google que de Wikipédia dans la recherche de sites, le tribunal estimera au double de l’indemnité accordée plus haut à Rentabiliweb, soit 50 000 euro, l’indemnité à payer par Rentabiliweb à Hi-Media (…).

Compensation des condamnations

Le tribunal ordonnera la compensation des condamnations et condamnera donc Rentabiliweb à payer à Hi-Media l’unique somme de 50 000 + 50 000 - 25 000 = 75 000 euro (…).

(4) - Cass. soc., 1er oct. 1996, 93-44.978

Eurostock c. X

La Cour : (…) Mais attendu, que le salarié, dispensé par l’employeur d’exécuter le préavis, a la faculté d’entrer, pendant sa durée, au service d’une autre entreprise, fût-elle concurrente ; que par ce motif substitué à ceux de la cour d’appel, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli (…).

(5) - Cass. 1re civ., 22 oct. 2009, 08-19.499

X. c. Le Midi libre

La Cour : (…) Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé que l’interview litigieuse avait impliqué la recherche d’informations précises sur la société concernée, des démarches pour obtenir l’entretien, du temps, un effort intellectuel pour en choisir le sujet et bien le cerner, que la société Midi libre n’avait pu obtenir un tel contact, M. Y ayant laissé sa demande sans suite, et que, sans investissement intellectuel ou matériel, elle s’était approprié par facilité les résultats du travail fourni par la société M, à laquelle elle s’était abonnée, M. X ayant, sans le citer, capté les renseignements obtenus par un confrère, a pu en déduire l’existence d’un comportement parasitaire, au demeurant contraire à l’éthique professionnelle (...).

(6) - Cass. com., 10 juill. 2007, 05-18.571

Buttress BV (Sté) et autre c. L’Oréal Produits de Luxe France (SNC) et autres

La Cour : (…) Et sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Nutrimetrics fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté son action en concurrence déloyale, alors, selon le moyen, que les faits de concurrence déloyale, générateurs d’un trouble commercial, impliquent l’existence d’un préjudice qu’il appartient au juge de réparer; qu’après avoir constaté que le dépôt de la marque « Nutri-Riche « créait un risque de confusion avec la marque «Nutri-Rich» exploitée par la société Nutrimetrics, la cour d’appel devait nécessairement en déduire l’existence pour cette société d’un préjudice résultant du trouble commercial qui lui a été occasionné; qu’en rejetant l’action en concurrence déloyale pour la raison que, aucun produit n’ayant été exploité en France sous la dénomination «Nutri-Riche», la société Nutrimetrics n’avait subi aucun préjudice, la cour d’appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel a exactement distingué, d’un côté, le dommage résultant nécessairement de l’atteinte au droit du titulaire de la marque à son droit exclusif, par le seul dépôt d’un signe contrefaisant, et, de l’autre, la nécessité pour l’exploitant de cette marque de fonder sa demande indemnitaire sur la réalité d’un trouble commercial lié à l’exploitation de ce signe dans des conditions portant préjudice à ses intérêts propres (…).

(7) - Cass. com., 30 janv. 2001, 99-10.654

Glock France (SA) c. Bécheret (ès qual.)

La Cour : (…) Mais sur la seconde branche du premier moyen : - Vu l’article 1382 du Code civil; - Attendu que pour condamner la société Glock à payer à Mme Bécheret, en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Neral des dommages-intérêts, l’arrêt retient que «l’attitude parasitaire de la société Glock à l’égard d’une société dont elle connaissait les difficultés financières Mme Girard, ancienne employée de la société Neral, qui comme il vient d’être dit, connaissait elle-même parfaitement lesdites difficultés, occupant le poste de directeur au sein de Glock France a causé à la société Neral un préjudice très important».

Attendu qu’en statuant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre la faute relevée à l’encontre de la société Glock et le préjudice dont elle a constaté l’existence, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure d’exercer son contrôle (…).

(8) - Reims, 23 nov. 1994, 184-93

Sopad (SA) c. Brucelle (ès qual.) et autre

La Cour : (…) Attendu que ce préjudice consiste en une diminution du prix de cession payé par le repreneur, en raison de la défection d’un certain nombre de producteur de lait :

Qu’il est constant qu’au moment de son dépôt de bilan, le 30 août 1985, la situation de la Fromagerie Moreau ne permettait pas d’envisager une continuation de l’activité, en raison de la faiblesse de sa trésorerie et de l’impossibilité de faire face au règlement des salaires d’août, donc a fortiori de payer l’arriéré des sommes dues aux producteurs de lait ; qu’à cette date, les producteurs de lait, denrée par nature extrêmement périssable, se trouvaient donc dans la nécessité de trouver, provisoirement un débouché pour leur production, les autres branches de l’alternative consistant soit à continuer les livraisons à la Fromagerie Moreau sans pouvoir espérer un paiement, soit de la détruire ;

Que s’il n’est pas démontré que la société Sopad ait suscité la décision de certains de ces producteurs de signifier à la Fromagerie Moreau qu’ils s’estimaient libérés de tout engagement à son égard, elle a néanmoins, par les engagements qu’elle a pris envers eux, profité du trouble légitime provoqué par le dépôt de bilan de celle-ci pour étendre sa zone de collecte;

Que cependant, le lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué par Maître Brucelle ès qualité n’est pas établi (…).

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