En avril 2020 et mars 2021, dans le contexte de la pandémie de Covid-19 et afin de soutenir le secteur de l’aviation, la République française a notifié à la Commission européenne deux mesures d’aide individuelle : l’une en faveur d’Air France uniquement et l’autre en faveur d’Air France et de sa holding Air France-KLM.
La Commission a conclu à la compatibilité de ces mesures avec le marché intérieur. Cependant, Ryanair et Malta Air, contestent ces décisions soutenant essentiellement que les mesures en cause sont contraires au droit de l’Union.
En effet, ces compagnies aériennes estiment que la Commission a erronément défini les bénéficiaires de ces aides, en décidant que ni la holding Air France-KLM (dans la décision contestée dans l’affaire T-216/21) ni KLM (cette fois-ci également dans la décision T-494/21) n’en étaient bénéficiaires alors même qu’elles appartiennent au même groupe de sociétés, soit à la même entreprise.
Saisi du litige, le Tribunal revient de manière extensive sur la question de la détermination du bénéficiaire d’une mesure d’aide d’Etat en présence d’un groupe de sociétés.
Après une analyse approfondie des liens entre les sociétés du groupe Air France-KLM, le Tribunal conclut que la Commission a commis une erreur dans la définition des bénéficiaires des aides d’Etat octroyées, en excluant la holding Air France-KLM et KLM.
En outre, dans la mesure où ces sociétés font partie de la même entreprise, elles étaient susceptibles de bénéficier, à tout le moins indirectement, de l’avantage accordé par les aides d’Etat en cause.
Ainsi, dans le domaine des aides d’État, un groupe de sociétés doit être qualifié d’entreprise bénéficiaire.
1. Identification du bénéficiaire d’une aide d’Etat dans le contexte d’un groupe de sociétés
De manière constante, le Tribunal juge que plusieurs entités juridiques distinctes peuvent être considérées comme formant une seule unité économique aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’Etat.
Dans ce contexte, il a été jugé que la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si des sociétés faisant partie d’un groupe devaient être considérées comme une unité économique ou bien comme des unités juridiquement et financièrement autonomes aux fins de l’application du régime des aides d’État.
Pour ce faire, le Tribunal relève que « Lorsqu’il y a lieu de craindre les effets sur la concurrence d’un cumul d’Aides d’Etat au sein d’un même groupe, il incombe à la Commission d’examiner avec une vigilance particulière les liens entre les sociétés appartenant à celui-ci ».
Par conséquent, afin d’identifier les bénéficiaires des aides litigieuses, les juges de l’Union ont procédé à une analyse minutieuse des liens capitalistiques, organiques, fonctionnels et économiques entre la Holding Air France-KLM et KLM ainsi que leurs filiales respectives mais aussi les contrats sur la base desquels la mesure en cause a été octroyée, ainsi que le type de mesure d’aide octroyée et le contexte dans lequel celle-ci s’inscrit.
Au terme de cette analyse, le Tribunal conclut que la holding Air France-KLM et KLM étaient susceptibles de bénéficier, à tout le moins indirectement, de l’avantage accordé par les aides d’État en causes.
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2. Annulation de la décision des deux mesures d’aides d’Etat
Le Tribunal souligne que l’identification erronée ou incomplète du bénéficiaire d’une mesure d’aide est susceptible d’avoir une incidence sur l’ensemble de l’analyse de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur et justifie d'annuler la décision de la Commission qui a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les bénéficiaires de la mesure en cause étaient certaines sociétés d'un groupe, à l'exception de certaines autres.
3. Des conséquences limitées pour le groupe Air France-KLM
En l’espèce, l’annulation de ces deux mesures n’aura que peu de conséquences pratiques dans la mesure où le groupe Air France-KLM a déjà remboursé en quasi-totalité les aides accordées.