Par conséquent, celui d'Heureka recevait moins de visites. L’entreprise a considéré que Google a abusé de sa position dominante et se base dans ce contexte sur une décision (non encore définitive) de la Commission européenne.
Le recours devant le juge tchèque
Heureka a soumis un recours en dommages et intérêts au juge tchèque, qui se demande si l'ancien délai de prescription prévu en droit tchèque s'applique encore à ce recours. À partir du moment où la personne lésée a appris qu'elle a subi un tel dommage et l'identité de l'auteur de l'infraction, ce délai de trois ans commence à courir pour chaque dommage partiel.
Le régime national, quant à lui, ne requiert pas la connaissance du fait que le comportement en question est une infraction, ni que celle-ci ait pris fin, pour que le délai de prescription commence à s'échelonner. Il n'est également pas prévu, dans ce régime, que le délai mentionné soit suspendu ou interrompu pendant l'enquête de la Commission et jusqu'à un an après la date à laquelle la décision de la Commission constatant cette même infraction devienne conclusive.
La réponse de la CJUE concernant le délai de prescription du droit tchèque
La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt C-605/21, juge que le droit de l’Union s’oppose à la réglementation tchèque applicable jusqu’à la transposition tardive de la directive 2014/104.
Dans cette optique, la Cour estime que, même avant la fin du délai de transposition de cette directive, le droit de l'Union stipulait que, pour que le délai de prescription puisse commencer à courir, l'infraction au droit de la concurrence doit avoir été arrêtée et que la personne lésée doit avoir acquis les informations nécessaires pour introduire son action en dommages et intérêts, en particulier le fait que le comportement en question constitue une telle infraction.
En effet, il est essentiel que ces deux conditions soient remplies afin que la personne lésée puisse réellement exercer son droit de demander une réparation complète du préjudice subi en raison d'une violation du droit de la concurrence.
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La date de publication du résumé de la décision de la Commission comme point de départ
Selon la Cour, la date de la publication du résumé de la décision de la Commission constatant l'infraction au Journal officiel est en principe la date à laquelle la connaissance des informations nécessaires pour introduire un recours est connue, même si cette décision n'est pas encore définitive.
De plus, la partie lésée a la possibilité de se baser sur une telle décision non définitive pour soutenir sa demande de dommages et intérêts.
Dans cette situation, la Cour constate que le droit de l'Union veut aussi que la prescription puisse être suspendue ou interrompue pendant l'enquête de la Commission, afin d'éviter que le délai de prescription ne s'écoule avant même la clôture de cette enquête.
La décision de la Commission comme élément de preuve
Effectivement, comme il est généralement difficile pour la personne lésée d'apporter la preuve d'une infraction au droit de la concurrence sans décision de la Commission ou d'une autorité nationale, il doit être envisageable pour celle-ci d'attendre l'issue d'une telle enquête, afin de pouvoir se baser, le cas échéant, sur une telle décision dans le cadre d'une action ultérieure en dommages et intérêts.
Par ailleurs, s'il n’est pas exclu qu’une personne lésée par une infraction aux dispositions du droit de la concurrence puisse prendre connaissance des éléments indispensables pour l’introduction de son action bien avant la publication au Journal officiel du résumé de la décision de la Commission, il appartient à la partie défenderesse à cette action de démontrer que tel est le cas.
De plus, la Cour juge qu’une loi nationale qui ne prévoit pas que le délai de prescription est suspendu à tout le moins jusqu'à un an après la date à laquelle la décision de constatation de l'infraction est devenue définitive est contraire à l'article 10 de la directive 2014/1104.
Dans cette optique, la Cour estime que l'ancien régime de prescription tchèque est incompatible avec le droit de l'Union car il rend l’exercice du droit de demander réparation du préjudice subi en raison d’une infraction au droit de la concurrence pratiquement impossible ou excessivement difficile.