Cette décision a vocation à mettre en lumière une règle fondamentale applicable à l’ensemble des résolutions prises collectivement au sein des SAS.
La SAS, une forte liberté statutaire
Les SAS se caractérisent par une grande liberté statutaire, notamment en ce qui concerne les modalités de prise de décision collective, en vertu de l’article L. 227-9 du Code de commerce. Cette liberté permet aux associés de fixer, dans les statuts, des règles dérogeant au droit commun en ce qui concerne notamment les quorums et majorités nécessaires pour adopter des résolutions. Toutefois, cette liberté contractuelle n’est pas sans limite, ce que vient rappeler la Cour dans cet arrêt.
Le cadre du litige
Dans cette affaire, les statuts de la SAS prévoyaient que :
« les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ».
Cette clause avait été appliquée pour adopter une augmentation de capital en 2015, bien que 54 % des voix exprimées s’y étaient opposées. A la suite de l’adoption de cette résolution, deux détenteurs du capital de la SAS ont assigné la société en nullité de la délibération visant à augmenter le capital.
L’évolution de la jurisprudence
Initialement, la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt de 2022, avait adopté une position restrictive, en posant le principe selon lequel une décision collective doit nécessairement être prise à la majorité des voix exprimées. Cette position de la Cour semblait alors imposer une contrainte minimale en dépit de la liberté statutaire caractérisant la SAS.
Toutefois, la cour d’appel de renvoi a refusé de suivre l’orientation de la Cour de cassation considérant la décision comme conforme aux prévisions statutaires. En effet, selon la cour d’appel, la loi n’interdit pas une procédure d’adoption ne prévoyant pas une règle de majorité (CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 4 avril 2023, n° 22/05320).
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La solution de l’Assemblée plénière
Le litige s’est alors poursuivi par un second pourvoi en cassation et la Cour a, cette fois-ci, statué en Assemblée plénière. A cette occasion, la Cour de cassation a tranché en faveur de la position restrictive, en énonçant une règle générale applicable à toutes les résolutions collectives des SAS :
« […] 10. Une décision collective d’associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix.
11. Toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires.
12. La liberté contractuelle qui régit la société par actions simplifiée ne peut s’exercer que dans le respect de la règle énoncée au paragraphe 10.
13. Il s’en déduit que la décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite. […] »
- Principe de majorité minimale : Une résolution collective ne peut être adoptée que si elle recueille au moins la majorité des voix exprimées.
- Nullité des clauses contraires : Toute clause statutaire permettant une adoption sans majorité est réputée non écrite, conformément aux dispositions des articles 1844 et 1844-10 du Code civil.
Ainsi, la Cour affirme que la liberté contractuelle propre aux SAS ne peut s’exercer que dans le respect d’un cadre minimal garantissant la cohérence des décisions collectives.
Les implications pratiques
Cet arrêt a vocation à avoir des répercussions qui dépassent la simple question des augmentations de capital pour s’appliquer à toutes les résolutions collectives. Cette exigence d’une majorité des voix exprimées limitant la liberté statutaire de la SAS permet alors de renforcer la sécurité juridique et d’uniformiser la pratique.
Cela renforcera la prévisibilité des règles applicables aux décisions collectives des SAS.