Guichet électronique des formalités des entreprises : des dysfonctionnements persistants s'alarme la Cour des comptes !

Face aux dysfonctionnements importants du guichet unique mis en place par la loi PACTE de 2019, la Cour des comptes a réalisé un « audit flash » au terme duquel elle a rendu un rapport pessimiste.

Publié le 
10/6/2024
Guichet électronique des formalités des entreprises : des dysfonctionnements persistants s'alarme la Cour des comptes !
 

Si cette réforme tendant à la simplification des formalités des entreprises était très attendue, sa mise en œuvre ne s’est pas faite sans de nombreux heurts et, à ce jour, des anomalies importantes ont encore été relevées par la Cour.
 

Le guichet unique : une mesure de simplification attendue

La création d’un guichet unique électronique par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, s’inscrit dans une volonté de simplification et de modernisation de l’accomplissement des formalités des entreprises, qui avait déjà marqué la réforme de 1981 créant les « CFE » (les centres de formalités des entreprises).

Les réseaux des CFE n’étaient cependant pas sans défauts. S’ils faisaient le lien avec les organismes destinataires des formalités, la compétence des centres n’était pas toujours lisible pour les entreprises qui rencontraient parfois des difficultés pour identifier à qui elles devaient s’adresser en fonction de leur activité, de leur emplacement géographique ou de leur forme juridique.

Dans cet objectif de simplification toujours plus poussée, et afin de faciliter la vie des entreprises, un pas supplémentaire a été franchi avec la création du guichet unique électronique.

Plutôt que d’avoir à identifier le CFE compétent, les entreprises rentrent les informations sur une plateforme unique. Celle-ci se charge ensuite de transmettre les informations aux organismes destinataires de façon sécurisée. Toutes les entreprises sont concernées, que ce soit pour leur création, la modification ou la cessation de leur activité.

Une mise en œuvre chaotique du dispositif

Sa mise en œuvre a été confiée à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). Le calendrier était prévu comme suit : une phase transitoire pendant laquelle le guichet unique coexistait avec les anciens dispositifs et, au 1er janvier 2023, la disparition de tous les autres systèmes, les entreprises pouvant seulement passer par le guichet unique pour l’accomplissement de leurs formalités.

Mais, rapidement, des difficultés sont apparues. A ce titre, ont notamment été rapportées l’absence de certaines fonctionnalités ou de certaines mentions qui n’étaient pas répertoriées dans le système, des dysfonctionnements techniques, une mauvaise communication avec les organismes destinataires, une plateforme qui n’était pas assez performante pour absorber le flux de demandes.

Tous ces éléments rendaient l’accomplissement des formalités extrêmement complexe pour les entreprises freinées au commencement de leur activité (impossibilité de conclure des contrats, formalités non transmises aux destinataires). Situation d’autant plus pénible pour les entreprises qui sont privées, dans l’accomplissement de ces formalités dématérialisées, de l’assistance de ces intermédiaires que constituaient les CFE.

Les dysfonctionnements ont subsisté après l’échéance du 1er janvier 2023. Une procédure de secours a alors été mise en place. Pour les formalités de modification et de cessation, pour lesquelles les difficultés subsistaient, il fallait passer par Guichet entreprise ou infogreffe réouvert partiellement à cette fin.

Ce dispositif de secours a été instauré par arrêté le 1er février 2023, puis reconduit le 27 juin 2023, avant que la Cour des comptes ne s’empare de la question. Il s’agissait notamment pour elle de savoir si le dispositif allait être pleinement opérationnel au 1er janvier 2024, date à laquelle la procédure de secours devait s’achever.

Le bilan de la Cour des comptes

Constatant que les dysfonctionnements perduraient en juin 2023, pour les formalités autres que les créations d’entreprise, un audit flash a été réalisé par la Cour des comptes cet été. Publié en décembre 2023, il rend compte des défauts du dispositif et présente les solutions à envisager pour y pallier. Son objectif : « établir précisément les conditions de mise en œuvre de ce projet, identifier les causes des difficultés rencontrées et apprécier dans quelle mesure les ajustements décidés en cours d’année 2023 permettent de résoudre les problèmes constatés au démarrage du guichet unique. »

La Cour des comptes distingue plusieurs causes pouvant expliquer le retard et les dysfonctionnements rapportés.


Tout d’abord, les concepteurs n’ont pas pris la mesure de l’ampleur du bouleversement que ce nouveau système allait provoquer. L’échéance fixée était dès le départ irréaliste selon la Cour des comptes, et les études d’impact insuffisantes.

D’autre part, aux vues des nombreux dysfonctionnements rapportés, l’échéance aurait dû être repoussée. Au contraire, les responsables du projet ont préféré faire coexister le guichet unique avec d’autres systèmes permettant l’accomplissement de certaines formalités.

La Cour a également abordé la question des améliorations qui peuvent être attendues à plus ou moins long terme.

Un avenir incertain

Certaines questions restent en suspens car toutes les difficultés ne sont pas encore apparues au grand jour et de nouvelles pourraient faire surface. C’est l’expérience qui fera apparaitre au jour le jour les lacunes d’un système insuffisamment préparé en amont.

La Cour des comptes prévoit ainsi que « l’obligation d’utiliser le seul guichet unique pour effectuer les formalités [pourrait] donc se traduire par une nouvelle phase de dysfonctionnements et de difficultés pour les entreprises au début de l’année 2024 ».

C’est pourquoi un nouvel arrêté datant du 26 décembre 2023 prolonge la période de secours. Toutefois le recours à des solutions alternatives au guichet unique est soumis à des conditions plus strictes.

La Cour des comptes conclut par ce constat « Les évolutions du guichet unique et du registre national des entreprises sont donc entourées d’importantes incertitudes à l’horizon des prochains mois, voire des prochaines années ».
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