La fast fashion sous la pression réglementaire entre taxation douanière et encadrement

Publié le 
19/5/2025
La fast fashion sous la pression réglementaire entre taxation douanière et encadrement

Symbole de la surconsommation textile à l’ère du numérique, la fast-fashion, notamment représentée par Shein, cristallise aujourd’hui les tensions entre modèle économique mondialisé et impératifs écologiques.

L'essor fulgurant du géant chinois de la mode en ligne, connu pour ses vêtements à très bas prix et ses méthodes de production ultra-rapides, est désormais freiné par une série de mesures fiscales et réglementaires. Entre les États-Unis, l’Union européenne et la France, l’entreprise se trouve au centre de débats économiques, environnementaux et politiques.

Une machine économique grippée par les taxes douanières

Le modèle économique de Shein repose sur une stratégie de production massive et de distribution express à travers le monde. Chaque jour, l’entreprise expédie près de 5 000 tonnes de marchandises, majoritairement fabriquées en Chine, vers 150 marchés.

Aux États-Unis, les récentes mesures douanières frappent de plein fouet ce modèle : depuis le 2 mai 2024, les droits de douane sur les produits chinois ont été portés jusqu’à 145 %, et chaque colis pourrait être soumis, d’ici au 1er juin, à des frais forfaitaires de 100 dollars, doublant potentiellement ce montant. En réponse, Shein a ajusté ses prix, mais son modèle fondé sur l’ultra-compétitivité tarifaire semble menacé.

L’Union européenne a elle aussi décidé de serrer la vis. Elle prévoit la fin de l’exemption de droits de douane sur les petits colis de moins de 150 euros dès 2026, au lieu de 2028. Cette brèche réglementaire a pourtant permis à Shein d’inonder le marché européen à moindres coûts. En France, le ministre de l’Économie a dénoncé les livraisons massives de Shein comme une « aberration écologique » et a annoncé l’instauration de « frais de gestion » à la charge des plateformes. Ces mesures s’inscrivent dans une volonté plus large de régulation environnementale et commerciale.

Une stratégie de lobbying intense

Face à cette levée de boucliers, Shein a renforcé son arsenal de lobbying. En France, le groupe a recruté plusieurs figures influentes : Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur, Nicole Guedj, avocate et ancienne secrétaire d’État, ou encore Günther Oettinger, ancien commissaire européen. Leur mission : défendre les intérêts du groupe et diffuser l’idée selon laquelle la mode doit rester accessible à tous. Ces personnalités ont publiquement dénoncé une « stigmatisation injuste » de la fast fashion et de ses consommateurs, reprenant ainsi les éléments de langage de l'entreprise.

Une proposition de loi française pour encadrer la fast fashion

C’est dans ce contexte que s’inscrit la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, qui sera discutée au Sénat les 2 et 3 juin 2025. Ce texte, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en mars 2024, qui cible explicitement les pratiques des marques de fast fashion, repose sur trois piliers :

• renforcer l’information des consommateurs sur l’impact environnemental et social des produits textiles (article 1er) ;

• moduler les écocontributions des producteurs en fonction de la durabilité des produits (article 2), avec un malus progressif allant jusqu’à 10 euros par article d’ici 2030 ;

• encadrer la publicité, notamment en interdisant aux influenceurs de promouvoir les marques relevant de la mode éphémère (article 3).

La commission sénatoriale de l’aménagement du territoire a affiné le texte : les critères définissant la mode éphémère ont été précisés, l’affichage environnemental renforcé, et les écocontributions recentrées sur des installations de recyclage en France, afin de stimuler une économie circulaire locale.

Un modèle économique sous pression

Shein, qui a construit son succès sur un modèle de production délocalisée, rapide et peu coûteux, se trouve désormais contraint de revoir ses stratégies. En réponse aux sanctions douanières américaines, le groupe a cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement, notamment au Brésil et en Turquie. Cependant, la Chine, où Shein emploie plus de 16 000 salariés et collabore avec 7 000 fournisseurs, observe attentivement ces manœuvres, redoutant des pertes d’emplois dans le secteur textile.

Le modèle Shein est également critiqué pour ses risques sanitaires et écologiques : produits toxiques, microplastiques, et invendus envoyés dans des décharges à ciel ouvert soulèvent de vives inquiétudes.

Face à une pression réglementaire croissante et à une opinion publique de plus en plus attentive aux enjeux environnementaux, Shein se trouve à un tournant stratégique. Le cas du géant chinois illustre les limites d’un modèle de consommation sans entrave, à l’heure où la transition écologique s’impose comme une nécessité politique. Si la proposition de loi française est adoptée, elle pourrait faire figure de modèle européen, annonçant une ère nouvelle pour l’industrie textile. La question n’est plus seulement de savoir si Shein peut s’adapter, mais si l’ensemble du secteur est prêt à repenser ses fondements.

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