The Next Rembrandt, conçu par une IA générative
Une proposition de loi visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur a été déposée le 12 septembre 2023 à l’Assemblée nationale. Le texte permettrait d’intégrer dans le Code de la propriété Intellectuelle des mécanismes de protection des artistes auteurs face à l’émergence de l’intelligence artificielle générative d’œuvres. Il agit principalement sur la question de la traçabilité et de l’identification des auteurs des œuvres utilisées par les algorithmes.
1. Constat
Le texte souhaite apporter une réponse à la suite du constat du développement croissant des œuvres créées par des systèmes d’intelligence artificielle, générées à partir d’œuvres existantes. Les acteurs du secteur, et notamment les sociétés de gestion et les syndicats d’artistes, se disent préoccupés par les considérations éthiques liées à ces outils et par les risques d’atteinte à la diversité artistique.
Ce constat est partagé par l’Union Européenne, matérialisé dans un projet de règlement, l’« IA Act », adopté par le Parlement européen le 14 juin 2023.
2. Objectifs
Le législateur souhaite assurer une meilleure protection des artistes face au développement de l’IA générative, en clarifiant le sort des droits d’auteurs créés par ces outils numériques. L’objectif est de garantir une rémunération équitable, participant à l’innovation et à la promotion de la diversité artistique.
Le projet de loi a également des visées éthiques, afin de prévenir toute « échappée incontrôlée de créations protégées ».
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3. Solutions
Le projet de loi apporte des solutions, en quatre articles, aux considérations précitées.
L’article 1er ajoute un alinéa à l’article L. 131-3 du CPI traitant de la transmission des droits d’auteur : « l’intégration par un logiciel d’intelligence artificielle d’œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur dans son système et a fortiori leur exploitation est soumise aux dispositions générales du présent code et donc à autorisation des auteurs ou ayants droit ». L’utilisation d’œuvres pour générer des créations numériques sera soumis à l’autorisation de leurs auteurs.
L’article 2 du projet de loi prévoit le sort des droits d’auteur sur les œuvres créées par une IA générative. L’article L. 321-2 du CPI disposera que cette titularité revient aux auteurs des œuvres qui ont été utilisées dans le processus d’apprentissage automatique de l’algorithme. La gestion de ces droits sera assurée par des organismes de gestion collective.
La doctrine semble accueillir positivement cette évolution, les sociétés d’auteurs étant un outil pertinent pour appréhender la question selon les professionnels du secteur.
L’article 3 du texte propose l’insertion d’un alinéa à l’article L. 121-2 du CPI imposant la mention « œuvre générée par IA » sur les œuvres concernées, aux côtés du nom des auteurs des œuvres ayant permis été utilisées par l’algorithme.
Cet ajout n’est pas sans rappeler le projet d’« IA Act » du Parlement européen, qui prévoit également une telle obligation, témoignant de l’efficacité de la mesure.
Cependant, des réserves sont à émettre quant à la faisabilité technique de l’insertion du nom des auteurs sur l’œuvre. En l’état actuel de la recherche, le processus d’apprentissage automatique des systèmes d’IA ne permet par la mise en place d’une telle liste.
Se pose également la question de savoir si le nom de l’auteur doit figurer sur l’œuvre, alors même qu’une infime partie de son travail a été utilisé par l’algorithme pour aboutir à l’œuvre finale. Dans les cas où il n’est pas possible de déterminer quelle proportion de l’œuvre originale a été utilisée, il serait alors nécessaire de lister l’ensemble des artistes dont les œuvres ont été utilisées par l’algorithmes. Il convient de rappeler que certains systèmes d’IA ont recours à plusieurs milliards de données pour générer ces œuvres !
Pour finir, l’article 4 du projet de loi envisage d’intégrer à l’article L. 121-2 du CPI une « taxation destinée à la valorisation de la création (…) au bénéfice de l’organisme chargé de la gestion collective » pour les œuvres générées par un système d’IA générative. Un décret fixera le taux et l’assiette de cette taxation.
La même difficulté technique vient faire obstacle à l’application de cette disposition. En l’absence de moyens techniques permettant d’assurer la transparence quant aux œuvres utilisées, la mise en œuvre de cette taxe pourra s’avérer complexe.
Si le projet de loi propose des solutions pertinentes pour répondre à la problématique de la protection des auteurs face au développement des systèmes d’IA génératives, il semble encore limité par l’état de la technique…