Le 13 mars 2025, l’ordonnance portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés[1], a été publiée au Journal Officiel, conformément au délai de neuf mois requis par la loi d’habilitation Attractivité du 13 juin 2024 du 13 juin 2024[2]. L’ordonnance prévoit que ses dispositions entrent en vigueur pour l’essentiel au 1er octobre 2025[3].
Le rapport au Président de la République[4] qui accompagne l’ordonnance précise que « le premier objectif poursuivi est celui de la sécurisation des décisions sociales, et du cantonnement des nullités susceptibles de les affecter ». De fait, l’objectif affiché de la réforme est de clarifier le régime des nullités afin de renforcer la sécurité juridique.
Une volonté de clarification et d’unification du régime des nullités en droit des sociétés
Jusqu’à présent, le régime des nullités était réparti entre le Code civil (articles1844-10 et suivants) et le Code de commerce (articles L. 235-1 et suivants). La réforme abroge les dispositions spécifiques du Code de commerce, faisant du Code civil la seule référence en matière de nullité.
Par ailleurs, la réforme élargit les causes de nullité des actes et décisions des sociétés civiles et commerciales. Auparavant, les nullités étaient strictement encadrées, notamment pour les sociétés commerciales, l'annulation d'un acte modifiant les statuts nécessitant une disposition expresse. Cette réglementation entraînait des disparités avec les sociétés civiles, les actes les concernant étant plus facilement annulables. Désormais, selon l'article1844-10 du Code civil, la nullité d'une décision sociale ne peut résulter que de la violation d'une règle impérative du droit des sociétés, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général.
En outre, la terminologie « actes et délibérations », issue de la loi du 24 juillet 1966,est remplacée par « décisions sociales », ce qui exclut les conventions avec des tiers ainsi que les avis, opinions et recommandations émis par des instances collectives. Le régime des nullités est ainsi réservé aux décisions internes de la société, y compris celles des assemblées d’obligataires.
Une limitation des nullités par un contrôle judiciaire renforcé
L’ordonnance introduit un nouveau cadre visant à limiter l’impact des nullités sur les décisions sociales. L’automaticité du prononcé de la nullité est supprimée au profit d’un « triple test » instauré par le nouvel article1844-12-1 du Code civil. Le juge doit ainsi :
- vérifier si l’irrégularité invoquée a causé un préjudice au demandeur ;
- apprécier si cette irrégularité a influencé la décision contestée ;
- évaluer la proportionnalité entre les conséquences de l’irrégularité et celles de l’annulation de la décision.
Certaines causes de nullité, identifiées comme nécessitant un traitement spécifique, échappent à ce contrôle. Tel est le cas dans l’hypothèse de la transformation d’une société à responsabilité limitée en société en nom collectif ou société en commandite sans l’accord unanime des associés (C. com., art. L. 223-43) ou dans celle de la nomination irrégulière d’un administrateur de société anonyme (C. com., art. L.225-18).
[1]Ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés.
[2]L. 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.
[3] Exception faite de la sanction de la nullité des décisions collectives pour absence de désignation d’un auditeur des informations en matière de durabilité qui, elle, n’entrera en vigueur qu’au 1erjanvier 2027.
[4]Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2025-229 du 12mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés.
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L’encadrement des effets des nullités
Deux mécanismes illustrent cette volonté d’encadrement :
- la généralisation de la règle déjà présente dans le Code de commerce suivant laquelle une irrégularité affectant la désignation ou la composition d’un organe social n’entraîne pas automatiquement la nullité des décisions prises par cet organe (nouvel article 1844-15-1 du Code civil) ;
- la possibilité pour le juge de différer les effets de la nullité dans le temps lorsque la rétroactivité de la nullité d'une décision sociale est de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l'intérêt social (nouvel article 1844-15-2 du Code civil).
Par ailleurs, le délai de prescription de l’action en nullité en droit des sociétés est réduit de trois à deux ans, le point de départ demeurant fixé à la date où la nullité est encourue.
Impact de la réforme sur les SAS
Suite à la réforme, la société par actions simplifiée (SAS), première forme de société commerciale utilisée en France, connaît également une transformation. En effet, le nouvel article L. 227-20-1 du Code de commerce permet aux statuts de SAS de prévoir la nullité des décisions prises en violation de leurs règles.
Parallèlement, l’alinéa 4 de l'article L. 227-9 du Code de commerce est supprimé. Cette suppression devrait mettre fin à la jurisprudence Larzul II[1] qui, prenant le texte de loi pour fondement, permettait à tout intéressé de poursuivre l’annulation d’une décision prise en violation des clauses statutaires stipulées, lorsque cette violation était de nature à influer sur le résultat du processus de décision.