Un contexte propice à une réforme d’ampleur
Le contexte est particulièrement favorable aux réflexions sur l’avenir du droit des sociétés.
Dans un environnement économique, social et environnemental bouleversé, se pose en effet la question de son adaptation aux nouvelles réalités dans lesquelles il s’inscrit.
Par ailleurs, le droit des contrats et de la preuve a fait peau neuve et devrait être suivi très prochainement par le droit de la responsabilité civile ainsi que le droit des contrats spéciaux.
L’heure est également à la recherche de principes directeurs qui fondent la cohérence de la branche du droit qu’ils entendent régir. Or, le droit des sociétés était jusqu’à présent resté en dehors de ce mouvement de rationalisation.
Pourtant, il apparait de plus en plus comme un droit éclaté et fragmenté. En effet, les réformes ponctuelles et techniques se multiplient et mettent à mal sa cohérence d’ensemble.
Les organisateurs d’un colloque du 16 janvier, intitulé « Le droit français des sociétés : bilan et perspectives » et qui s’est tenu à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Paris Île-de-France, déplorent cet état de fait :
« Là où des chantiers ambitieux ont été lancés dans le but affiché de faire de certains pans du droit, les instruments modernes et sûrs d’une économie compétitive, le droit des sociétés n’a pas fait l’objet de réforme d’ensemble depuis la loi du 24 juillet 1966. Au contraire, les multiples retouches successives dont il a fait l’objet ont contribué à son érosion ».
D’autre part, c’est l’essence même du droit des sociétés qui évolue du fait de ces bouleversements, conduisant à repenser ses fonctions. Les réformes se sont succédées, ces dernières années, et témoignent d’une approche nouvelle du droit des sociétés. Cela mériterait une réflexion plus globale, mesurant leur impact sur la conception même des sociétés en droit.
La loi Sapin 2, la loi Pacte, l’instauration du devoir de vigilance, le reporting extra-financier sont des exemples emblématiques du changement profond qui affecte la vision des entreprises et de leur rôle. D’autres se profilent tel que le projet de loi sur l’attractivité financière de la France.
Se développe, à ce titre, l’idée que le droit des sociétés n’est pas neutre mais véhicule des valeurs et que la recherche du profit n’est plus le seul horizon des sociétés. Il devient alors impératif de les penser clairement afin de défendre le modèle français, dans une époque marquée par l’européanisation du droit.
De nombreux pays européens s’engagent, eux aussi, dans des réformes importantes ou des discussions sur l’avenir de leur droit. La France, pour peser dans les débats, se devait d’entreprendre également cet effort de rationalisation.
Ce sont autant de raisons qui ont conduit à lancer ce chantier de réflexion.
Inscrivez-vous à la newsletter Livv
et recevez chaque semaine des informations exclusives en droit des affaires. En savoir plus
Un projet mené par des universitaires
La réflexion a ainsi été initiée par des universitaires issus de l’IRDA (Institut de recherche en droit des affaires de l’université Panthéon-Assas) et par d’autres professeurs des universités. Le projet sera notamment piloté par madame la Professeure Caroline Coupet.
La CCI Paris Ile de France participe au projet qui est également appuyé par la Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) du ministère de la Justice. La Chancellerie souhaite en effet encourager ces initiatives qui s’inscrivent dans le temps long et qui permettent de défricher des axes de réflexion pour les réformes futures.
Il sera également fait appel aux praticiens mais pas seulement. Historiens, économistes, politiques, universitaires étrangers sont aussi invités à apporter leur éclairage.
La conduite du projet s’étalera sur trois ans, au cours desquels les organisateurs entendent dégager les points de difficultés ainsi que des principes structurants.
Une réforme ambitieuse en perspective
Ce projet ambitieux reflète une volonté d'adapter le cadre légal régissant les entreprises aux défis contemporains et aux normes européennes. Il couvre divers aspects tels que le contrat et les obligations, la responsabilité, le droit économique, public, de l'environnement, de la famille, et bien d'autres domaines, témoignant d'une approche holistique pour moderniser et simplifier le droit des sociétés
La réflexion portera tout d’abord sur les difficultés récurrentes et sur les solutions qui peuvent être envisagées pour y répondre. Mais les discussions vont également tendre à la recherche d’une cohérence du droit des sociétés, affaiblie ces dernières années, et des grands principes qui sous-tendent la matière.
Enfin, il est apparu important de réfléchir à l’emplacement des dispositions au sein des différents codes. En effet, le droit des sociétés est aujourd’hui éparpillé en dehors du Code de commerce et du Code civil, rendant plus difficile la compréhension de l’articulation des textes, et partant, du droit applicable. C’est pourquoi, l’idée d’élaborer un Code des sociétés sera notamment étudiée à cette occasion.
Bien que les propositions concrètes de la réforme ne soient pas explicitement détaillées à ce jour, il faut s'attendre à ce que le projet REPONDS vise à simplifier et moderniser le cadre législatif pour les sociétés en France, en assurant une meilleure lisibilité, une sécurité juridique accrue, et en adaptant le droit des sociétés aux enjeux contemporains tels que la digitalisation, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, et le renforcement de la compétitivité économique.
Pour plus de détails sur l'évolution de ce projet et les propositions concrètes qui pourraient en émerger, il serait utile de suivre les travaux et publications de l'IRDA Paris, de la CCI Paris Île-de-France, ainsi que les mises à jour fournies par le ministère de la Justice.
Dans l'annonce du colloque de lancement du projet RÉPONDS, les organisateurs indiquent cependant leur ambition :
" [Le droit des sociétés] est aujourd’hui éclaté entre des textes divers, parfois difficilement lisible et incertain. Il manque également d’une unité d’ensemble, dans un contexte économique et social qui a profondément évolué. À l’heure où des appels de plus en plus nombreux s’élèvent pour repenser le rôle de la société, à l’heure où les initiatives politiques et législatives se multiplient à l’étranger et à l’échelon européen, à l’heure où le Brexit bouleverse les jeux d’influence, il est important que la France soit dotée d’une vision claire et d’un droit adapté, pour soutenir une économie prospère, pour peser dans les débats, pour défendre le modèle qu’elle s’est choisie."