Les jeux vidéos et le droit de la concurrence - 5 octobre 2023

La mise en place d’un géoblocage pour l’accès à des jeux vidéos constituent une restriction de concurrence par objet – TUE, 27 septembre 2023, aff. T-172/21 – Valve Corporation

Publié le 
6/10/2023
Les jeux vidéos et le droit de la concurrence - 5 octobre 2023
 

Le Tribunal de l’Union affirme avec force que la mise en place d’un géoblocage pour accéder à des jeux vidéos constitue un comportement anticoncurrentiel, qui ne peut être justifié par la protection des droits d’auteur.

En l’occurrence des éditeurs de jeux s’étaient entendus avec la platefome de jeux vidéos Steam pour limiter géographiquement l’accès à leurs jeux. Ainsi, pour empêcher les ventes passives de jeux vidéo pour les États où les jeux vidéo Steam étaient vendus à un prix inférieur et pour lesquels des risques d’importations parallèles pouvaient être identifiées, Valve, propriétaire de la plateforme Steam, et cinq éditeurs de jeux vidéo ont convenu de restrictions d’activation et d’exécution des clés de jeux vidéo dans les pays baltes, ainsi que dans certains pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est.

Le Tribunal est saisi du recours contre la décision rendue le 20 janvier 2021, par laquelle la Commission a condamné Valve et les cinq éditeurs pour avoir adopté des pratiques destinées à restreindre les ventes transfrontalières de certains jeux vidéo Steam en empêchant les distributeurs des éditeurs de répondre à des demandes non sollicitées de distributeurs ou d’utilisateurs situés en dehors du territoire de certains pays de l’EEE.


1)
L’existence d’un concours de volontés

Les parties contestaient pour différentes raison l’existence d’un concours de volontés susceptible de constituer un accord anticoncurrentiel. Elles s’appuyaient, tout d’abord, pour contester la réalisation de ce critère, sur la qualité de prestataire de services de Valve. Le Tribunal écarte cet argument. Après avoir rappelé que l’article 101 TFUE se réfère de façon générale à « tous les accords et à toutes les pratiques concertées qui dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux, faussent la concurrence dans le marché intérieur, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles est concerné par les termes des arrangements en cause » (par. 46), le Tribunal affirme qu’un comportement ne saurait échapper à l'article 101 TFUE du seul fait qu'il s'inscrit dans le cadre d'une relation entre une entreprise et son prestataire de services fournissant des mesures techniques, notamment lorsqu'il intervient sur le marché comme un opérateur faisant pleinement partie de la chaîne économique pour l'exploitation des produits en cause.

Pour retenir l’existence d’un concours de volonté entre Valve et les éditeurs, le Tribunal s’appuie sur différents éléments. Il souligne que le fait que le comportement en cause consiste en la mise en oeuvre de mesures techniques, telles que le géoblocage par Valve à la demande des éditeurs, n'empêche pas de constater que les parties poursuivaient la réalisation commune d'un but anticoncurrentiel dès lors que, dans certains cas, la mise en oeuvre de ces mesures peut traduire une politique commerciale du cocontractant ou une véritable volonté de celui-ci d'adhérer à la politique unilatérale définie par l'autre entreprise.

En mettant en place des fonctionnalités de contrôle territorial et en informant les éditeurs de la mise en place de cette possibilité, Valve, qui s'est conformé aux demandes des éditeurs de géobloquer les jeux vidéo en cause, ne pouvait ignorer que le géoblocage était destiné à restreindre les importations parallèles et ne s'est pas distancié de cette pratique. Valve disposait en outre d’une grande marge de manœuvre puisqu’elle ne mettait pas en œuvre automatiquement des demandes de clés Steam pour un lot défini par l’éditeur, mais vérifiait au préalable la cohérence de la demande (par. 60), était seule en mesure de générer des clés géobloquées et pouvait librement choisir de donner suite ou non aux demandes de fourniture de clés Steam géobloquées ou de lever le blocage des clés Steam déjà fournies (par. 61).


2)
L’exercice des droits d’auteurs n’autorise pas les pratiques anticoncurrentielles

Les parties s’appuyaient sur la théorie de l’épuisement des droits en matière de propriété intellectuelle pour contester la solution dégagée par la Commission. Le Tribunal rappelle que la seule circonstance qu’un accord implique des droits de propriété intellectuelle ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE.

Aussi, la question de savoir si le droit de propriété intellectuelle n’est pas épuisé ne fait-il pas obstacle, en soi, à l’application de l’article 101 TFUE ni à ce que le comportement en cause puisse constituer une restriction par objet, lorsque l’exercice de ce droit est susceptible de constituer une restriction déguisée du commerce entre États membres (par. 193).

En l’occurrence, le géoblocage des clés Steam ne poursuivait pas un objectif de protection des droits d’auteur des éditeurs, mais était utilisé aux fins de supprimer les importations parallèles afin de protéger les ventes des jeux vidéo en cause et le niveau élevé des redevances perçues dans certains pays de l’EEE (par. 202). En effet, les éditeurs étaient confrontés à des problématiques de ventes passives et le géoblocage des clés Steam a été mis en œuvre afin de répondre à ce phénomène, en rendant impossibles les ventes passives, et supprimer, par là même, la concurrence réelle ou potentielle qu’elles représentent. Valve avait intérêt à cette restriction puisqu’elle percevait une rémunération à hauteur de 30 % sur les ventes des jeux vidéo en cause sur le Steam Store.

Dès lors la Commission a estimé à juste titre, selon le Tribunal, que considéré, au regard du contexte juridique pertinent, que la mise en place, par le biais des clés Steam géobloquées, d’une impossibilité matérielle d’activer ou d’utiliser les jeux vidéo en cause sur d’autres territoires de l’EEE, et ainsi de les importer sur d’autres territoires de l’EEE, constituait une restriction par objet de la concurrence.

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