Les photos de Rihanna avec ses nouvelles Puma entraînent l’annulation d’un dessin ou modèle communautaire enregistré !

Le Tribunal de l’Union européenne est venu confirmer la nullité de l’enregistrement d’un modèle de basket déposé par la marque PUMA, à la suite de la divulgation dudit modèle par la star de la pop Rihanna antérieure à la demande de protection.

Publié le 
10/6/2024
Les photos de Rihanna avec ses nouvelles Puma entraînent l’annulation d’un dessin ou modèle communautaire enregistré !

Le contexte de l’affaire PUMA

Pour rappel des faits, une société néerlandaise avait présenté une demande de nullité d'un dessin ou modèle représentant des chaussures, déposé par PUMA. L'EUIPO y avait fait droit, considérant que le modèle était dépourvu de caractère individuel puisque divulgué par la requérante antérieurement au délai de grâce de douze mois permettant d'éviter que cette divulgation n'ait des conséquences sur l'appréciation de sa nouveauté.

À l'appui de cette demande, étaient fournis des articles et publications Instagram faisant état de la nomination de Rihanna en tant que nouvelle directrice artistique de PUMA et portant une paire de chaussures correspondant au modèle litigieux.

La position de l’EUIPO

Le 22 juillet 2019, la société Handelsmaatschappij J. Van Hilst (HJVH) présentait une demande de nullité du dessin ou modèle communautaire de basket auprès de l’EUIPO, enregistrée le 26 juillet 2016 au bénéfice de la société PUMA. L’entreprise faisait notamment valoir que le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel au sens du règlement n°6/2002, puisqu’il avait été divulgué par la nouvelle directrice artistique de PUMA, la chanteuse Rihanna (Robyn Rihanna Fenty).

Le 19 mars 2021, la division d’annulation faisait droit à cette demande, après avoir constaté que le modèle contesté ne présentait pas le caractère individuel requis. Le 21 avril 2021, la marque PUMA formait un recours à l’encontre de ce verdict, fondant cette demande sur le fait que l’entreprise violait une obligation contractuelle par son action jugée abusive, au regard d’une transaction conclue précédemment entre les deux parties dans le cadre d’une procédure en contrefaçon.

Dans sa décision du 11 août 2022, l’Office de l’Union européenne (EUIPO) donnait droit à HJVH une seconde fois, et prononçait la nullité du modèle de chaussures enregistré au profit de la marque PUMA en 2016. Cette décision était une nouvelle fois justifiée par le fait que l’artiste avait porté les chaussures et posté des photographies de celles-ci sur son compte Instagram « badgalriri » dès le mois de décembre 2014. Ces photos avaient obtenu pas moins de 300 000 mentions « J’aime » chacune. L’EUIPO considérait que de telles preuves permettaient d'identifier sans ambiguïté le modèle antérieur. De même, plusieurs articles sur divers sites Internet, publiés au même moment, reproduisaient ces photographies. La marque a échoué à prouver que lesdites publications auraient été manipulées afin d’altérer les faits, ou que cette mise en ligne était insuffisante pour permettre aux milieux spécialisés au sein de l’Union européenne de prendre connaissance du dessin ou modèle antérieur.

Le Tribunal de l’UE va dans le sens de l’EUIPO

Le Tribunal revient tout d’abord sur la question de l’accord amiable signé entre les parties dans le cadre d’une procédure de contrefaçon, qui viendrait entacher d’irrecevabilité l’action de la société HJVH d’après PUMA. Les juges estiment que la mauvaise foi, la violation d’une obligation contractuelle ou le caractère abusif ne peuvent être invoqués comme moyens de défense dans une procédure en nullité, une telle procédure visant à se prononcer sur le caractère individuel du dessin ou modèle contesté, dont l’appréciation est objective.

Pour rappel, la jurisprudence européenne prévoit que « l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle doit s’effectuer par rapport à un ou plusieurs dessins ou modèles précis, individualisés, déterminés et identifiés parmi l’ensemble des dessins ou modèles divulgués au public antérieurement » (arrêt C‑345/13 du 19 juin 2014), et que la divulgation au public est qualifiée si le modèle a notamment été exposé avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. Il n’est toutefois pas tenu compte de cette divulgation si le modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué dans les douze mois précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement[1].

Dans son arrêt rendu le 6 mars 2024, le Tribunal de l’Union européenne confirme la décision prise par l’EUIPO. En effet, les juges de l’UE retiennent que le modèle avait bel et bien été divulgué au public avant le début du délai de grâce, les photos ayant été publiées au mois de décembre 2014, soit plus de douze mois avant le dépôt de la demande d’enregistrement daté du 26 juillet 2016. Les publications de Rihanna permettent d’identifier à l’œil nu toutes les caractéristiques du modèle antérieur.

Le Tribunal rejette notamment les arguments de PUMA selon lesquels personne ne se serait intéressé aux chaussures de Rihanna en 2014 et n’aurait perçu le modèle antérieur, sur des photos qui ne comportaient pas assez de détails et étaient de trop mauvaises qualités pour permettre de reconnaitre la totalité des caractéristiques du modèle antérieur. En effet, les images sont jugées suffisamment visibles et détaillées. De plus, elles ont été postées par une star de la pop mondialement connue, le jour de sa nomination en tant que directrice artistique de la marque. Il était donc raisonnable de considérer qu’un grand nombre de personnes s’intéressant à la musique ou à l’artiste ont regardé en détail les photos pour en discerner l’aspect des chaussures que Rihanna portait, leur permettant dès lors de reconnaître les caractéristiques du modèle antérieur.

Le Tribunal rappelle également la jurisprudence selon laquelle « il suffit que les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union aient eu connaissance d’un seul des faits de divulgation pour que l’exception prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 soit inapplicable » (arrêt T‑651/16 du 14 mars 2018). Or, en l’espèce, les milieux spécialisés du secteur de la mode opérant dans l’Union avaient inévitablement pu avoir connaissance de la divulgation des baskets, et ce, avec seulement une des photographies publiées.

A ce titre, aux termes de la comparaison de l’impression globale produite par chacun des dessins ou modèles en conflit, les juges retiennent que les éléments de preuve fournis par la société néerlandaise remplissent les conditions requises pour démontrer une divulgation effective du dessin ou modèle antérieur sur le marché les 16 ou 17 décembre 2014.

Puma perd sa bataille et la nullité de l’enregistrement est, une fois de plus, validée.

En matière de propriété intellectuelle, les règles sont les règles, même lorsqu’il s’agit de Rihanna !

Note de bas de page :

[1] Considérant 20 du Règlement n°6/2002

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