Le projet de loi pour sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) a définitivement été adopté le 10 avril

Le 10 avril 2024, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale.

Publié le 
10/6/2024
Le projet de loi pour sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) a définitivement été adopté le 10 avril
 

Cette étape marque l'aboutissement d'un processus législatif long et complexe, initié dans le but de moderniser le cadre juridique français et de répondre aux défis croissants posés par l'évolution rapide de la technologie et du cyberespace.

Dans un monde de plus en plus interconnecté et dépendant des technologies numériques, la sécurité et la protection des utilisateurs en ligne sont devenues des priorités essentielles pour les gouvernements du monde entier. En France, la loi SREN représente une réponse proactive à ces enjeux, visant à renforcer la confiance des citoyens dans l'utilisation des services en ligne et à garantir un environnement numérique sûr et responsable pour tous.

L’harmonisation du droit français avec les DMA, DSA et DGA

Le projet de loi SREN s'inscrit également dans une démarche d'harmonisation avec les normes européennes en matière de régulation numérique, notamment le Règlement sur les services numériques (DSA), le Règlement sur les marchés numériques (DMA) et le Règlement sur la gouvernance des données (DGA).

En alignant sa législation sur ces réglementations, la France cherche à renforcer sa position dans l'économie numérique mondiale tout en assurant la protection des droits fondamentaux de ses citoyens, notamment en ce qui concerne la vie privée et la protection des données personnelles.

Au titre du DSA, l'Arcom est désignée en tant que "coordinateur des services numériques" en France. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est désignée comme l’autorité chargée de contrôler le respect des obligations des fournisseurs de places de marché (marketplaces). La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sera compétente pour vérifier le respect par les plateformes des limitations posées en matière de profilage publicitaire (interdiction pour les mineurs ou à partir de données sensibles).

S'agissant du DMA, l’Autorité de la concurrence et le ministère de l’économie pourront investiguer, recevoir des renseignements et coopérer avec la Commission européenne sur les pratiques des contrôleurs d’accès, dans le cadre du "réseau européen de concurrence".

Les mesures phares de la loi

Plusieurs mesures importantes découlent de cette loi.

Extension du champ d'application de la Loi Informatique et Libertés

La loi SREN élargit le champ d'application de la Loi Informatique et Libertés pour inclure les traitements de données effectués par des entités situées en dehors de l'Union européenne mais ciblant les utilisateurs français. Cette extension vise à renforcer la protection des données personnelles des citoyens français et à assurer une meilleure conformité avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Ainsi, au sens du législateur français, le rapprochement de données en ligne de personnes situées en France doit systématiquement s’analyser comme un suivi des personnes au sens de l’article 3 du RGPD.

Renforcement des pouvoirs de la CNIL

La CNIL se voit conférer de nouveaux pouvoirs de supervision et de sanction pour garantir le respect des obligations en matière de protection des données et de vie privée. Ces pouvoirs élargis permettent à la CNIL de mieux faire respecter les normes européennes en matière de protection des données et de surveiller les pratiques des entreprises et des organisations opérant en ligne.

Tout d’abord, la CNIL doit tenir le registre des organisations altruistes en matière de données (article 26 du Règlement sur la gouvernance des données). Ensuite, la CNIL détient un pouvoir de supervision et un pouvoir de sanction s’agissant du respect des obligations prévues aux articles 26.1.d, 26.3 et 28.2 du Règlement sur les services numériques (DSA), à savoir l’interdiction des publicités fondées sur le profilage de mineurs ou réalisées à partir de données sensibles au sens de l’article 9 du RGPD et l’obligation renforcée d’information sur les publicités diffusées sur les plateformes en ligne.

Encadrement des contenus pornographiques

L'ARCOM, l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle, se voit attribuer de nouveaux pouvoirs pour réguler les contenus pornographiques en ligne et protéger les mineurs contre l'accès à ces contenus. L’ARCOM devra établir un référentiel fixant les exigences techniques minimum auxquelles devront se conformer les systèmes de vérification d’âge des sites pornographiques, sous peine de lourdes amendes. Aucun contenu pornographique ne pourra être affiché sur l'écran du site, tant que le contrôle de l'âge de l'utilisateur ne sera pas vérifié. Ce référentiel devra être publié dans les deux mois suivant la promulgation de la loi et les sites pornographiques auront trois mois pour le respecter.

L’ARCOM pourra également, après mise en demeure, ordonner sous le contrôle a posteriori du juge administratif qui devra statuer rapidement :

  • le blocage des sites pornographiques qui ne contrôlent pas l'âge de leurs utilisateurs ;
  • leur déréférencement des moteurs de recherche sous 48 heures.
  • L'intervention du juge judiciaire, comme le prévoyait une loi du 30 juillet 2020, ne sera plus nécessaire à partir de 2024.

Ces nouvelles mesures visent les sites français et extra-européens. Toutefois, après désignation par arrêté, des sites domiciliés dans un autre pays européen pourront aussi être concernés. En outre, les hébergeurs devront retirer dans les 24 heures les contenus pédopornographiques qui leur sont signalés par la police et la gendarmerie, sous peine d'un an de prison et 250 000 euros d’amende, voire plus en cas de manquement habituel.

Les producteurs de vidéos pornographiques devront systématiquement afficher un message d’avertissement avant et pendant la diffusion de contenus comportant la simulation d’un viol ou d'un inceste. Les actrices et acteurs ayant tourné des vidéos pornographiques pourront obtenir leur retrait sur internet, lorsque ces vidéos sont diffusées en violation des clauses de leur contrat.

Conformément aux récentes recommandations du Haut Conseil pour l'égalité (HCE), la plateforme Pharos pourra, à titre expérimental, ordonner le retrait sous 24 heures ou le blocage ou le déréférencement sans délai des images d'actes de torture ou de barbarie.

La lutte contre les arnaques, la haine et la désinformation

Pour contrer les arnaques en ligne, le projet prévoit la mise en place d'un filtre de cybersécurité qui alertera les utilisateurs lorsqu'ils sont sur le point d'accéder à des sites frauduleux. Cette mesure a pour objectif de protéger les informations personnelles et bancaires des citoyens.

En ce qui concerne les infractions en ligne, telles que la haine et le cyberharcèlement, le projet de loi renforce les sanctions en autorisant le juge à prononcer une peine de suspension des réseaux sociaux jusqu'à un an en cas de récidive. Les réseaux sociaux qui ne respecteraient pas cette suspension seront passibles d'une amende importante.

De nouvelles infractions sont également introduites, notamment le délit d'outrage en ligne, visant à réprimer la diffusion de contenus injurieux ou harcelants. La publication de "deepfakes", créés par intelligence artificielle, sera également sévèrement punie.

Parallèlement, des mesures de sensibilisation sont prévues, notamment envers les jeunes et les parents, afin de les informer des dangers liés à l'utilisation d'internet et des écrans. Une réservation citoyenne du numérique est également instaurée, et chaque Français devrait avoir une identité numérique d'ici 2027, facilitant l'accès aux services publics en ligne. Enfin, pour lutter contre la désinformation, l'Arcom aura le pouvoir d'ordonner le blocage de la diffusion de contenus provenant de médias étrangers frappés par des sanctions européennes, avec des amendes dissuasives en cas de non-respect de ces mesures.

Le cloud, les locations touristiques, les Jonum

Le projet de loi propose plusieurs mesures pour réduire la dépendance des entreprises au cloud computing, actuellement dominé par quelques grands acteurs américains. Ces mesures comprennent :

  • l'encadrement des frais de transfert de données,
  • le plafonnement des crédits cloud à un an et
  • l'obligation pour les services cloud d'être interopérables.

L'Arcep sera chargée de cette régulation, qui s'appliquera aux fournisseurs français et extra-européens. De nouvelles dispositions concernent également le stockage sur le cloud privé des données stratégiques des administrations françaises, afin de les protéger des législations non-européennes.

Pour mieux réguler les locations touristiques, un intermédiaire entre les plateformes en ligne et les communes sera créé, avec la généralisation de l'API meublés pour centraliser les données et faire respecter la réglementation limitant la location de résidences principales.

Concernant les jeux numériques émergents, les parlementaires ont introduit un cadre expérimental de trois ans pour les jeux à objets numériques monétisables (Jonum), afin de mieux encadrer ces jeux en ligne à risques potentiels tels que l'addiction et le blanchiment d'argent.

Des questionnements sur le respect des libertés individuelles

Malgré les avantages potentiels de la loi SREN, des préoccupations subsistent quant à son impact sur les libertés individuelles et la liberté d'expression en ligne. Certaines critiques craignent que des dispositions telles que le nouveau délit d'outrage en ligne ne restreignent ces libertés de manière disproportionnée et ne conduisent à une censure excessive sur Internet.

Les 17 et 19 avril, plus de 120 députés ont saisi le Conseil constitutionnel au sujet de certaines dispositions. Lorsque la question de la constitutionnalité du texte aura été étudiée, sa version finale devra être notifiée à la Commission européenne qui décidera si le texte est promulgué ou non.

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