Le réseau social TikTok, plateforme de partage de vidéos courtes (dont la société mère chinoise est ByteDance), a été désigné comme tel.
Le statut de contrôleur d’accès
À titre de rappel, un contrôleur d’accès ou "gatekeeper" doit avoir un impact significatif sur le marché intérieur, assurer un service de plateforme essentiel qui constitue une passerelle importante permettant aux utilisateurs professionnels d’atteindre les utilisateurs finaux et jouir d’une position bien établie et durable dans ses activités.
Considérant que sa désignation comme contrôleur d’accès lui causerait un préjudice grave et irréparable, ByteDance a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission. Le géant a également, par acte séparé, introduit une demande en référé sollicitant la suspension de ladite décision. Le 9 février 2024, le Président du Tribunal de l’Union a rejeté cette demande par voie d’ordonnance.
ByteDance a notamment soutenu que la désignation de TikTok comme contrôleur d’accès lui causerait un préjudice grave et irréparable dans la mesure où l’article 15 du DMA contraindrait le réseau social à divulguer des informations confidentielles concernant sa stratégie commerciale. En particulier, le géant serait contraint de publier des informations détaillées sur la manière dont il procède au profilage des utilisateurs de TikTok.
L'entreprise a notamment publié sur son site la déclaration suivante :
Comme nous l'avons clairement indiqué, nous soutenons pleinement les objectifs du DMA, mais nous pensons que notre désignation risque de compromettre l'objectif du DMA en protégeant les « contrôleurs d’accès » actuels des nouveaux concurrents tel que TikTok et nous continuerons à contester cette désignation.
Cette divulgation permettrait aux concurrents de TikTok, et à d'autres tiers, de se faire une idée de sa stratégie commerciale d'une manière qui nuirait considérablement à ses activités. Selon le Président du Tribunal, Bytedance n'a néanmoins pas démontré qu'il existe un risque réel de divulgation d'informations confidentielles ou qu'un tel risque donnerait lieu à un préjudice grave et irréparable.
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Les conséquences d’une désignation de « Gatekeeper » par la Commission
Institué afin d’établir des règles garantissant la contestabilité et l’équité des marchés dans le secteur du numérique[1], le Digital Market Act crée un nouveau régime réglementaire ex ante pour les grandes entreprises du numérique en complément de l’application traditionnelle du droit européen de la concurrence. En vertu de ce règlement, la Commission peut désormais désigner des plateformes numériques comme étant des « contrôleurs d’accès ».
Après leur désignation, les contrôleurs d’accès disposent d’un délai de 6 mois pour se conformer à la liste complète des obligations et interdictions prévues par le DMA. A défaut de se soumettre à ces obligations, la Commission peut infliger aux « gatekeepers » des amendes allant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires mondial total de l'entreprise, et jusqu'à 20 % en cas d'infraction répétée.
En cas d'infraction systématique, la Commission a également le pouvoir d'adopter des mesures correctives supplémentaires, telles qu'obliger un contrôleur d'accès à vendre tout ou partie d'une activité ou lui interdire d'acquérir des services supplémentaires en rapport avec l'infraction systémique.
Le Tribunal rendra sa décision sur le fond à une date ultérieure. Si une ordonnance de référé ne saurait préjuger avec certitude de l’issue du litige, il semble néanmoins peu probable que TikTok, au regard de son impact sur le marché intérieur, puisse échapper à la qualification de contrôleur d’accès.
Note de bas de page
[1] DMA, considérant n°7.