Clauses abusives entre professionnels : champ d'application ratione temporis
Le contrat conclu avant l'entrée en vigueur de la loi LME, mais renouvelé tacitement après cette date à son échéance, est soumis au contrôle du déséquilibre significatif.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/05790
Rupture brutale de relations commerciales établies : reconversion
Le juge ne peut se fonder sur des éléments postérieurs à la notification de la rupture, telle la reconversion réussie du prestataire évincé, pour apprécier la durée du préavis à laquelle celui-ci peut prétendre.
Cass. com., 17 mai 2023, n° 21-24.809
Sanctions civiles : préjudice
L'emprunt au droit de la concurrence déloyale de la méthode de comparaison entre le préjudice invoqué et les avantages indus que se seraient octroyés les membres de l'entente ne peut suppléer la carence de l'entreprise à démontrer la vraisemblance d'une activité et d'une stratégie de développement perturbées par les pratiques sanctionnées par l'Autorité de la concurrence et d'un préjudice en découlant.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/01033
Enquête préalable : protection de la vie privée
La procédure de transmission à la Commission de données personnelles, qui peuvent être expurgées des noms des personnes concernées et de toute information permettant leur identification, dans une salle de données virtuelle, accessible à un nombre aussi restreint que possible de membres de l’équipe chargée de l’enquête, en présence virtuelle ou physique d’un nombre équivalent d’avocats de l'entreprise, auxquels est donnée la possibilité de commenter les documents considérés comme pertinents par les enquêteurs avant que ceux-ci ne les versent au dossier et d'exprimer leur désaccord sur la qualification d’un document, voire, de demander un arbitrage au directeur chargé de l’information, de la communication et des médias à la DG de la concurrence de la Commission, n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif d'intérêt général consistant dans le maintien du régime concurrentiel voulu par les Traités.
TUE, 5e ch. élargie, 24 mai 2023, n° T-451/20
Distribution sélective : rupture de relations commerciales établies
Le préavis de 18 mois accordé par la tête de réseau, insuffisant pour rompre une relation de 56 ans, qui représente 32 % du chiffre d'affaires du distributeur agréé, alors qu'il est difficile de trouver un fournisseur équivalent dans le département en cause, doit être porté à 30 mois.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 22/13861
Action en concurrence déloyale : cumul avec l'action en contrefaçon
La société qui commercialise une gamme entière de colliers, bracelets, boutons de manchette et boucles d'oreilles copiant les bijoux à motif “chaîne d'Ancre” d'un célèbre joaillier, qui les exploite depuis de nombreuses années au point que ce motif iconique auquel il a consacré d'importants budgets promotionnels, est reconnu par les professionnels comme son emblème, crée un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle et se rend coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, distincts de la contrefaçon.
Cass. 1re civ., 25 mai 2023, n° 22-14.651
Obtention d'un avantage dénué de contrepartie ou manifestement disproportionné : avantage disproportionné
L'article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce ne peut être invoqué dans le cadre d'un contrat de recherche de collaborateurs pour contester la rémunération du prestataire, qui ne constitue pas un “avantage” au sens du texte.
CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 mai 2023, n° 20/04679
Clauses abusives entre professionnels : soumission
Un rapport déséquilibré entre une société gestionnaire d'un réseau de premier plan et deux entreprises moyennes qui en sont membres et dont le chiffre d'affaires cumulé est inférieur de près de sept fois au sien, ne constitue qu'un indice faible de soumission, lorsque celle-ci n'est pas un partenaire incontournable sur le marché en cause.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/05790
Clauses abusives entre professionnels : absence de réciprocité
Une clause de résiliation qui s'applique dans les mêmes conditions aux deux parties ne présente pas de caractère abusif.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/00689
Clauses abusives entre professionnels : effets de la clause ou de la pratique
Le contrôle du déséquilibre significatif ne porte que sur des obligations susceptibles de négociation dans un processus contractuel et non sur des faits juridiques, soustraits par hypothèse à toute discussion des parties et sanctionnés par la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle ou délictuelle de leur auteur.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/05790
Rupture brutale de relations commerciales établies : marge perdue
Pour une activité d'achat-revente de matériels agricoles, la marge sur coûts variables se calcule en retenant la différence entre le coût des achats et le prix de leur revente, compte tenu des frais de transport et des rabais, remises et autres ristournes, à l'exclusion des frais de personnel et de loyers qui constituent des frais fixes de l'activité non entièrement consacrée à la représentation de la marque.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 22/13861
Sanctions civiles : action en réparation
La saisine d'un ordre de juridiction, même incompétent, dans le délai de prescription, a pour effet d'interrompre la prescription de l'action en réparation du préjudice concurrentiel.
CE, 7e ch., 17 mai 2023, n° 451711
Sanctions civiles : préjudice
L'entreprise qui se prétend victime de pratiques anticoncurrentielles ne démontre pas son préjudice lorsqu'elle est implantée dans une zone géographique dans laquelle elles n'ont pas été mises en œuvre, alors que les marchés en cause sont régionaux en raison des coûts de transport et que les ventes ne sont compétitives que dans un rayon de 200 km autour des dépôts.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/01033
Sanctions civiles : préjudice
L'entreprise qui n'analyse pas l'évolution de ses parts de marché, de son chiffre d'affaires, de ses volumes de vente ni de ses prix d'achat et par là-même de sa marge brute ou commerciale sur les périodes avant, pendant et après les pratiques illicites, alors que, résultant de la différence entre le prix de vente et le coût des achats des produits vendus, cette donnée mobilise des variables susceptibles d'être directement affectées par une entente sur la répartition des clients et une coordination tarifaire, échoue à démontrer son préjudice.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/01033
Sanctions civiles : action en réparation
Des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par des sociétés qui représentent 80 % du marché français jettent nécessairement un discrédit sur l'activité en cause, y compris pour les acteurs qui n'y ont pas participé, dans leurs relations avec leurs clients et leurs autres partenaires, à l'origine d'un préjudice moral réparable à hauteur de 200 000 euro.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 21/01033
Enquête préalable : obligation de motiver
Les considérants d'une décision de demande de renseignements qui décrivent clairement et sans équivoque l’objet ou l’effet des pratiques dont la Commission soupçonne l'entreprise, de même que les produits ou services de cette dernière éventuellement concernés par ces pratiques, sont suffisamment motivés pour permettre à celle-ci de vérifier si les renseignements demandés sont nécessaires aux fins de l'enquête et au Tribunal d'exercer son contrôle.
TUE, 5e ch. élargie, 24 mai 2023, n° T-451/20
Enquête préalable : renseignements nécessaires
La demande de renseignements qui impose à l'entreprise de saisir des termes de recherche constitués d'expressions utilisées dans le langage courant et par conséquent susceptibles de renvoyer à des résultats sans lien avec l'objet de l'enquête ne viole pas le principe de nécessité dès lors que ces termes ont été identifiés dans des courriels relatifs aux pratiques recherchées échangés au sein de l'entreprise.
TUE, 5e ch. élargie, 24 mai 2023, n° T-451/20
Enquête préalable : demande de renseignements
Le destinataire d'une demande de renseignements dispose de garanties adéquates dès lors qu'il peut identifier les documents demandés par la Commission et les examiner avec l’aide de ses avocats avant de les lui communiquer, refuser la communication de documents relevant de la confidentialité entre un avocat et son client et présenter une demande motivée de restitution de documents non pertinents.
TUE, 5e ch. élargie, 24 mai 2023, n° T-451/20
Enquête préalable : demande de renseignements
La Commission est libre de faire évoluer l'étendue de son enquête à la suite des renseignements recueillis.
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Franchise : obligation de non-concurrence contractuelle
En l'absence de clause de non-concurrence valable, l'exploitation d'une station de lavage par une autre société ayant le même dirigeant que le franchisé, à plus de soixante-dix kilomètres de la station franchisée, préexistante à la souscription du contrat de franchise, ne caractérise pas une exécution déloyale de celui-ci.
Cass. com., 17 mai 2023, n° 22-10.369
Franchise : utilisation des signes distinctifs
L'application d'une clause qui interdit l'usage des signes de la marque après la cessation du contrat, sans distinguer entre les causes possibles de rupture, ne peut être écartée au motif que la résiliation notifiée serait abusive.
Cass. com., 17 mai 2023, n° 22-10.369
Agents commerciaux : qualification du contrat
La qualité d'agent commercial ne peut être déniée à celui qui la revendique sans analyse des conditions dans lesquelles il a effectivement exercé son activité.
Cass. com., 17 mai 2023, n° 21-11.298
Agents commerciaux : clause de non-concurrence
Une clause de non-concurrence de cinq ans stipulée dans un contrat d'agent commercial est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 134-14 du Code de commerce qui en limitent la durée à deux années.
CA Pau, 2e ch. sect. 1, 17 mai 2023, n° 21/02335
Agents commerciaux : rémunération de l'agent
Le mandant est tenu de fournir à son agent commercial toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables, propres à lui permettre de vérifier le montant des commissions qui lui sont éventuellement dues, que ce dernier ait ou non bénéficié d'une exclusivité pour le secteur géographique ou la liste déterminée de clients qui lui ont été confiés.
Cass. com., 17 mai 2023, n° 22-11.463
Agents commerciaux : droit à une indemnité
Si l'agent commercial peut invoquer des motifs non mentionnés dans son courrier de rupture pour établir que celle-ci ne lui est pas imputable et ouvre droit à l'indemnité compensatrice, encore faut-il que ces griefs aient existé à cette date et aient été suffisamment graves pour le placer dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de sa mission.
CA Lyon, 3e ch. A, 11 mai 2023, n° 20/00892
Agents commerciaux : absence ou baisse de chiffre d'affaires
L'agent qui néglige la représentation des produits du mandant au profit d'une autre activité, au point de provoquer une diminution significative de son chiffre d'affaires, commet une faute grave.
Cass. com., 17 mai 2023, n° 22-11.422
Agents commerciaux : déchéance du droit à réparation
L'agent résilié, qui, dans l'année de la cessation des relations, ne réclame dans ses courriers successifs au mandant que le paiement de ses commissions, est déchu du droit à l'indemnité compensatrice.
CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 mai 2023, n° 20/12191
Clauses abusives : qualité de non-professionnel
La société qui a conclu un contrat de maîtrise d'œuvre pour étendre l'hôtel qu'elle exploite ne peut être considérée comme un non-professionnel dans ses rapports avec le maître d’œuvre, quelles que soient ses compétences techniques dans le domaine de la construction, de sorte que les dispositions du Code de la consommation qui réputent non écrites parce qu'abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne lui sont pas applicables.
Cass. 3e civ., 25 mai 2023, n° 21-20.643
Obligation de délivrance conforme : conformité de la chose
Pour apprécier si le vendeur a satisfait à son obligation de délivrance conforme d'un terrain à bâtir, il convient de se situer à la date du transfert de propriété, de sorte qu'aucun manquement ne saurait être reproché à ce dernier, lorsque les modifications du plan local d'urbanisme, qui ont rendu le terrain inconstructible, ont été publiées postérieurement.
Cass. 3e civ., 25 mai 2023, n° 22-12.870
Responsabilité du fait des produits défectueux : atteinte aux biens ou aux personnes
Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d'une atteinte à la réputation causée par une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même, y compris par ricochet, sont couverts par le régime de responsabilité du fait des produits défectueux.
Cass. 1re civ., 25 mai 2023, n° 21-23.174
Responsabilité du fait des produits défectueux : prescription décennale
L'article L. 110-4, I, du Code de commerce, qui prévoit un délai de prescription de dix ans et non un délai-butoir enserrant un délai de prescription, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une interprétation conforme à l'article 11 de la directive 85-374 qui instaure un délai-butoir enserrant le délai de prescription de l'article 10, de sorte que l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit, dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi de transposition, se prescrit selon les dispositions du droit interne, soit à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu connaissance.
Cass. 1re civ., 25 mai 2023, n° 21-23.174