La société de Cupertino a déjà fait l’objet de procédures sur d’autres continents. Elle a récemment été condamnée à payer 1,8 milliards d’euros en Europe, mais aucune de ces procédures ne s'attaquait au fonctionnement même d’Apple comme le fait celle-ci. Le DoJ est accompagné des procureurs généraux du New Jersey, de l'Arizona, de la Californie, du Connecticut, du Maine, du Michigan, du Minnesota, du New Hampshire, de New York, du Dakota du Nord, de l'Oklahoma, de l'Oregon, du Tennessee, du Vermont, du Wisconsin et du District de Columbia dans cette plainte déposée au tribunal fédéral de Newark dans l’Etat du New Jersey.
L’action du DoJ est fondée sur une loi datant de juillet 1890, intitulée Sherman Act, qui dispose en son article 2 que :
Every person who shall monopolize, or attempt to monopolize, or combine or conspire with any other person or persons, to monopolize any part of the trade or commerce among the several States, or with foreign nations, shall be deemed guilty of a felony […]
Ce texte peut se traduire ainsi :
Toute personne qui établit ou tente d'établir un monopole, ou conspire avec une ou plusieurs autres personnes pour établir un monopole sur quelque marché ou flux commercial existant entre plusieurs Etats ou entre plusieurs Nations, se rend coupable d'un crime […]
Bien qu’une approche littérale du texte semble condamner le fait d’avoir un monopole sur un marché, ce qui est condamnable est en fait de maintenir ou de tenter d’établir cette position autrement qu’à l’aide de moyens concurrentiels licites.
Or, il est reproché à Apple d’utiliser son pouvoir monopolistique au détriment des développeurs et des consommateurs. S’il peut paraître surprenant de dire qu’Apple n’a pas de concurrents, c’est parce que la procédure ne concerne pas les différents marchés de vente de « smartphones » ou d’autres produits physiques de la marque mais le marché de la distribution des applications iOS sur lequel Apple a été déclarée en situation de monopole par une sous-commission de la Chambre des représentants en 2020.
Inscrivez-vous à la newsletter Livv
et recevez chaque semaine des informations exclusives en droit des affaires. En savoir plus
La plainte du DoJ contre Apple
La plainte comporte cinq volets, la société de Tim Cook est accusée de faire obstacle au développement de « super-applications », ces applications en développement qui pourraient offrir une multitude de services différents et d’expériences plus riches. Un tel développement impliquerait une perte de marché pour Apple et son « App store ». En effet, le modèle commercial d’Apple pour la distribution d’applications iOS repose sur une prime que les développeurs doivent payer. Ceux-ci n’ont presque aucun contrôle sur les modalités de fonctionnement et d’utilisation de leurs produits sur les applications de la marque. En Europe, le modèle commercial de « l’App Store » a déjà été impacté par le nouveau règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act) entré en vigueur en mars de cette année.
Le géant américain aurait aussi entravé la distribution de nouveaux jeux utilisant un système de cloud, ainsi que celle de nouveaux services de messagerie concurrents utilisables sur plusieurs supports. Il serait également responsable de la diminution des fonctionnalités de montres connectées qui ne seraient pas de la marque Apple et aurait fait obstacle au développement et à la distribution de nouveaux systèmes de portefeuilles numériques autres que « Apple Pay ».
Ainsi, certains avocats généraux accusent cette société de réaliser un profit en rendant les produits concurrents moins attractifs que les siens et non en rendant ses propres produits plus attractifs que ceux de ses concurrents. Le chef de la division antitrust du DoJ a affirmé que :
Pendant des années, Apple a réagi aux menaces de la concurrence en imposant une série de règles contractuelles et de restriction de type "Whac-A-Mole" qui lui ont permis d'imposer des prix plus élevés aux consommateurs, des frais plus élevés aux développeurs et aux créateurs, et d'étouffer les alternatives concurrentielles des technologies rivales.
La plainte conclut en défendant que ces pratiques entraînent une hausse des prix pour les développeurs et les consommateurs et qu’elles contribuent à augmenter la dépendance des utilisateurs aux produits de la marque. Si le DoJ n’a pas expressément recherché le démantèlement d’Apple, les plaignants affichent un objectif de rétablissement des conditions de concurrence sur les marchés affectés par le comportement d’Apple.
La firme à la pomme a réagi à ces poursuites via un communiqué dans lequel elle affirme que :
Cette action menace ce que nous sommes et les principes qui distinguent les produits Apple sur des marchés extrêmement concurrentiels. Si elle aboutissait, cela entraverait notre capacité à créer le type de technologie que les utilisateurs attendent d'Apple - là où le matériel, les logiciels et les services se croisent.
Cette procédure antitrust présente des enjeux importants puisque le nombre d’appareils de la marque Apple actifs dans le monde avoisine les 2,2 milliards, plaçant la société de Cupertino au sommet du classement sur le marché de la vente de smartphones. L’envergure de cette action présage également qu’un verdict du tribunal fédéral ne peut être espéré avant 2026.