Une première pour le géant américain, qui avait déjà été condamné à une amende record par le gendarme de la concurrence français.
Finalement, Apple a été condamnée à payer une amende de plus de 1,8 milliard d'euros par la Commission européenne. Selon la Commission, Apple avait mis en place des restrictions pour empêcher les développeurs d'applications de signaler aux utilisateurs d'iOS que d'autres services d'abonnement musical moins chers étaient disponibles en dehors de l'application (les "dispositions interdisant l'orientation des utilisateurs", également appelées "dispositions anti-steering"). Selon les règles de l'Union européenne concernant les pratiques anticoncurrentielles, ces pratiques sont considérées comme illégales.
I – Le contexte de l’enquête
Tout débute en mars 2019 avec la plainte de Spotify contre Apple devant la Commission européenne pour abus de position dominante. Les acteurs de streaming musical doivent payer une commission de 30 % appelée "taxe Apple" afin de pouvoir offrir une offre payante sur l'App Store. Cela entraîne une augmentation des tarifs d'abonnement des opérateurs de streaming musical qui optent pour l'App Store, tout en favorisant le service de streaming musical d'Apple, Apple Music.
En juin 2020, la Commission a ouvert une procédure formelle concernant les règles d'Apple imposées aux développeurs pour la distribution d'applications par l'intermédiaire de l'App Store. En avril 2021, la Commission a adressé à Apple une communication des griefs, à laquelle Apple a répondu en septembre 2021. En février 2023, la Commission a remplacé la communication des griefs de 2021 par une autre communication des griefs, à laquelle Apple a répondu en mai 2023.
II – L’abus de position dominante
Selon l'enquête menée par la Commission, Apple interdit aux développeurs d'applications de diffusion de musique en continu de fournir une information complète aux utilisateurs d'iOS sur d'autres services d'abonnement musical moins chers disponibles en dehors de l'application. Plus précisément, les mesures anti-steering interdisent aux développeurs :
- D’informer les utilisateurs d'iOS dans le cadre de leurs applications des prix des offres d'abonnement disponibles sur internet en dehors de l’application ;
- D’informer les utilisateurs d'iOS dans le cadre de leurs applications des différences de prix entre les abonnements intégrés aux applications vendus par l'intermédiaire du mécanisme d'achat d'Apple intégré aux applications et les abonnements disponibles ailleurs ;
- D’inclure, dans leurs applications, des liens orientant les utilisateurs d'iOS vers le site web du développeur sur lequel d'autres formules d'abonnement sont proposées à la vente.
Selon la décision rendue, les mesures anti-steering d'Apple sont considérées comme des conditions commerciales déloyales, en vertu de l'article 102, point a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ces dispositions anti-steering ne sont ni nécessaires ni proportionnées pour la protection des intérêts commerciaux d'Apple relatifs à l'App Store sur les appareils mobiles intelligents d'Apple. De plus, elles ont un impact négatif sur les intérêts des utilisateurs d'iOS, qui ne peuvent pas prendre des décisions éclairées et efficaces concernant l'achat d'abonnements de diffusion de musique en continu pour les utiliser sur leur appareil.
C’est pourquoi, Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, a affirmé que :
Pendant dix ans, Apple a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d’applications de diffusion de musique en continu par l’intermédiaire de son App Store. Pour ce faire, elle a empêché les développeurs d’informer les consommateurs de l’existence d’autres services musicaux moins chers disponibles en dehors de l’écosystème Apple. Cette pratique étant illégale en vertu des règles de l’UE en matière d’ententes et d’abus de position dominante, nous avons infligé aujourd’hui à Apple une amende de plus de 1,8 milliard d’euros.
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III – L’amende infligée par la Commission
L'amende a été fixée sur la base des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes de 2006.
La Commission a pris en considération la durée et la gravité de l'infraction, ainsi que le chiffre d'affaires total et la capitalisation boursière d'Apple pour fixer le montant de l'amende. Elle a également considéré qu'Apple avait fourni des informations erronées lors de la procédure administrative.
De plus, la Commission a pris la décision d'ajouter une somme forfaitaire supplémentaire de 1,8 milliard d'euros au montant initial de l'amende afin de rendre l'amende totale infligée à Apple suffisamment dissuasive. Cette amende forfaitaire était requise car une part significative du préjudice causé par l'infraction est un préjudice moral, qui ne peut pas être intégralement pris en compte selon la méthode basée sur les revenus énoncée dans les lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes de 2006. Enfin, il est nécessaire que l'amende soit suffisamment élevée pour dissuader Apple, ou toute autre entreprise, de répéter l'infraction actuelle ou une infraction similaire.
Selon la Commission, l'amende totale de plus de 1,8 milliard d'euros était en proportion des revenus d'Apple à l'échelle mondiale et était nécessaire pour avoir un effet dissuasif.
La Commission a aussi demandé à Apple de retirer les mesures anti-steering et de ne pas répéter l'infraction ou d'adopter des pratiques à l'avenir ayant un objet ou un effet équivalent.
IV – La possibilité d’agir devant les juridictions nationales
Toute personne ou entreprise touchée par des pratiques anticoncurrentielles comme celles mentionnées dans cette affaire a la possibilité de faire appel aux tribunaux des États membres afin de demander des indemnités. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et le règlement (CE) no 1/2003, une décision de la Commission est considérée comme une preuve contraignante de l'existence et du caractère illicite des pratiques en question dans les affaires traitées devant les tribunaux nationaux. Bien que la Commission ait imposé une amende à l'entreprise concernée, les tribunaux nationaux peuvent accorder des dommages-intérêts sans que le montant ne soit diminué en raison de l'amende imposée par la Commission.