Fifa et CJUE : les règles en matière de transferts sont-elles contraires au droit européen ?

La situation en question oppose l'ancien footballeur Lassana Diarra et la FIFPRO à la FIFA et à la Fédération belge de football et concerne les règles en matière de transferts.

Publié le 
10/6/2024
Fifa et CJUE : les règles en matière de transferts sont-elles contraires au droit européen ?
 

La CJUE sera chargée de déterminer si les règles établies par la FIFA concernant les transferts sont une entrave à la concurrence incompatible avec le marché intérieur (art. 101 TFUE) et la libre circulation des travailleurs (art. 45 TFUE).

Le contexte de “l’affaire Lassana Diarra” 

En 2014, le Lokomotiv Moscou, club russe, a annulé le contrat de travail qu'il avait signé avec Lassana Diarra, arguant que celui-ci avait cessé d'exécuter son contrat sans raison valable.

Cependant, selon le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ), un joueur, et un club qui souhaite l'engager, sont solidairement et conjointement tenus de payer l'indemnité due au club avec lequel le contrat a été résilié sans justification. De plus, l'association dont dépend l'ancien club d'un joueur a le droit de ne pas fournir le Certificat International de Transfert (CIT) nécessaire pour l'engagement du joueur par un nouveau club, en cas de litige entre l'ancien club et le joueur.

Suite à la résiliation de son contrat, Lassana Diarra indique n’avoir pu obtenir qu’une proposition du Sporting du pays de Charleroi qui lui a adressé, le 19 février 2015, une lettre d’engagement contenant deux conditions suspensives cumulatives :

  • Qu’il soit enregistré et qualifié au plus tard le 15 mars 2015 pour jouer au sein de l’équipe première du Sporting du Pays de Charleroi, dans toute compétition officielle organisée par la Fédération belge de football, l’UEFA ou la FIFA ;
  • Qu’il ait obtenu la confirmation écrite et inconditionnelle que le Sporting du Pays de Charleroi ne pouvait être tenu solidairement responsable de toute indemnité que le joueur pourrait être tenu de payer au Lokomotiv Moscou.

Puisque les critères établis par le club belge n'étaient pas satisfaits, Monsieur Diarra a donc été privé de club.

La procédure devant la FIFA

La Commission des litiges de la FIFA a été saisie de la cause, qui a partiellement admis la requête du Lokomotiv Moscou, condamnant le joueur à payer au club une amende de 10,5 millions d'euros. Par la suite, le Tribunal Arbitral du Sport a confirmé cette décision en appel.

Le 9 décembre 2015, Lassana Diarra a saisi un tribunal belge contre la FIFA et la Fédération nationale de football belge pour obtenir la réparation de son préjudice, soit un manque à gagner de 6 millions d'euros, qu'il prétend avoir subi en raison de l'application par celles-ci des dispositions litigieuses, qu'il estime illégales au regard du droit de l'Union.

La Cour d'appel de Mons a porté des questions préjudicielles à la CJUE en raison d'une décision du 19 septembre 2022 concernant la compatibilité des règles issues du règlement de la FIFA avec le droit européen.

L'audience a eu lieu devant la CJUE le 18 janvier 2024 puis, le 30 avril dernier, Maciej Szpunar, l'avocat général, a rendu ses conclusions, éclairant ainsi le raisonnement que la Cour pourrait suivre. Ces conclusions pourraient avoir un impact très important sur le système actuel des transferts des joueurs.

Le règlement FIFA en conflit avec le droit de l'UE :

Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande, en substance, selon les conclusions de l’avocat général, si les articles 45 et 101 TFUE s’opposent à l’application de règles, telles que celles adoptées par la FIFA.

1 ) Sur l’article 45 TFUE

L'article 45 du TFUE interdit toute action qui pourrait nuire aux citoyens de l'Union lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un pays membre, en les empêchant ou en les dissuadant de quitter ce pays.

En ce cas, les règles du RSTJ ont interdit au joueur d'exercer une activité professionnelle dans un autre pays membre de l'UE, à savoir la Belgique.

En ce qui concerne ce point, les conclusions de l'avocat général indiquent que les règles du RSTJ ont pour effet de décourager ou de dissuader les clubs d'engager le joueur en raison de craintes de risques financiers ou de sanctions qui interdiraient au club d'enregistrer de nouveaux joueurs.

En effet, ce dernier affirme dans ses conclusions que :

« L’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application de règles ayant été adoptées par une association responsable de l’organisation de compétitions de football au niveau mondial et mises en œuvre tant par cette association que par les associations nationales de football membres de celle-ci :
  • qui prévoient qu’un joueur et le club souhaitant l’engager sont solidairement tenus au paiement de l’indemnité due au club avec lequel le contrat a été rompu sans juste cause, à moins qu’il ne puisse être prouvé qu’il est réellement possible, dans un délai raisonnable, de ne pas appliquer ce principe lorsqu’il peut être établi que le nouveau club n’a pas été impliqué dans la résiliation prématurée et injustifiée du contrat du joueur ;
  • qui prévoient qu’une fédération dont dépend l’ancien club d’un joueur a la possibilité de ne pas délivrer le certificat international de transfert nécessaire pour l’engagement du joueur par un nouveau club, s’il existe un litige entre cet ancien club et le joueur, sauf s’il peut être prouvé que des mesures provisoires efficaces, réelles et rapides peuvent être prises dans une situation où il est simplement allégué que le joueur n’a pas respecté les termes de son contrat et que le club a été contraint de résilier le contrat en raison du prétendu non‑respect par le joueur de ses obligations contractuelles. »

2) Sur l’article 101 TFUE 

Selon les conclusions de l'avocat général, les règles du RSTJ sont une restriction de la concurrence par objet, car elles restreignent la capacité des clubs à recruter des joueurs, ce qui a un impact important sur la concurrence entre les clubs sur le marché de l'acquisition des joueurs professionnels. 

Effectivement, le RSTJ restreint le choix du joueur pour changer de club et, de même, pour le club pour recruter des joueurs lorsque le contrat d'un joueur a été résilié sans justification.

Si le principe du paiement d'une indemnité pour rupture du contrat sans justification peut être perçu comme indispensable pour assurer la stabilité contractuelle, l'avocat général conclut que l'engagement systématique de la responsabilité conjointe et solidaire du nouveau club pour le paiement de l'indemnité outrepasse le principe de nécessité et de proportionnalité dans la situation où le club n'a pas joué de rôle dans la résiliation du contrat (art. 17.2 du RSTJ).

De plus, il semble que ces règles présentent le risque d'un refus de délivrance du CIT basé sur la simple allégation que le joueur n'a pas respecté les conditions de son contrat et que le club a été contraint de le résilier (art. 8.2, paragraphe 7, et art. 8.2 paragraphe 4 b) de l'annexe 3 du RSTJ).

Selon l'avocat général, il est possible de justifier une telle limitation de la concurrence en raison d'une raison impérieuse d'intérêt général et en tenant compte de sa proportion avec l'objectif poursuivi.

Attendue avec impatience, la décision de la CJUE, prévue pour cet été, pourrait remettre en question une grande partie du système de transferts mis en œuvre par la FIFA.

Cette décision sera rendue dans un contexte de régulation du droit du sport par le droit de la concurrence après les arrêts du 21 décembre 2023

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