L’arrêt, rendu par la cour d’appel de Paris, impose à Jonak une sanction pour parasitisme de 180 000 euros (150 000 euros pour le préjudice économique porté à la maison de luxe, 30 000 euros pour indemniser le préjudice moral). Le modèle de slingback beige et noir, lancé en 1957 et réintroduit depuis 2015, est devenu une icône de Chanel.
Ses caractéristiques distinctives, comme l’embout noir délimité par une ligne droite, une échancrure qui découvre le dessus du pied, et un talon carré, ont été jugées suffisamment notoires pour justifier une protection juridique renforcée.
Cette affaire n’est pas sans rappeler celle opposant Louboutin à Zara. Cependant, dans ce litige, il avait été observé que l'usage de la couleur rouge sur les semelles n’était pas exclusif à Louboutin (CA Paris, 22 juin 2011, n° 09/00405, confirmé par Cass. com., 30 mai 2012, n° 11-20.724).
Solution rendue par la Cour d’appel de Paris
La cour d’appel confirme l’existence de comportements parasitaires de la part de Jonak concernant plusieurs modèles commercialisés :
“Il résulte des développements qui précèdent que le comportement parasitaire des sociétés JONAK est établi pour ce qui concerne la commercialisation de la sandale IVANA et des « slingback » DHAPOU et DHAPOP. Le jugement sera réformé en ce sens.”
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Des similitudes entre les modèles Chanel et Jonak
La cour d’appel, dans son arrêt, rappelle la définition de parasitisme :
“Le parasitisme, fondé sur l'article 1240 du code civil, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements. Il requiert la circonstance qu'à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.”
Bien que les deux marques ne ciblent pas la même clientèle en raison de la différence de prix entre leurs produits, Chanel a démontré que les modèles de slingbacks Jonak, baptisés DHAPOU et DHAPOP, imitaient des caractéristiques visuelles essentielles de ses propres chaussures.
Outre quelques différences de matière liées au caractère luxueux des chaussures Chanel – Chanel utilisant un daim souple pour ses semelles extérieures contre le cuir plus rigide de Jonak – la cour a estimé que les proportions, le design de l’embout, et le choix du bicolore beige et noir renforçaient la similitude entre les deux modèles.
La différence notable dans la conception de la bride, qui est élastique et asymétrique chez Chanel et circulaire avec fermoir argenté chez Jonak, n’a pas suffi à masquer la ressemblance globale entre les deux modèles.
En effet, la cour souligne en l’espèce que :
“Il reste que l'impression visuelle d'ensemble entre les deux chaussures est très proche.”
La cour a conclu que Jonak avait intentionnellement choisi cette imitation pour se placer dans le sillage de Chanel, en s’appuyant même sur une communication associée à l’univers du luxe, notamment via Instagram et Tik Tok.
Des sandales mêlant chaîne et cuir : un élément iconique de Chanel
Chanel a également reproché à Jonak la commercialisation d’un modèle de sandales, les IVANA, qui reprenait le design distinctif de la chaîne de métal entrelacée de cuir, un élément emblématique de la maison appliqué sur les sacs en cuir avec bandoulière et aujourd’hui décliné sur d’autres accessoires de la marque.
En utilisant un motif de chaîne similaire sur ses sandales, Jonak aurait une fois de plus porté atteinte à la signature visuelle de Chanel.
Pour la cour, la reprise de cet élément de design, associé depuis longtemps à l’image de luxe et d’authenticité de Chanel, constitue un acte de parasitisme.
Ainsi, comme souligné dans notre analyse Livv :
l’intention d’un chausseur de se mettre dans le sillage d’une maison de haute couture en profitant de la notoriété de l’un de ses modèles de chaussures créé en 1957, devenu un élément récurrent de ses collections et constitutif dès lors d’une valeur économique individualisée, est établie dès lors que lui-même, dans sa communication sur les réseaux sociaux, associe ses produits avec l'univers de ladite maison de luxe.