Saisi en référé par les publications de trois éditeurs (Les Echos-Le Parisien, Le Figaro et Le Monde) et l'Agence France Presse (AFP), le tribunal judiciaire de Paris a statué en faveur des éditeurs, demandant à X (anciennement Twitter) de transmettre des informations commerciales et publicitaires liées à l'utilisation de leurs contenus sur la plateforme.
Les ordonnances imposant à X de transmettre ces informations
Par deux ordonnances rendues le 23 mai 2024 (n° 23/55581 et 23/56102), la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Paris a accepté les requêtes des éditeurs de presse, ordonnant à Twitter International Unlimited Company de fournir plusieurs données essentielles pour évaluer les droits voisins. Ces données, à communiquer sous deux mois, incluent :
- le nombre d'impressions (nombre d’apparitions en résultat de recherche sur un écran d’utilisateur) et le taux de clics en France sur "X" ;
- le nombre moyen d'engagements (retweets, citations, réponses, j'aime, partages et clics) sur "X" ;
- les revenus publicitaires générés par Twitter International sur la plateforme "X" ;
- une explication du fonctionnement des algorithmes qui déterminent l'affichage des publications en France.
Le juge a souligné l'obligation de communication prévue par l'article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle, en vertu de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019, transposant la directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019. Cette communication est nécessaire pour permettre aux éditeurs de prouver une éventuelle violation de leurs droits voisins par Twitter.
Refus des exceptions
Le tribunal a rejeté les exceptions prévues par la directive et la loi qui protègent les publications d'utilisateurs individuels, stipulant que Twitter, en tant qu'exploitant de la plateforme, ne peut se prévaloir des droits de ses utilisateurs. La directive ne doit pas servir à protéger ou optimiser le modèle économique de Twitter International Unlimited Company, a déclaré le juge.
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Les conséquences et implications d’une telle décision à l’encontre de X
En plus de cette obligation de transparence, Twitter Unlimited Company, responsable des activités européennes de X, a été condamné à payer 45.000 euros aux éditeurs plaignants. Si l'entreprise ne respecte pas le délai imparti pour fournir les données, elle devra s'acquitter d'une astreinte de 3.000 euros par jour de retard.
Malgré des accords signés avec l'Alliance de la presse d'information générale (Apig) par Facebook (devenu Meta) et Google, respectivement fin 2021 et début 2022, le respect des droits voisins reste un sujet épineux.
Google, après avoir été sanctionné par une amende de 500 millions d'euros en 2021 par l'Autorité de la concurrence, qui avait finalement accepté les engagements pris par le géant du web en 2022, a récemment été pénalisé de 250 millions d'euros supplémentaires pour non-respect de ses engagements.
Vers une protection effective des droits voisins ?
Cette décision marque une avancée significative dans la protection des droits voisins en France. Les éditeurs espèrent que cette victoire judiciaire incitera d'autres plateformes à se conformer aux exigences légales. Néanmoins, la route reste parsemée d'embûches, tant sur le plan financier que technologique.