Qu’est-ce que le devoir de vigilance ?
La directive s’inscrit dans un effort continu pour renforcer la responsabilité sociale des entreprises. Après l’obligation de reporting extra-financier (issue de la directive CSRD), c’est le devoir de vigilance qui va intégrer le droit européen.
Cet outil oblige les grandes entreprises à tenir compte de l’impact humain et environnemental de leur activité sur toute leur chaîne de production. Elles peuvent à ce titre être tenues responsables du comportement de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Tous types de comportements peuvent ainsi être sanctionnés sur ce fondement : le travail des enfants, le travail forcé, les atteintes à la biodiversité.
De nombreux États ont déjà adopté un arsenal législatif proche de celui élaboré par le droit européen, notamment la France qui a été une pionnière parmi les États Européen. Le droit français dispose en effet, depuis 2017, d’un devoir de vigilance imposé aux plus grandes entreprises (loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre).
La directive européenne permettra d’harmoniser toutes ces législations qui fleurissent dans de nombreux États.
L’impact et la portée de la directive sur le devoir de vigilance
Elle s’applique aux entreprises et sociétés mères employant plus de 1000 personnes et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros et aux franchises dans l’UE qui réalisent un chiffre d’affaires mondial supérieur à 80 millions d’euros et si au moins 22,5 millions d’euros ont été générés par des redevances. Les entreprises non européennes qui atteignent les mêmes seuils de chiffre d’affaires dans l’Union européenne sont également concernées.
Ce ne sont pas moins de 5 500 entreprises qui devraient ainsi être soumises à ce dispositif.
Il faut toutefois souligner que ce champ d’application, fruit d’un compromis, a été revu à la baisse afin d’obtenir l’adhésion de certains Etats récalcitrants, parmi lesquels figure la France.
Outre la possibilité d’engager la responsabilité de grandes entreprises pour le comportement de leurs partenaires, qui ne leur sont traditionnellement pas imputables, la directive prévoit une obligation d’élaborer un plan de transition conforme à l’Accord de Paris, la réalisation d’investissements nécessaires au respect du devoir de vigilance, l’obtention de garanties contractuelles de la part de leurs partenaires, l’amélioration de leur plan de gestion et une obligation de soutenir les petites et moyennes entreprises partenaires afin de s’assurer qu’elles se conforment aux nouvelles obligations.
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Un processus d’adoption complexe
« Aujourd’hui se termine un processus qui comprenait 9 commissions parlementaires, plus de 3 000 amendements, et clôt près de 5 ans de débats et de négociations »
a souligné Richard Gardiner, chargé des politiques publiques européennes à la World Benchmarking Alliance.
La directive aurait même pu ne pas voir le jour. Face à l’opposition de certains Etats, un texte de compromis a dû être élaboré rapidement pour le faire voter par l’actuelle mandature. Certains redoutaient en effet que la prochaine majorité, qui sera dégagée à l’occasion des élections de juin, soit hostile à ce projet. Les délais étaient ainsi assez serrés pour entériner ce projet de directive.
La suite du processus
Celle-ci doit maintenant être approuvée par le Conseil. Elle sera ensuite publiée au journal officiel de l’Union européenne. Les Etats membres disposeront alors de deux ans pour la transposer. Cette étape ne se fera sans doute pas sans heurts, les Etats devant réussir à articuler le nouveau droit européen avec leurs dispositions internes consacrées au devoir de vigilance.
L’adoption de cette directive s’inscrit dans une prise en compte plus vaste des enjeux climatiques et sociaux, l’Union européenne apparaissant comme l’échelon le plus efficace pour lutter contre les atteintes aux droits humains et à l’environnement. Ainsi, a été adopté dans la même foulée un texte portant sur l’interdiction des produits issus du travail forcé.