Cette directive a pour finalité la prévention des atteintes aux droits humains et à l’environnement, en permettant d’engager la responsabilité de grandes entreprises pour des comportements commis sur toute la chaîne de production. L’objectif ainsi visé est d'inciter les entreprises à porter une attention accrue aux comportements des acteurs qu’ils mobilisent et de prévenir toute atteinte aux valeurs ainsi défendues, dès lors qu’elles sont raisonnablement en mesure de le faire.
Un processus d’adoption complexe
Un accord a été trouvé le 15 mars dernier entre les Etats membres.
Ayant fait l’objet d’un premier accord provisoire, aux termes de négociations entre le Conseil et le Parlement, le projet a ensuite rencontré une forte opposition de la part de certains Etats membres sur des points cruciaux.
Si un consensus commence à se dessiner en Europe sur la nécessité d’adopter un tel dispositif, la législation des Etats membres est plus frileuse. Les Etats récalcitrants souhaitaient ainsi aligner le droit européen sur leur législation nationale.
Par exemple, la France qui a introduit son propre devoir de vigilance en 2017, réserve son application aux plus grandes entreprises, et pose un seuil d’application élevé.
En Allemagne, l’opposition est la plus marquée. L’adoption de la directive conduirait à une modification très substantielle de son droit applicable. C’est d’ailleurs L’Allemagne qui a initié le mouvement de rejet du projet, entraînant notamment à sa suite la France, l’Italie, la Finlande, l’Autriche et la Hongrie.
Les syndicats patronaux de ces pays redoutent également que les règles issues de la directive portent une atteinte importante à la compétitivité des entreprises européennes.
Cette opposition menaçait de faire échec à l’adoption de la directive avant les élections européennes. Or, après cette date, son avenir aurait été compromis ; la nouvelle composition du Parlement pouvant être défavorable à l’adoption de ce projet.
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Un texte de compromis
Le nouvel accord trouvé ne s’est pas fait sans concessions. Le champ d’application de la directive a été réduit pour satisfaire les Etats membres récalcitrants, notamment la France.
Conformément à son souhait, les seuils d’application ont été augmentés. Ne sont plus concernées que les entreprises de plus de 1 000 salariés avec un chiffre d’affaires dépassant les 450 millions d’euros, alors que les seuils initiaux étaient de 250 salariés pour un chiffre d’affaires de plus de 40 millions d’euros.
Les réclamations françaises ont par ailleurs conduit les rédacteurs du projet à écarter le secteur financier du champ d’application de la directive.
Malgré ces compromis, des Etats ne sont toujours pas satisfaits. L’Allemagne, par exemple, ne s’est pas ralliée à la majorité qui s’est finalement dégagée. Cependant, une majorité de vote représentant 65% de la population européenne suffisant à son adoption, son adhésion au texte n’a pas été nécessaire.
Les avis sont partagés en raison des importantes concessions qui ont dû être faites : si certains déplorent un recul de la protection des droits humains et de l’environnement par rapport à ce qui était initialement prévu dans le projet de directive, d’autres se félicitent de cette avancée européenne.
La députée européenne Lara Wolters (S&D, NL), a l’issue des négociations, a notamment déclaré :
"Cette loi constitue une avancée historique. Les entreprises sont désormais responsables des abus potentiels dans leur chaîne de valeur, dix ans après la tragédie du Rana Plaza. Que cet accord soit un hommage aux victimes de cette catastrophe, et un point de départ pour façonner l’économie du futur — un point de départ qui place le bien-être des personnes et de la planète avant les profits et le court-termisme. Je suis très reconnaissante envers ceux qui m’ont rejointe dans la lutte pour cette loi. Elle garantit que les entreprises honnêtes n’ont pas à participer à la course contre les entreprises de cowboys".