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Exonération / Exemption / Application d'un texte dans l'ouvrage "Droit français de la concurrence" de Louis Vogel
L'article L. 420-4, I, 1º du Code de commerce prévoit l'exemption des pratiques “qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application”. Peuvent être invoqués une loi, un décret ou un arrêté (Pour un ex. d'arrêté, Cons. d'Ét., 6 juillet 2007, 294599) à condition, pour ces deux derniers textes, qu'ils aient été pris pour l'application d'une loi. Les autorités de contrôle assimilent à un texte réglementaire la circulaire ou la lettre du ministre de l'Économie qui se présente comme une interprétation formelle de la législation et de la réglementation en vigueur autorisant certaines pratiques anticoncurrentielles (Avis Comm. conc. du 16 avril 1975, Négoce de la vaisselle en verre mécanique (Gobeleterie), Rapport pour 1975, 1002.). L'extension est cependant d'application stricte : les ministres en charge d'un secteur déterminé n'ont pas compétence pour interpréter des textes relatifs à la concurrence (Avis Comm. conc. du 21 mars et du 25 avril 1975, Sté Procirep, Rapport pour 1975, 1004) ; un encouragement, une incitation, une approbation expresse ou tacite (Avis Cons. conc. nº 87-A-03 du 28 avril 1987, Marché du veau, BOCC, 1er avril 1989, 75, et TGI Paris, 4 octobre 1988, BOCC, 1er avril 1989, 71) n'équivalent pas à une autorisation. Enfin, il est établi qu'un accord professionnel ou interprofessionnel homologué par un arrêté ministériel pourrait être invoqué à l'appui d'une demande d'exemption (Avis Comm. conc. du 10 décembre 1981, Marché des emmenthals et du gruyère de Comté, Rapport pour 1982, 134).
Pour que l'article L. 420-4, I, 1º soit applicable, il faut que les pratiques anticoncurrentielles constatées soient la conséquence directe et inéluctable des textes invoqués (Rapport pour 1990, 37 s. - V. Paris, 18 janvier 2018, 2017-01703, qui retient que l'article L. 124-1, 6° du Code de commerce, qui n'exige pas que les sociétés coopératives mettent en place des exclusivités territoriales, ne constitue pas un texte législatif dont résulterait la pratique incriminée. - Adde : Décision Aut. conc. n° 11-D-02 du 26 janvier 2011, 11-D-02, qui précise que des usages dans un secteur économique donné ne peuvent constituer une cause d'exonération). Ceci signifie en particulier que l'article L. 420-4, I, 1º est inapplicable lorsque le secteur économique considéré est soustrait dans son ensemble au jeu de la concurrence, puisqu'aucun comportement anticoncurrentiel n'est plus possible dans une telle hypothèse (Avis Comm. conc. du 19 décembre 1969, Réglementation professionnelle dans le secteur des vins de Champagne, Rapport pour 1969, 2623), ou lorsque les clauses visées dans un contrat-cadre entre une organisation professionnelle et des producteurs doivent être strictement conformes aux dispositions du Code rural et de la pêche maritime (Avis Cons. conc. nº 02-A-12 du 1er octobre 2002, 02-A-12). De même, le texte ne vise pas l'exercice légitime d'un droit, tel un droit de propriété intellectuelle, qui ne saurait être assimilé à une pratique anticoncurrentielle, même s'il produit des effets restrictifs (Avis Comm. conc. du 22 juin 1960, Industrie du fil mousse de nylon, Rapport pour 1962, 38).
L'application de l'article L. 420-4, I, 1º suppose également que la relation de causalité entre la pratique anticoncurrentielle et l'intervention publique présente un caractère exclusif : l'entente ne doit ajouter aucune restriction à celle résultant déjà de l'intervention publique (Décision Cons. conc. nº 91-D-55 du 3 décembre 1991, 91-D-55, Secteur des géomètres experts, BOCC, 9 janvier 1992, 21 ; Décision Aut. conc. nº 16-D-20 du 29 septembre 2016, 16-D-20, Concurrences 1/2017, 96, obs. CHONÉ-GRIMALDI : l'élaboration et la diffusion de grilles tarifaires syndicales ne saurait bénéficier de l'exemption de l'article L. 420-4, I, 1° du Code de commerce dès lors que celles-ci ne reflètent pas stricto sensu le cadre législatif applicable.). Ainsi, le fait que l'accès à une profession soit limité et les volumes de production fixés par voie autoritaire ne justifie pas une entente de prix conclue entre les membres de cette profession (Avis Comm. conc. du 10 mai 1979, Assurance-incendie, Rapport pour 1979, 152). De même, la réglementation s'appliquant à la profession d'architecte n'implique pas l'élaboration d'un contrat-type par un syndicat d'architectes (Décision Cons. conc. nº 87-D-53 du 1er décembre 1987, BOCC, nº 33, 16 décembre 1987, 360), l'exigence d'une autorisation d'importation n'impose pas des pratiques restrictives de fixation des prix et de répartition des marchés (Décision Cons. conc. nº 90-D-20 du 12 juin 1990, 90-D-20 ; BOCC, 12 juillet 1990, 243), et le Code de la santé publique n'oblige pas un pharmacien à adopter des jours et heures de fermeture identiques à ceux convenus par ses confrères (Décision Cons. conc. nº 90-D-08 du 23 janvier 1990, 90-D-08, confirmée sur ce point par Paris, 20 septembre 1990, ECOC9010141X, BOCC, 26 septembre 1990, 362). En revanche, l'obligation pour les avocats d'adhérer au contrat d'assurance collective de responsabilité civile professionnelle souscrit par le barreau est justifiée au titre de l'article L. 420-4, I, 1º du Code de commerce dès lors que le Conseil de l'Ordre serait sinon dans l'incapacité d'assumer sa mission, imposée par la loi, de contrôle du respect par chaque avocat de l'obligation de s'assurer (Décision Cons. conc. nº 03-D-04 du 16 janvier 2003, 03-D-04).
La portée de l'effet exonératoire de l'article L. 420-4, I, 1º est aujourd'hui sensiblement limitée par la jurisprudence européenne. Toute mesure susceptible d'éliminer l'effet utile des articles 101 et 102 TFUE est contraire au droit européen. Ainsi, la Cour de justice considère qu'un arrêté ministériel qui détermine l'extension d'un accord interprofessionnel restrictif de concurrence est incompatible avec les obligations imposées aux États membres en vertu du Traité (CJCE, 3 décembre 1987, aff. 136-86, 136-86, BNIC c. Aubert, Rec. CJCE, 4789).
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