Les notions clés et ressources en droit français de la concurrence

De l'ouvrage "Droit français de la concurrence" de Louis Vogel


Finalités du droit de la concurrence

Au sens large, le droit de la concurrence assure à la fois la liberté et la loyauté de la concurrence. La plus grande partie de ses règles protège le marché et s'oppose aux ententes, abus de position dominante ou concentrations qui suppriment ou réduisent la concurrence entre les entreprises. Ce sont notamment les articles 101 et 102 TFUE ou le droit des pratiques anticoncurrentielles (art. L. 420-1 s. C. com.) en France. D'autres règles empêchent les agissements fautifs des entreprises qui adoptent des comportements préjudiciables à l'égard de leurs concurrents ou de leurs partenaires, sans porter atteinte au fonctionnement du marché lui-même. Elles protègent les concurrents, non la concurrence. De tels agissements sont susceptibles de constituer des actes de concurrence déloyale ou encore, selon la classification française, des pratiques restrictives. Le droit européen ne comporte pas, pour l'heure, de telles dispositions sanctionnant la concurrence déloyale.

Au sens strict, le droit de la concurrence ne se préoccupe pas, en principe, de loyauté de la concurrence. Inspiré du droit antitrust américain, il a pour objet unique de lutter contre le pouvoir de monopole ou de marché, c'est-à-dire la capacité dont dispose une entreprise ou un groupe d'entreprises, qui contrôle une part relativement importante du marché, d'induire une hausse des prix en réduisant les quantités offertes et en obligeant ainsi les consommateurs à se détourner vers d'autres biens, au risque de gaspiller des ressources économiques rares. Au-delà du bon fonctionnement du marché, c'est donc l'efficacité économique et le bien-être du consommateur qui sont en cause. Neutre au regard de la répartition des ressources entre les différents opérateurs, le droit de la concurrence est dépourvu de toute préoccupation d'équité. Il ne poursuit aucun objectif de justice distributive et ne vise qu'à accroître le surplus global de l'économie. Il n'a pas non plus l'ambition de favoriser un agent économique particulier (par ex. le petit commerçant par rapport au grand distributeur). Le présupposé de l'idéologie concurrentielle classique est en effet que la situation de marché optimale résulte de l'application pure et simple de la théorie des prix et de sa conséquence juridique, la lutte contre le pouvoir de monopole. Il en résulte que seules les règles figurant aux articles 101 et 102 TFUE ou L. 420-1 et suivants du Code de commerce, ou dans le règlement sur le contrôle des concentrations, relèvent à proprement parler du droit de la concurrence. Tel qu'il est conçu aujourd'hui, le contrôle des aides d'État, qui figure aussi au chapitre du Traité consacré aux règles de concurrence, ne s'inscrit pas dans le cadre de la théorie des prix mais représente plutôt un avatar de la concurrence déloyale.

À la différence du droit américain, le droit européen et le droit français n'ont jamais conçu les finalités du droit de la concurrence, même entendu comme le droit des pratiques anticoncurrentielles et des concentrations, exclusivement en termes d'efficacité économique. En recourant à la notion de concurrence praticable ou efficace, ils n'ont pas hésité, lorsqu'ils l'ont jugé nécessaire, à rejeter le dogme de la théorie des prix et à faire des choix positifs en faveur de certains schémas de consommation. Dans l'arrêt Metro (CJCE, 25 octobre 1977, Metro SB-Grossmarkete GmbH & Co. (KG), aff. 26-76, 26-76, Rec., 1875 ; Cah. dr. eur., 1978, 461, obs. FRIGNANI.), le juge européen déclare que “la concurrence non faussée visée aux articles 3 et 85 du Traité CE [devenu 101 TFUE] implique l'existence sur le marché d'une concurrence efficace (workable competition), c'est-à-dire de la dose de concurrence nécessaire pour que soient respectées les exigences fondamentales et atteints les objectifs du Traité...”. En conséquence, les autorités européennes et françaises préfèrent parfois à la concurrence par les prix, la concurrence par la qualité, et ne considèrent pas que la protection de l'environnement, de l'emploi ou du petit commerce, ou la lutte contre les abus de puissance d'achat des grands distributeurs à l'égard de leurs fournisseurs sont des préoccupations extraconcurrentielles. L'opposition entre la politique européenne de concurrence et la théorie économique n'est cependant pas si absolue car les fins extérieures au raisonnement concurrentiel sont aussi des facteurs de coût qu'une analyse économique plus globale devrait prendre en considération.

Au-delà, le principe de libre concurrence n'est conçu par l'article 3, b), TFUE que pour assurer le fonctionnement du marché intérieur et apparaît donc plutôt comme un instrument juridique subsidiaire par rapport aux règles relatives à la liberté de circulation. L'article 101, paragraphe 1, TFUE interdit les seules ententes “qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres”. De même, l'article 102 TFUE n'établit l'abus de position dominante que “dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté”. Très vite, cependant, le droit européen de la concurrence a gagné son autonomie. Parce qu'elles trouvent leur cohérence dans une théorie économique spécifique, les règles de concurrence ne peuvent avoir pour seul objet d'assurer l'ouverture des marchés nationaux (Un droit de marque national confère une exclusivité à un titulaire et constitue nécessairement un obstacle à la libre circulation des marchandises entre États membres ; il peut en revanche constituer un bon facteur de concurrence car il permet aux entreprises de s'attacher une clientèle par la qualité des produits et aux consommateurs d'identifier l'origine de ceux-ci. V. CJCE, 17 octobre 1990, Hag II, aff. C-10-89, C-10/89, RTD eur., 1991, 169, obs. JOLIET ; RTD com., 1991, 213, obs. CHAVANNE ; RTD eur., 1991, 639, obs. BONET ; RJDA, 1991, 751, obs. KOVAR ; Gaz. Pal., 1992, III, Doct., 222, obs. DESMAZIÈRES de SECHELLES ; Cah. dr. eur., 1991, 473, obs. VAN DER ESCH ; JCP E, 1992, II, 109, obs. VOGEL.).


Droit de la concurrence et puissance d'achat

Le droit de la concurrence a du mal à appréhender le phénomène de puissance d'achat. La puissance d'achat vise généralement mais non exclusivement les distributeurs et concerne essentiellement le marché amont, celui des relations entre distributeurs et fournisseurs, alors que la théorie des prix s'intéresse surtout aux offreurs (Dans la théorie classique, le distributeur est transparent.) de produits ou de services et s'applique au premier chef au marché aval, où se rencontrent distributeurs et consommateurs (Les abus de puissance d'achat se réalisent non à l'égard des consommateurs, mais des producteurs, non sur le marché aval, mais sur le marché amont. Le distributeur n'exploite donc pas son pouvoir de marché au détriment des consommateurs en induisant une hausse des prix grâce à la réduction des quantités offertes, mais obtient des producteurs qu'ils transfèrent une partie de leur marge à son bénéfice. Ce n'est pas le surplus global lui-même, mais sa répartition, qui est en cause. Or, traditionnellement, cette question n'intéresse pas le droit de la concurrence. Le Conseil de la concurrence a parfaitement exprimé ce point de vue dès 1993 dans sa décision Cora (Décision n° 93-D-21 du 8 juin 1993, sur les pratiques mises en œuvre lors de l'acquisition de la société Européenne de supermarchés par la société Grands magasins B du groupe Cora, 93-D-21) ; l'Autorité de la concurrence l'a rappelé en 2011 dans sa décision Opéra (Décision n° 03-D-11 du 21 février 2003 relative à des pratiques mises en œuvre par la centrale de référencement Opéra, 03-D-11) : " Même si les accords et pratiques susmentionnés aboutissent à des transferts de ressources des producteurs vers les distributeurs dont la puissance d'achat s'est accrue par le biais de la création d'une centrale commune de référencement, ces accords et pratiques ne peuvent être qualifiés au regard des dispositions du livre IV du Code de commerce que dans le cas où il est établi qu'ils ont pour objet ou peuvent avoir pour effet de limiter la concurrence soit sur les marchés des produits en cause, en portant atteinte à la présence des producteurs sur ces marchés, soit entre le distributeur qui a bénéficié de ces transferts et d'autres distributeurs ".). En conséquence, les règles du droit de la concurrence ont été conçues à l'origine pour appréhender le pouvoir de marché des seuls producteurs, alors même que la concentration dans le secteur de la grande distribution et le renforcement de la puissance économique des acheteurs représentent le fait économique le plus marquant depuis les années 70.

En pratique, l'existence d'un pouvoir de marché se déduit surtout de l'importance de la part de marché détenue par l'entreprise dominante. Or, les acheteurs (par exemple dans le secteur de la grande distribution), ne contrôlent généralement qu'une part relativement faible d'un marché de produit déterminé et ne risquent donc que rarement de tomber sous le coup des incriminations traditionnelles du droit de la concurrence, sauf à caractériser un marché de service de distribution spécifique. En outre, la concentration à l'achat va plutôt dans le sens de la politique de concurrence, puisqu'elle permet de faire baisser les prix au bénéfice des consommateurs, même si elle est aussi susceptible d'entraîner des effets négatifs tant pour les consommateurs (banalisation des produits, disparition d'offres spécifiques, non-développement de produits…) que pour les producteurs, parties faibles au contrat, qui sont souvent victimes d'abus de puissance d'achat.

Pour lutter contre les abus de puissance d'achat, le droit français s'est doté d'un arsenal de règles spécifiques en prohibant, à côté des abus de position dominante, les abus de dépendance économique ou en adoptant tout un éventail de règles comportementales qui constituent aujourd'hui notre droit de la négociation commerciale que les législateurs successifs ne cessent de modifier, d'étendre ou de renforcer. Ces dernières règles apparaissent indéniablement plus efficaces que les premières car, n'appartenant pas au droit de la concurrence proprement dit, elles ne se réfèrent pas à la théorie des prix et s'appliquent donc indépendamment de la constatation d'un effet anticoncurrentiel sur le marché.

Les autorités de contrôle ont néanmoins tenté, avec plus ou moins de succès, d'utiliser les instruments classiques du droit de la concurrence pour lutter contre le phénomène de puissance d'achat (La lutte contre la puissance d'achat peut être directe ou indirecte. Le droit français illustre la première hypothèse : il a institué un contrôle spécifique des opérations de concentration dans le secteur de la distribution en réduisant les seuils de chiffre d'affaires et en élargissant le critère du contrôle. Le texte affirme expressément que l'atteinte à la concurrence peut résulter non seulement de la création ou du renforcement d'une position dominante mais aussi de celle "d'une puissance d'achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique". Les Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales procèdent indirectement en soulignant que la puissance d'achat peut compenser une entrave significative à la concurrence résultant d'une concentration entre des entreprises même lorsque leurs parts de marché sont très élevées (pt. 64).).


1) Inefficacité du droit des ententes et de la domination

Du point de vue du droit des ententes, les autorités de contrôle considèrent que les accords d'achat groupé n'ont pas en principe d'objet anticoncurrentiel, sauf s'ils portent sur les prix et créent une situation de puissance d'achat (La loi Macron a institué l'obligation de communiquer à l'Autorité de la concurrence toute opération de regroupement à l'échat au moins deux mois avant sa mise en oeuvre.). Selon la Commission, l'existence d'une situation de puissance d'achat est exclue lorsque les parties détiennent une part cumulée inférieure à 15 % tant sur les marchés des achats que sur ceux des ventes. En outre, le fait de dépasser ce seuil de 15 % ne suffit pas, en lui-même, pour que l'accord produise des effets restrictifs de concurrence. L'effet sur la concurrence dépend du taux de concentration du marché et de l'importance du pouvoir compensateur des fournisseurs (Lignes directrices relatives aux accords de coopération horizontale, pt. 208).

L'utilisation des règles relatives à l'abus de position dominante ne permet généralement pas d'appréhender la puissance d'achat : sur le marché aval des services le pouvoir de marché des distributeurs s'exerce à l'égard des consommateurs et non des producteurs ; sur le marché amont des produits, les distributeurs, même lorsqu'ils sont très importants, se trouvent rarement en position de dominer un marché déterminé puisque leur vocation consiste précisément à vendre une multitude de produits substituables ou complémentaires. La condition de domination faisant défaut, les règles relatives à l'exploitation abusive d'une position dominante ne sont applicables que dans des hypothèses très marginales.

L'abus de dépendance économique, qui figure à l'article L. 420-2 du Code de commerce, ne permet pas non plus d'appréhender le phénomène de “ puissance d'achat ”, car ses conditions de mise en œuvre, qui s'inscrivent dans le cadre des règles classiques de concurrence (L'abus de dépendance exige notamment pour être prohibé que "le fonctionnement ou la structure de la concurrence" soient susceptibles d'être affectés.), sont rarement remplies (Les rapprochements de la grande distribution n'ont jamais été sanctionnés, en l'absence de caractérisation de position dominante ou d'état de dépendance économique d'une part, et de pratiques abusives ayant porté atteinte à la capacité d'accès des fournisseurs aux consommateurs d'autre part. V. Décisions Comm. CE, n°03-D-11, du 21 février 2003, Opéra (Cora / Casino), 03-D-11 ; n°05-D-62, du 10 novembre 2005, Lucie (Galec/system U), 05-D-62.).

Ce vide juridique incite à rechercher des solutions dans d'autres directions.


2) Limites du contrôle des concentrations

Dans sa décision Kesko Tuko (V. Décision Comm. CE, n° IV/M.784, du 20 novembre 1996, M.784), la Commission a refusé d'autoriser l'opération notifiée, au motif que celle-ci aurait eu pour conséquence d'augmenter la puissance d'achat de Kesko, et de renforcer ainsi sa position dominante sur les marchés avals. De même, dans sa décision Rewe / Meinl (V. Décision Comm. CE, n° M.1221, du 3 février 1999, M.1221), elle a identifié un risque d' “effet de spirale” ("spiraling effect"), le renforcement de la puissance d'achat de l'enseigne induisant le renforcement ou la création d'une position dominante sur le marché aval qui aurait créé un risque d'éviction de certains petits distributeurs. Dans certaines décisions, les autorités de contrôle ont appréhendé directement la puissance de marché des distributeurs sur le marché amont, et non plus seulement par l'analyse de ses effets sur le marché aval. La Commission s'est ainsi référée à un “ taux de menace ” pour caractériser la puissance d'achat d'un distributeur par rapport à un fournisseur (V. Décisions Comm. CE, n° M.1684, du 25 janvier 2000, Promodès et Carrefour, M.1684 ; n° M.1221, du 3 février 1999, Rewe / Meinl, M.1221.). Pratiquement, elle a demandé aux fournisseurs d'indiquer à partir de quel pourcentage de leur chiffre d'affaires ils considéraient que la perte d'un client représenterait une menace pour l'existence même de leur entreprise : la moyenne des réponses obtenues a fait apparaître un seuil de 22 % (V. aussi Décision Aut. conc. n°10-DCC-197, du 30 décembre 2010, 10-DCC-197). Grâce à ce mécanisme, la Commission a pu contrôler directement la puissance d'achat sur le marché amont : le succès de cet outil est toutefois resté modéré.

Enfin, les regroupements à l'achat échappent généralement au contrôle des concentrations qui, par définition, vise des modifications structurelles (fusion entre entreprises indépendantes, prise de contrôle d'une entreprise indépendante par d'autres, création d'une entreprise commune) qu'un regroupement à l'achat n'implique que rarement (V. Avis Aut. conc., n° 15-A-06, du 31 mars 2015, Auchan/Système U - Carrefour/Provera - Intermarché/Casino, 15-A-06.).


3) Recherche de solutions alternatives

L'analyse classique, qui perçoit la relation producteur-distributeur comme une relation de délégation dans laquelle le distributeur est un simple agent du producteur, conduit en réalité à sous-estimer le service assuré par le distributeur et le pouvoir de marché dont il dispose. Or, le service que le distributeur ajoute au produit contribue de façon très importante à sa valorisation par les consommateurs. Les autorités de contrôle tendent d'ailleurs aujourd'hui à appréhender le marché aval non comme un marché de produits mais comme un marché de services. Dans son avis du 31 mars 2015 (V. Avis Aut. conc., n° 15-A-06, du 31 mars 2015, 15-A-06.), l'Autorité de la concurrence rappelle que la pratique décisionnelle identifie six marchés au sein du commerce à dominante alimentaire, en utilisant plusieurs critères, tels que “ la taille des magasins, leurs techniques de ventes, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés ” (hypercmarchés / supermarchés / commerce spécialisé / petit commerce de détail ou superettes / maxi-discompteurs / vente à distance). Or, de même que le distributeur rend des services au consommateur, il en rend au producteur. Dès lors que l'on admet l'existence d'un marché de l'approvisionnement, on devrait considérer que le producteur ne fait pas face à un marché homogène, mais diversifié, en fonction de la spécificité des conditions de commercialisation. Les services rendus par les différents types de distributeurs que sont les hypermarchés, les supermarchés, le commerce spécialisé, le petit commerce de détail, et les maxidiscompteurs, ne sont pas les mêmes en termes de conditionnement, de présentation des produits ou de communication. Un commerce spécialisé offre un assortiment étroit et profond. La largeur et la profondeur de la gamme des produits offerts est sensiblement plus grande dans un hypermarché que dans un supermarché, qui lui-même présente un assortiment plus large et plus profond qu'un commerce de proximité. De même, un petit commerce ne peut ni recourir à des têtes de gondole, ni créer d'événements commerciaux pour la mise en avant des produits. Enfin, ces derniers sont d'une tout autre importance dans un hypermarché par opposition à un supermarché. Les différentes offres de services ne sont donc pas substituables les unes aux autres. Pour appréhender la puissance d'achat réelle d'un distributeur, il conviendrait de concevoir le marché amont plutôt comme un marché de service qu'un marché de produit et de lui appliquer un découpage symétrique à celui mis en œuvre sur le marché aval afin de tenir compte des services rendus par les distributeurs. L'abus de puissance d'achat ne serait plus perçu alors comme un abus de dépendance économique, mais comme l'expression d'un pouvoir de marché, conformément aux conceptions les plus classiques du droit de la concurrence. Dans son avis du 31 mars, l'Autorité de la concurrence ouvre la porte à une sous-segmentation du marché amont par circuit de distribution, à tout le moins pour ce qui concerne certaines catégories de produits, en relevant simplement que "les éléments rassemblés au cours de l'instruction du présent avis suggèrent [qu'une telle segmentation] peut être appropriée".


Droit de la concurrence et droit de la consommation.

Le droit de la concurrence et le droit de la consommation poursuivent des finalités différentes. Le droit de la concurrence au sens large règle les rapports entre les entreprises et le fonctionnement du marché ; le droit de la consommation tend à organiser les relations entre les consommateurs et les fournisseurs de biens et services. Mais chaque corps de règles peut concourir au renforcement de l'autre (V. SERRA et CALAIS-AULOY (sous la dir.), Concurrence et consommation, Dalloz, 1994.). La protection du consommateur contre les tromperies ou les comportements abusifs de certains professionnels protège en même temps les concurrents qui n'usent pas des mêmes procédés. Inversement, le développement d'une concurrence loyale et réglée entre les entreprises les incite à mettre sur le marché des produits ou services de meilleure qualité et au meilleur prix, dans l'intérêt du consommateur.Le droit de la concurrence et le droit de la consommation poursuivent des finalités différentes. Le droit de la concurrence au sens large règle les rapports entre les entreprises et le fonctionnement du marché ; le droit de la consommation tend à organiser les relations entre les consommateurs et les fournisseurs de biens et services. Cependant, chaque corps de règles peut concourir au renforcement de l'autre. La protection du consommateur contre les tromperies ou les comportements abusifs de certains professionnels protège en même temps les concurrents qui n'usent pas des mêmes procédés. Inversement, le développement d'une concurrence loyale et réglée entre les entreprises les incite à mettre sur le marché des produits ou services de meilleure qualité et au meilleur prix, dans l'intérêt du consommateur. Plus spécifiquement, certains comportements ou pratiques entre opérateurs sur le marché peuvent être poursuivis sur le fondement de la concurrence déloyale et faire l'objet d'une sanction pénale en vertu du Code de la consommation. Le non-respect d'une réglementation caractérise un acte de désorganisation susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur pour concurrence déloyale. Ainsi, la violation des dispositions qui régissent les annonces de réduction de prix peut constituer un acte de concurrence déloyale (V. Cass. com., 31 octobre 2006, 04-16.042, Contrats Conc. Consom. 2007, n° 36, obs. RAYMOND ; RJDA 2007, n° 789, approuvant Pau, 5 avril 2004, 03-02386 : offres de rabais fictifs.), alors qu'elle est par ailleurs pénalement sanctionnée par l'article L. 121-2 du Code de la consommation. De même, la victime d'une pratique commerciale déloyale peut intenter une action en concurrence déloyale contre son auteur. Dans ce cas, la victime ne sera pas le consommateur mais souvent un concurrent (Même si l'auteur des actes n'est pas un concurrent stricto sensu du demandeur : Paris, 16 janvier 2015, 12-13539.). L'action en concurrence déloyale peut également être introduite par les concurrents directs de l'auteur de soldes organisés en contravention avec les textes pour obtenir réparation du préjudice subi (V. Paris, 1er octobre 1992, 90-017636, approuvée sur ce point par Cass. com., 18 octobre 1994, 92-21.087 : en l'espèce, un partenaire commercial d'un magasin avait cessé les livraisons de vêtements de marque, et organisé dans le même temps des soldes portant sur ces produits, les deux magasins étant situés à proximité immédiate.) ou par les concurrents lésés par une pratique de vente ou de prestation de services subordonnée dès lors que le non-respect de l'article L. 121-11 (ancien art. L. 122-1) du Code de la consommation cause nécessairement une rupture d'égalité entre concurrents, et peut incidemment conduire à une captation de clientèle (T. com. Paris, 23 février 2009, 2008078679, 2008079194, confirmé par Paris, 31 mars 2009, 09-03794, ayant retenu que l'opérateur historique des télécommunications, en imposant aux amateurs de football de souscrire un abonnement à Internet auprès de sa filiale pour visionner la chaîne Orange Foot, se rend coupable de vente subordonnée illicite et partant, d'une captation de clientèle, justifiant le prononcé, sous astreinte, d'une mesure d'interdiction. Cependant, la Haute juridiction est revenue sur cette appréciation, estimant qu'il n'y avait pas en l'occurrence de pratique déloyale de vente liée, dès lors que le consommateur se déterminait de façon générale en considération des services associés à l'offre et par conséquent des capacités de différenciation des diverses offres concurrentes, V. Cass. 1re civ., 13 juillet 2010, 09-15.304, 09-66.970.). Enfin, le Code de la consommation ne prévoyant pas de sanctions spécifiques, le non-respect des règles relatives à la publicité comparative peut faire l'objet d'une action en concurrence déloyale. D'ailleurs, avant que le législateur adopte un texte qui lui soit propre, la jurisprudence se fondait sur le droit de la concurrence déloyale pour sanctionner le dénigrement par comparaison.

Au-delà de cette première approche, il apparaît que les rapports que le droit des pratiques anticoncurrentielles, au sens strict, et le droit de la consommation entretiennent avec les consommateurs, se situent à des niveaux différents. Le droit antitrust a bien pour finalité d'augmenter le surplus global au bénéfice des consommateurs : il leur profite, plus qu'il ne les protège. À la différence du droit de la consommation, il n'appréhende le consommateur ni comme un agent économique isolé, ni comme le bénéficiaire direct de la protection. Et lorsqu'il subordonne le bénéfice de l'exemption à la réservation d'une partie équitable du profit aux utilisateurs, il ne fait des consommateurs qu'un élément de localisation des effets bénéfiques de l'entente, et plus généralement, un critère d'appréciation de l'atteinte au marché. Dans la perspective globale du droit des pratiques anticoncurrentielles, le droit - particulier - de la consommation, peut lui-même faire l'objet d'une appréciation : dans certaines hypothèses, le droit de la consommation constituera une barrière à l'entrée des nouveaux concurrents ; dans d'autres, au contraire, il empêchera certains comportements d'exclusion ou constituera un obstacle au cloisonnement des marchés (ex. : la prohibition du refus de vente au consommateur édictée par l'article L. 121-11 du Code de la consommation empêche la réservation de clientèle). Au-delà, il apparaît que les rapports que le droit des pratiques anticoncurrentielles, au sens strict, et le droit de la consommation, entretiennent avec les consommateurs, se situent à des niveaux différents. Le droit des ententes a bien pour finalité d'augmenter le surplus global au bénéfice des consommateurs : il leur profite, plus qu'il ne les protège. À la différence du droit de la consommation, il n'appréhende le consommateur ni comme un agent économique isolé, ni comme le bénéficiaire direct de la protection. Et, lorsqu'il subordonne le bénéfice de l'exemption à la préservation d'une partie équitable du profit aux utilisateurs, il ne fait des consommateurs qu'un élément de localisation des effets bénéfiques de l'entente, et plus généralement, un critère d'appréciation de l'atteinte au marché. Dans la perspective globale du droit des pratiques anticoncurrentielles, le droit de la consommation peut lui-même faire l'objet d'une appréciation : dans certaines hypothèses, le droit de la consommation constituera une barrière à l'entrée des nouveaux concurrents ; dans d'autres, au contraire, il empêchera certains comportements d'exclusion ou constituera un obstacle au cloisonnement des marchés (ex. : la prohibition du refus de vente au consommateur édictée par l'article L. 121-11 C. consom. empêche la réservation de clientèle).

Le droit de la consommation et le droit de la concurrence (spécialement le droit de la concurrence déloyale et des pratiques restrictives) s'influencent désormais réciproquement. Ainsi, l'article L. 442-1, I, 2° du Code de commerce réprime le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur la notion de déséquilibre significatif, le Conseil constitutionnel a précisé que celle-ci est définie en des termes suffisamment clairs et précis dès lors qu'elle figure déjà dans le Code de la consommation et la directive 93-13 du 5 avril 1993 et qu'elle a été précisée par la jurisprudence. Inversement, transposant les dispositions de la directive 2005-29 du 11 mai 2005, la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a introduit de nouvelles dispositions dans le Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales déloyales (art. L. 121-1), qui prohibent les pratiques contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qui sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. L'article L. 121-2 du Code de la consommation qualifie de trompeuse la pratique commerciale qui crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif du concurrent, reprenant ainsi les éléments retenus pour la confusion déloyale. La tromperie peut également résulter de l'omission, de la dissimulation ou du caractère inintelligible d'une information substantielle, telle que les caractéristiques du bien ou du service, ou l'identité du professionnel. Le dispositif a été complété par la loi LME du 4 août 2008, qui a inséré un article L. 121-1-1 (devenu art. L. 121-4) dans le Code de la consommation interdisant les pratiques trompeuses en matière de label de certification, de prix ou d'offres promotionnelles, de service après-vente, d'agissements parasitaires.

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