Exemption individuelle

 

Droit européen de la concurrence

L'article 101, paragraphe 3, TFUE déclare le paragraphe 1 inapplicable dès lors que quatre conditions cumulatives sont remplies, deux positives et deux négatives. Il faut que l'entente (i) contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique (ii) tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, (iii) sans imposer aux entreprises des restrictions non indispensables pour atteindre ces objectifs, (iv) et en ne leur donnant pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

La Commission a élaboré des lignes directrices relatives à l'application de l'article 101, paragraphe 3, TFUE qui fixent une méthodologie pour l'application de cette disposition fondée sur l'approche économique qui a été introduite et développée dans les lignes directrices restrictions verticales, sur les accords de coopération horizontale et sur les accords de transfert de technologie. Le texte rappelle que, en vertu de l'article 1er du règlement 1/2003 du 16 décembre 2002, aucune décision préalable n'est nécessaire pour constater l'inapplicabilité de l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque les conditions du paragraphe 3 sont réunies.

L'entente ne peut bénéficier d'une exemption qu'à la condition de “[réserver] aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte”. Autrement dit, la contribution au progrès économique ne doit pas être appréciée uniquement du point de vue des entreprises participantes - le plus souvent les producteurs -, mais doit également tenir compte des effets de l'accord au niveau de la demande exprimée par les entreprises clientes ou les consommateurs finals. Il ne suffit donc pas que l'accord entraîne des gains de productivité pour que l'exonération soit octroyée ; il faut encore que ceux-ci se traduisent par une baisse des prix, actuelle ou même potentielle Plus la restriction de concurrence est grande, plus les gains d'efficacité et leurs répercussions sur les consommateurs doivent être importants. La mesure du profit réservé aux utilisateurs peut être fondée sur des projections et se satisfaire de simples présomptions. La seule constatation d'une pression concurrentielle sur le marché concerné ou de la puissance d'achat des partenaires de l'entente conduit les autorités de contrôle à conclure que les parties à l'entente ne peuvent retenir par-devers elles les profits dérivés de celle-ci. La Commission considère qu'il est davantage probable que les consommateurs perçoivent une partie équitable des gains d'efficacité réalisés sur les coûts lorsque ceux-ci concernent les coûts variables plutôt que les coûts fixes.

Une restriction qui a pour objectif d'améliorer la production, la distribution ou de promouvoir le progrès économique bénéficie de l'exemption lorsqu'elle s'avère non seulement indispensable à la réalisation d'un tel but mais encore nécessaire. Cette condition implique que non seulement l'accord restrictif proprement dit soit raisonnablement nécessaire pour réaliser les gains d'efficacité, mais aussi chacune des restrictions de concurrence qui en découlent. Une restriction de concurrence revêt un caractère nécessaire si davantage de gains d'efficacité sont générés avec l'accord ou la restriction qu'en son absence. Il ne doit pas exister d'autre moyen économiquement réalisable et moins restrictif permettant de les réaliser. Une fois le caractère nécessaire de l'accord constaté, les autorités de concurrence apprécient la nature indispensable de chacune des restrictions accessoires. La condition est remplie si l'absence de la restriction supprime ou réduit substantiellement les gains d'efficacité qui résultent de l'accord ou rend leur réalisation improbable. L'appréciation s'effectue dans le cadre réel de l'accord et doit notamment tenir compte de la structure du marché, des risques économiques liés à l'accord et des incitations qu'ont les parties.

L'article 101, paragraphe 3, TFUE précise qu'en aucun cas, une entente ne peut bénéficier d'une exemption lorsqu'elle donne aux entreprises concernées la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence. Les textes déterminent ainsi un seuil de prohibition au-delà duquel l'exemption ne peut jamais être accordée, alors même que l'accord concerné remplirait les autres conditions de la dérogation. Bien que la disposition rattache formellement l'absence de possibilité d'élimination de la concurrence à l'entente, l'appréciation s'effectue en réalité par rapport à la puissance économique des entreprises qui y sont parties, c'est-à-dire à la part de marché qu'elles contrôlent, ce qui implique de procéder à la définition du marché concerné. L'examen de la pratique des autorités de contrôle révèle que les décisions qui concluent à l'existence d'une possibilité d'élimination de la concurrence visent en principe des ententes dont les membres contrôlent ensemble des parts de marché supérieures à 70 %, se situant le plus souvent entre 80 et 90 % du marché concerné. Dans de nombreuses décisions, les autorités européennes contrebalancent les conclusions tirées de l'importance de la part de marché contrôlée par les membres de l'entente par la prise en considération du degré de nocivité des clauses de l'accord. Bien que l'entente regroupe des entreprises contrôlant la quasi-totalité d'un marché, la Commission considère qu'elle n'entraîne aucune élimination de la concurrence dès lors que les clauses de l'accord ne suppriment pas complètement leur liberté d'action. À l'inverse, elle considère qu'une clause de protection territoriale absolue, qui interdit aux concessionnaires et grossistes établis en dehors d'un territoire d'écouler les produits couverts par l'exclusivité sur ce territoire, serait susceptible d'éliminer la concurrence indépendamment de la position de marché des entreprises concernées. Appliquant la théorie des industries juvéniles au droit de la concurrence, la Commission accepte parfois que, sur le marché d'un produit nouveau, la concurrence actuelle soit entièrement supprimée afin de permettre à des entreprises qui n'y auraient pas eu accès d'y pénétrer et de devenir des concurrents à l'échéance de l'entente ; dans ce cas, la concentration provisoire du marché devient le moyen de sa déconcentration future

L'entreprise qui souhaite bénéficier d'une exemption au titre de l'article 101, paragraphe 3, TFUE doit apporter la preuve qu'elle remplit les quatre conditions cumulatives. L'exemption individuelle peut être accordée même lorsque les conséquences bénéfiques se produisent sur un marché géographique différent de celui sur lequel l'entente déploie ses effets. L'exemption est accordée pour une durée limitée qui peut aller de trois à plus de dix ans, qui dépend de différents facteurs : le temps nécessaire à la pénétration d'un marché, à la création d'un produit, à l'utilisation d'une technique nouvelle, au transfert d'une technologie ou le temps requis pour garantir un approvisionnement, par exemple. L'entreprise peut également librement proposer des engagements de faire ou de ne pas faire qui répondent aux spécificités propres du marché sur lequel elles opèrent. La violation des engagements pris en contrepartie de l'exemption d'un accord n'entraîne le retrait de l'exemption que si, du point de vue de la réalisation globale de l'objet des engagements, elle est patente et grave, a eu des effets néfastes graves et importants sur un tiers, lui a occasionné des dommages graves et irréparables ou encore témoigne, par son caractère répété, de la persistance du non-respect des conditions.

La Commission peut assortir ses décisions de conditions et charges, qui imposent au bénéficiaire de l'exonération des obligations de faire ou de ne pas faire (cession d'actifs, ouverture d'accès à une infrastructure, report de la mise en œuvre de l'accord, obligation de confidentialité, limitation du champ de la coopération, politique de prix, etc.), ou confèrent à la Commission la possibilité d'exercer un contrôle continu de l'accord exempté au moyen d'obligations d'information et de soumission à contrôle.

La Commission dispose en la matière d'un pouvoir discrétionnaire. Elle peut souverainement choisir d'assortir sa décision d'exemption de charges plutôt que de conditions. Le non-respect d'une condition entraîne l'annulation de la décision d'exemption.

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