Cette décision marque une victoire significative pour le Syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de Laguiole, dirigé par Honoré Durand, et pour la mairie de Laguiole, qui avaient contesté les décisions de l'INPI.
L’INPI avait effectivement refusé d'attribuer l'IG « Couteau de Laguiole » aux seules 24 communes de l'Aubrac aveyronnais, préférant une zone élargie incluant Thiers, capitale française du couteau, en septembre 2022.
La Cour a souligné que cette extension engendrait une confusion pour les consommateurs, rendant difficile l'identification de l'origine géographique authentique du produit. En annulant l'IG élargie, la Cour d’appel d’Aix a reconnu que la réputation des couteaux de Laguiole est étroitement liée à leur lieu de fabrication originel et au savoir-faire des artisans locaux.
Un savoir-faire ancestral reconnu et protégé
Le cahier des charges de l'Indication Géographique « couteau de Laguiole » est rigoureux, imposant des critères stricts de fabrication que toute entreprise adhérente au syndicat doit respecter.
En effet, la fabrication des lames du couteau Laguiole repose sur un savoir-faire ancestral, chaque lame étant marquée pour attester de la qualité de l’acier utilisé, et l’inscription de la marque de l’entreprise est gravée en creux sur la lame, sans recours au laser, en fin de production.
Pour le maire de Laguiole, Vincent Alazard, le nom "Laguiole" est intrinsèquement lié à son territoire d'origine. Il a même porté l'affaire en justice pour défendre l’image et le savoir-faire de sa commune.
Une bataille judiciaire intense
Depuis deux ans, une bataille judiciaire acharnée oppose le Syndicat des fabricants aveyronnais du couteau Laguiole à l'association CLAA - Couteau Laguiole Aubrac Auvergne - basée à Thiers (Puy-de-Dôme).
Le 6 septembre 2022, l'INPI avait homologué une IG incluant une zone élargie à 94 communes réparties sur six départements, englobant aussi bien l'Aveyron que le Puy-de-Dôme.
Cette décision, portée par l'association thiernoise CLAA, mettait en avant l'historique de fabrication des couteaux Laguiole à Thiers. Cependant, les couteliers de Laguiole avaient contesté cette délimitation, arguant que la réputation du couteau ne pouvait être que son lieu originel de fabrication artisanale.
Cette décision avait été perçue comme un camouflet par le syndicat aveyronnais, qui avait initialement vu sa propre demande d'IG rejetée (avril 2022). Le président du syndicat des couteliers de Laguiole, qui regroupe six coutelleries dont La Forge de Laguiole, avait alors adressé une lettre au Président Emmanuel Macron pour exprimer son incompréhension face à une IG qui ne respectait pas les droits de la collectivité de Laguiole à exploiter son propre nom.
Bien que les couteliers thiernois aient historiquement contribué à la production de ces couteaux, notamment en fournissant des pièces détachées lors du déclin de la coutellerie laguiolaise entre 1950 et 1985, la Cour d’appel d’Aix a estimé que la valeur et la réputation des couteaux Laguiole résident dans leur fabrication locale, à Laguiole.
Elle a donc finalement tranché en faveur des couteliers aveyronnais, annulant la décision de l'INPI et reconnaissant que la renommée des couteaux de Laguiole est indissociable de leur lieu de conception et de production d'origine.
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Une décision saluée par les couteliers de Laguiole, boudée par la CLAA
Cette décision a été saluée par le Syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de Laguiole, la mairie de Laguiole, ainsi que la Fédération française des indications géographiques industrielles et artisanales (FFIGIA), qui ont exprimé leur satisfaction dans un communiqué commun.
La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, a également applaudi cette décision, soulignant qu'elle :
« rend justice à un territoire entier engagé dans la reconnaissance et la protection de son savoir-faire artisanal ».
Le président du syndicat des couteliers de Laguiole, Honoré Durand, s’est tout particulièrement réjouit de cette décision et a déclaré :
« Nous nous engageons à mettre en œuvre l'indication géographique malgré les aspects juridiques encore incertains ».
En effet, l’association des couteliers de Thiers pourrait encore se pourvoir en cassation, ce qui demeure néanmoins « une option coûteuse » comme le souligne Yann Delarboulas, vice-président de l'association CLAA.
Ce dernier a également exprimé ses inquiétudes en ce qu’ils :
« risquent de ne plus pouvoir inscrire 'Laguiole' sur nos lames, ce qui pourrait menacer toute notre filière, impliquant environ 2.000 personnes et 400 emplois directs liés au couteau Laguiole ».
En revanche, pour le maire de Laguiole, cette décision confirme que le couteau et son territoire d'origine sont indissociablement liés, valorisant ainsi la dynamique économique et sociale de la région.
L'INPI a par ailleurs annoncé qu'elle réévaluera les dossiers en fonction de cette décision.
Une reconnaissance officielle
Le couteau de Laguiole, un modèle conçu et façonné depuis 1829, bénéficie désormais d'une reconnaissance officielle qui lui est due selon Honoré Durand, qui précise qu'il aurait été difficile de déposer une appellation d'origine pour un modèle en particulier, mais une IG, reconnue mondialement, représente un atout significatif pour l’exportation.
Si cette décision est confirmée par la Cour de cassation – si pourvoi il y a - l'IG sera définitivement restituée au territoire nord Aveyron.
En somme, la décision de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence marque une étape cruciale dans la protection et la valorisation du savoir-faire des couteliers de Laguiole, assurant la pérennité d'un patrimoine artisanal unique et consolidant la renommée internationale du couteau de Laguiole.