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Notion de "Services de coopération commerciale" en droit français de la concurrence
Définition et cadre juridique
Les services de coopération commerciale, visés par l'article L. 441-3 (ancien art. L. 441-7) du Code de commerce, également désignés sous l'appellation de “services propres à favoriser la commercialisation” sont les services qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente que le distributeur rend au fournisseur à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels. Il s'agit ainsi de services qui ne sont pas habituellement pris en charge par le distributeur dans le cadre normal de ses fonctions, comme les opérations de promotion du produit ou du service (mise en avant des produits ou publicité sur les lieux de vente).
Conditions et rémunération
La convention écrite doit indiquer leurs conditions de mise en oeuvre ainsi que leur rémunération, qui ne doit pas être manifestement disproportionnée.
Services de coopération commerciale dans l'ouvrage "Droit français de la concurrence" de Louis Vogel
Selon la définition classique retenue par la jurisprudence avant la loi Dutreil de 2005, les accords de coopération commerciale rémunèrent un service spécifique, c'est-à-dire un service qui n'est pas habituellement pris en charge par le distributeur dans le cadre normal de ses fonctions, dont la rémunération relève des conditions générales de vente.
L'ancien article L. 441-7, I, dans sa rédaction issue de la loi Chatel du 3 janvier 2008, a défini les services de coopération commerciale (dont l'appellation avait toutefois disparu du texte) comme les services rendus par le distributeur au fournisseur, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, propres à favoriser leur commercialisation et qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente.
La définition reprenait le concept classique de coopération commerciale (services “allant au-delà des obligations contractuelles résultant habituellement des achats et des ventes”(Grenoble, 7 janvier 1988, 2663-87, Gaz. Pal., 1988, 1, 217, note FOURGOUX ; sur pourvoi, Cass. com., 27 février 1990, 88-12.189, D., 1990, 521, note MALAURIE ; Rev. Conc. Consom., mai-juin 1990, nº 55 ; JCP E, 1990, II, 15900, obs. AZÉMA ; Cons. d'Ét., 10 avril 2002, 212014.)), mais restreignait son champ d'application, comme l'avait fait la loi Dutreil, en posant une série de conditions supplémentaires : les services devaient être rendus à l'occasion de la revente au consommateur et propres à favoriser la commercialisation.
La loi LME a sensiblement élargi le champ d'application en ajoutant qu'elle pouvait couvrir des services rendus à l'occasion de la “revente aux professionnels”, afin de permettre la prestation de services entre professionnels et le maintien des services réels rendus par le commerce de gros à des clients professionnels. Les services facturés par les grossistes à leurs fournisseurs, tels que la démonstration des procédés de décongélation et d'utilisation des produits de la mer par un grossiste pour le compte de son fournisseur de produits surgelés à destination de clients finals professionnels comme les restaurateurs, devenaient des services de coopération commerciale.
Le nouvel article L. 441-3 issu de l’ordonnance du 24 avril 2019 utilise de nouveau la notion de “services de coopération commerciale” sans pour autant en modifier la définition.
Les services extérieurs au contrat d'achat-vente concernent essentiellement les opérations de promotion du produit ou du service. Selon la circulaire Dutreil II du 8 décembre 2005, qui reprend quasiment mot pour mot sur ce point les termes de la circulaire Dutreil I du 16 mai 2003 (JO, 25 mai 2003, 8970.), “ces services recouvrent des actions de nature à stimuler au bénéfice du fournisseur la revente de ses produits au consommateur par le distributeur, et notamment celles à caractère publi-promotionnel telles la mise en avant des produits (Paris, 11 mars 2020, 18-17522, retenant que la mise en avant des produits d'un fournisseur sur le site internet du distributeur peut constituer un service méritant rémunération.) ou la publicité sur les lieux de vente (Paris, 24 juin 2020, 17-22584 , estimant que la prospection et la communication auprès de fournisseurs d'opérations publicitaires à réaliser sur différents supports ainsi que la réalisation de visuels et de prospectus constituent des services de coopération commerciale qui méritent rémunération.). L'attribution de têtes de gondoles ou d'emplacements privilégiés en relève également (TGI Périgueux, 16 février 2000, 99008901 ; Reims, 5 novembre 2007, 06-01898, engagement d'assurer la présence des produits dans l'assortiment régional adapté à la consommation locale.) ainsi que la promotion publicitaire (Cass. crim., 15 octobre 1996, 95-83.281 ; Rennes, 13 septembre 2007, 06-02741 ; Paris, 24 juin 2020, 17-22584 , retenant que la prospection et la communication auprès de fournisseurs d'opérations publicitaires à réaliser sur différents supports ainsi que la réalisation de visuels et de prospectus constituent des services de coopération commerciale qui méritent rémunération.)”. Il est indifférent, selon la Cour de cassation, que les services ne soient pas spécifiques aux produits du fournisseur ou n'aient pas nécessairement été fournis (Cass. com., 23 avril 2013, 12-16.004, qui considère que le contrat de coopération commerciale est causé lorsqu'il fixe la rémunération de services de promotion de produits floraux au sein d'un réseau de franchise, même si ces services ne sont pas spécifiques au produit ou n'ont pas été fournis.).
Il a été jugé que la mise en œuvre de nouveaux critères d'implantation des rayons par une réallocation de l'espace, une modification des lieux de circulation de la clientèle, une réorganisation des zones plus ou moins fréquentées par les consommateurs, une mise en valeur des produits frais, une restructuration des autres rayonnages et de la signalisation du point de vente (Paris, 20 décembre 2006, 05-24361.) ou l'élaboration et la diffusion de planogrammes (Paris, 13 septembre 2017, 15-24117, LEDICO novembre 2017, 2, obs. GRIMALDI ; LD novembre 2017, 3, obs. ERÉSÉO.) revêtent un caractère spécifique. Tel serait également le cas du service consistant à offrir une couverture nationale et un accès à des clientèles différentes aux produits d'un fournisseur, dès lors qu'il lui procure un avantage au détriment d'autres fournisseurs ou d'autres produits (Paris, 24 juin 2020, 17-22584 ). La définition du périmètre des services de coopération commerciale donne lieu à de nombreuses divergences. Les services logistiques ont ainsi été écartés par la circulaire Dutreil I du champ de la coopération commerciale dans la mesure où ils ne seraient pas détachables de l'opération d'achat-vente. Ils relèvent, selon la circulaire, des conditions de vente au même titre que les modalités de livraison, de conditionnement et de stockage (Orléans, 28 octobre 1999, 98-01692, approuvé par Cass. com., 4 juin 2002, 00-10.666 considérant que le maintien d'un stock déterminé de produits ne peut être pris en considération.). La Cour d'appel de Paris estime cependant que la détention d'entrepôts, qui permet la livraison sur un site unique et réduit le coût de stockage (Paris, 24 juin 2020, 17-22584 .), ou qu'un service d'intermédiation entre les fournisseurs, les plateformes de distribution et le transporteur, qui dispense ce dernier d'avoir à négocier autant de contrats et de tarifs et lui procure un volume d'affaires certain et régulier (Paris, 4 octobre 2012, 11-12684.), constituent des services réels, dignes de rémunération.
Est exclu du champ des services de coopération commerciale tout service inhérent à la fonction de distribution ou répondant à un usage commercial (Lettre de la DGCCRF du 27 décembre 1994, BID, 1995, nº 2, 47 ; Contrats Conc. Consom., 1995, nº 70, obs. VOGEL ; BRDA, 1995, nº 6, 13.), telle la "présentation astucieuse des produits" réalisée par “tout commerçant soucieux d'assurer une bonne vente de ses marchandises” (TGI Paris, 21 octobre 1994, 9331602833.) ou des services qui ne se distinguent pas de la mise en rayon des produits (TGI Rennes, 26 janvier 2007, 0351924.) ou qui constituent l'essence même du commerce de produits de consommation courante (Aix-en-Provence, 15 septembre 2010, 08-10314 ; Saint-Denis de la Réunion, 5 juillet 2019, 18-00110, considérant que le référencement, qui consiste en une simple présentation du fournisseur aux magasins de l'enseigne, ne constitue pas une prestation détachable de l'achat-vente, mais une fonction naturelle du distributeur.). Des prestations d'optimisation des commandes, de paiement centralisé, d'unicité de négociation et de décision, de logistique et de service qualité, effectuées par une centrale d'achat et facturées à un fournisseur, ont été considérées comme ne caractérisant pas des services de coopération commerciale, dès lors qu'elles relèvent des actes d'achat et de vente ou constituent le transfert pur et simple par celle-ci de ses propres charges, liées à son activité normale de grossiste, sur le fournisseur (TGI Vienne, 28 juillet 2005, 04003983 ; Caen, 18 mars 2008, 06-03554.). Un service d'assortiment commun qui n'apporte rien aux fournisseurs par rapport aux préconisations qu'ils effectuent eux-mêmes dans le cadre de leurs rencontres directes avec les magasins de l'enseigne (Paris, 29 juin 2016, 14-09786, LPA 29 septembre 2016, 14, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 211, obs. MALAURIE-VIGNAL.) ou la réalisation d'un chiffre d'affaires déterminé (Cass. com. 27 février 1990, 88-12.189.) ou d'objectifs de vente (Orléans, 28 octobre 1999, 98-01692.) ne relèvent pas non plus de la catégorie des services spécifiques. La Cour d'appel de Paris (Paris, 30 novembre 2009, 08-10851, RLC, 2010/23, 48, obs. GRALL. Contra, Colmar, 19 décembre 2008, 08-00756.) a jugé que si des services de "détention de gamme" consistant en des exigences spécifiques du fournisseur quant à la présence d'une gamme de produits dans les linéaires du distributeur pouvaient faire l'objet d'une rémunération du distributeur, de tels services ne peuvent être considérés comme des services de coopération commerciale. Selon le juge, des services de référencement, de maintien, de détention ou de suivi de gamme constituent des obligations générales résultant des achats et des ventes de produits dont la rémunération doit prendre la forme de réductions de prix (Aix-en-Provence, 15 septembre 2010, 08-10314 ; Saint-Denis de la Réunion, 5 juillet 2019, 18-00110, LD octobre 2019, 7, obs. VERTUT.). En principe, la facturation de services de coopération commerciale ne devrait pas concerner les produits Marques de distributeurs (MDD) (CEPC, Avis nº 09-13 (CEPC 09120906).).
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Les décisions de justice pertinentes associées à la notion de "Services de coopération commerciale" en droit français de la concurrence
- CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 30 mars 2021, n° 19/15655
- CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 17-22584
- CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 mars 2020, n° 18-17522
- CA Saint-Denis de la Reunion, ch. com., 5 juillet 2019, n° 18-00110
- CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 janvier 2019, n° 17-09617
- CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 septembre 2017, n° 15-24117
- CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 juin 2016, n° 14-02306
- CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 juin 2016, n° 14-09786
- CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 22 octobre 2015, n° 14-01030
- Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-23.353
Ressources juridiques associées
Décisions de justice
CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 30 mars 2021, n° 19/15655
Proportionnalité de la rémunération au service rendu • La rémunération de prestations qui fait ressortir un taux moyen de coopération commerciale de 14 %, voire de plus de 20 % pour certains produits, présente un caractère manifestement disproportionné, au regard du faible nombre de références considérées et de leur coût relatif pour le distributeur.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 17-22584
Notion • Le service consistant à offrir une couverture nationale et un accès à des clientèles différentes aux produits d'un fournisseur, qui lui procure un avantage au détriment d'autres fournisseurs ou d'autres produits, n'est pas un service inhérent à la fonction de distributeur.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 11 mars 2020, n° 18-17522
Notion • Le fournisseur qui n'a pas demandé la mise en œuvre des services qui consistent à obtenir un fichier contenant les éléments chiffrés “sorties caisses” relatifs à la commercialisation de ses produits, afin d'analyser les performances du distributeur, ne peut contester leur réalité. La mise en avant des produits d'un fournisseur sur le site internet du distributeur peut constituer un service méritant rémunération.
CA Saint-Denis de la Reunion, ch. com., 5 juillet 2019, n° 18-00110
Notion • Le référencement, qui consiste en une simple présentation du fournisseur aux magasins de l'enseigne, ne constitue pas une prestation détachable de l'achat vente, mais une fonction naturelle du distributeur.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 janvier 2019, n° 17-09617
Preuve • Le seul paiement sans réserve de factures de coopération commerciale ne suffit pas à établir l'absence de fictivité des services qu'elles rémunèrent.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 septembre 2017, n° 15-24117
Notion • L'élaboration et la diffusion de planogrammes constitue un service de commercialisation.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 juin 2016, n° 14-02306
Preuve • La charge de la preuve du caractère distinct des opérations d'achat/vente des services rémunérés et de leur réalisation effective pèse sur le distributeur.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 juin 2016, n° 14-09786
Preuve • La charge de la preuve de la réalisation effective des prestations facturées dans le cadre d'accords de coopération commerciale pèse sur le distributeur.
CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 22 octobre 2015, n° 14-01030
Preuve • La publicité, dans trois catalogues annuels, faite pour un seul article de la gamme de produits du fournisseur, dont le distributeur commercialise pourtant l'intégralité, ne constitue pas la preuve de l'élaboration d'un véritable plan de promotion des produits, facturé au titre de la coopération commerciale.
Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-23.353
Preuve • La preuve de la réalité des prestations facturées, qui incombe au distributeur, ne peut résulter du seul intitulé de ses factures.
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Législation / Articles de loi
Avis n° 22-3 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 1 avril 2022
... sur les produits de la seconde catégorie stipulent notamment les conditions de vente des produits pour l’année à venir sans pour autant prévoir de réduction de prix ou de services de coopération commerciale. Il est précisé que les deux catégories de produits sont parfaitement identiques. En effet, la chaine de fabrication des produits du fournisseur ne distingue pas selon ...
Avis n° 21-14 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 18 novembre 2021
... la Commission sur la légalité, au regard des articles L. 441-3 et L. 441-9 du code de commerce, de la facturation du fournisseur au prestataire de services, des services de coopération commerciale par une réduction de prix sur sa facture. Vu les articles L. 440-1 et D. 440-1 à D. 440-13 du code de commerce ...
Article L 441-3-1 du Code de commerce
... et, le cas échéant, les types de situation et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l'opération de vente sont susceptibles d'être appliquées ; 2° Les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou des services du fournisseur, que le grossiste lui rend, ou des produits ou des services du grossiste, que ...
Article L 441-3 du Code de commerce
... cas échéant les types de situation dans lesquelles et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l'opération de vente sont susceptibles d'être appliquées ; 2° Les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur, que le distributeur ou le prestataire de service lui rend, ne relevant pas des obligations ...
Avis n° 21-7 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 15 avril 2021
... R. 443-2 du code de commerce, requiert un contrat écrit dans le cas où le distributeur ou prestataire de services bénéficie de remises, rabais et ristournes ou rend des services de coopération commerciale ou des services distincts. Dans le cas de produits transformés par un producteur agricole constituant des produits de grande consommation et commercialisés directement auprès d’un ...
Recommandation n° 20-1 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 6 juin 2020
... prix et, le cas échéant, les types de situation dans lesquelles et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées ; les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur, que le distributeur ou le prestataire de service lui rend, ne relevant pas des obligations ...
Avis n° 18-8 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 20 septembre 2018
L. 442-6-I, 3° qui prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait « d'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et ...
Avis n° 18-6 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 7 juin 2018
La jurisprudence a pu également faire application de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce à divers secteurs d'activités (CA Angers, 2 décembre 2014, n° 13/03350, application à une relation entre un sous-traitant réalisant des travaux d'électricité et trois sociétés de construction, dont l'une réalisant des maisons ...