Transparence tarifaire jurisprudence et législation

 

Rapports entre droit de la transparence tarifaire et droit des pratiques restrictives

L'exigence de transparence a été concomitante à la réglementation des pratiques discriminatoires. Afin que le commerçant sache s'il est victime d'une discrimination par rapport aux opérateurs placés dans la même situation, le législateur a imposé la transparence tarifaire (L. 73-1193 du 27 décembre 1973). Le droit de la transparence conditionne en réalité la mise en œuvre de l'ensemble des règles relatives aux pratiques restrictives. Placée sous le signe de la libre concurrence, la réglementation en vigueur cherche à garantir la transparence des transactions aux différents moments de la relation commerciale. Ainsi, tout acheteur doit pouvoir effectuer son choix en connaissance de cause, notamment en se faisant communiquer les prix et conditions générales de vente des différents offreurs (art. L. 441-1). Pour que l'accord des parties puisse être constaté, une facture doit être établie dans le respect des prescriptions légales, afin de déterminer le contenu de la relation contractuelle (art. L. 441-9).

La libéralisation progressive des parties les plus importantes du droit des pratiques restrictives n'a pas fondamentalement remis en cause le droit de la transparence. Ainsi, l'assouplissement du droit de la revente à perte qui permet de tenir compte des avantages sur facture et hors facture pour abaisser le seuil de revente à perte n'a pas modifié le formalisme des mentions sur facture.

Curieusement, bien que la loi LME ait supprimé l'interdiction per se des pratiques discriminatoires, suivant en cela les recommandations du rapport Hagelsteen, elle a maintenu en vigueur l'ensemble du droit de la transparence tarifaire alors que celui-ci trouve principalement sa cause dans le droit de la discrimination, en tant qu'instrument de preuve et de prévention des pratiques discriminatoires.

Le maintien d'une obligation de transparence s'explique principalement par la volonté des fournisseurs de conserver des conditions générales de vente qui constituent la base de départ des négociations, principe consacré par la loi Hamon (L. 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JO du 18 mars 2014, 5400 ; BÉHAR-TOUCHAIS, Le droit des pratiques restrictives est-il en passe de devenir du droit administratif ?, Concurrences, 4/2013 ; CHONÉ-GRIMALDI, Avant-projet de loi "Hamon" : les apports en droit de la concurrence, JCP E, 2013, n° 265 ; BRETZNER et BENDAVID, Analyse critique des dispositions relatives aux sanctions administratives, AJCA, avril 2014, 19 ; CHAGNY, Loi Hamon : impact sur les contrats d'affaires, propos introductifs, AJCA, avril 2014, 9 ; Le droit (substantiel) des pratiques restrictives de concurrence s'invite dans la loi consommation, RTD com. 2014, 67 ; COMERT et FLAICHER-MANEVAL, La négociation des contrats d'affaires après la loi Hamon, AJCA, avril 2014, 16 ; COULON et FAIZANT, Les dispositions de la loi en faveur de la consommation relatives à la transparence et aux relations commerciales : nouvelles évolution ou révolution ?, Contrats Conc. Consom., mai 2014, étude, 9 ; ERÉSÉO, L'encadrement de la loi Hamon des relations entre fournisseurs et distributeurs, Gaz. Pal. 24 avril 2014, 33 ; FERRIER, Loi du 17 mars 2014 "relative à la consommation"… et pour un encadrement renforcé des relations entre professionnels, D., 2014, 889 ;  GRALL, Loi relative à la consommation (Loi Hamon) : implications sur les négociations commerciales, RLC, 2014/39 ; JULIEN, Présentation de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, Contrats Conc. Consom., 2014, dossier n° 2 ; LESQUINS, DELESALLE, VAN CAUWELAERT, Observations sur la réforme du dispositif de sanction en cas de non-respect des règles relatives aux délais de paiement et à la convention unique, RLC, 2014/39, 149 ; PETRIGNET et REDON, Loi relative à la consommation : relations commerciales entre professionnels, BRDA, mai 2014, 7/14, n° 22, 11 ; PIRONON, Les aspects internationaux, AJCA, avril 2014, 13 ; L. et J. VOGEL, Réforme du droit de la négociation commerciale par la loi Hamon : Much Ado About Nothing ?, Lettre CDC, mai 2014, 4.), ainsi que par l'utilisation de la réglementation des CGV en vue d'encadrer les délais et conditions de paiement.

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Les décisions de justice pertinentes associées à la notion de "Transparence tarifaire" en droit français de la concurrence


Conditions générales de vente et coopération commerciale

Les accords verticaux ayant pour objet la fixation de prix de vente ou qui imposent des conditions discriminatoires sont contraires à l'article L. 420-1 du Code de commerce. En ce domaine, l'Autorité de la concurrence doit concilier deux approches différentes : celle du droit de la transparence tarifaire et celle du droit des pratiques anticoncurrentielles. Les règles relatives à la transparence imposent la communication de l'ensemble des conditions générales et la mention sur la facture des remises acquises au jour de la vente ou de la prestation : elles avaient à l'origine pour but d'éviter toute discrimination abusive. Les accords de coopération commerciale ne peuvent être conclus qu'en contrepartie de services particuliers rendus au fournisseur à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, propres à favoriser leur commercialisation, et qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente. En revanche, les conditions discriminatoires accordées à certains partenaires, qui accroissent l'efficacité économique ou rémunèrent un meilleur service au consommateur ne sont pas nécessairement anticoncurrentielles. Il n'en va différemment que si le caractère occulte de ces accords constitue le moyen pour les fournisseurs d'éviter la répercussion des rabais ou ristournes sur les prix de vente des distributeurs auxquels ils sont accordés et de résister aux demandes des distributeurs qui n'en bénéficient pas. En cela, les accords de coopération commerciale peuvent contribuer à la fixation d'un prix minimum contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce. L'on observe que l'Autorité a tendance à condamner sur le fondement du droit des ententes les accords qui ne lui paraissent pas justifiés au regard du droit de la transparence (rémunération confidentielle, avantage pour progression du chiffre d'affaires), et à exonérer ceux qui lui paraissent conformes à ces règles (rémunération d'un service répondant aux conditions de la coopération commerciale).

Conditions particulières de vente

L'article L. 441-1 (ancien art. L. 441-6) du Code de commerce consacre la possibilité de prévoir des conditions particulières de vente (CPV) au sein d'une même catégorie d'acheteurs : “[d]ans le cadre de [la] négociation, les parties peuvent convenir de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l'obligation de communication [...]”. Le législateur a ainsi défini une zone de liberté de négociation des conditions tarifaires du vendeur, soustraite au champ d'application de la transparence tarifaire. Initialement subordonnée à l'existence de services spécifiquement rendus par l'acheteur, la négociation de CPV est libre de cette contrainte depuis la loi LME.

Est-ce à dire que les conditions particulières de vente pourraient être fixées de façon totalement dérogatoire aux conditions générales, sans limite ni justification ? La prudence impose de prévoir une contrepartie car toute convention doit, pour être valable, avoir une cause au sens du droit civil (pour les contrats antérieurs au 1er octobre 2016) ou un contenu licite et certain (depuis la réforme du droit des contrats applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016) ; en outre, des accords dérogatoires dépourvus de justification peuvent caractériser un abus de dépendance. L'essor du contrôle des clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties depuis la loi LME milite également en ce sens. Enfin, la jurisprudence autorise désormais les juges à contrôler le caractère abusif des clauses relatives à la détermination du prix puisqu'elle considère que “le principe de la libre négociabilité n'est pas sans limite et que l'absence de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants, même lorsque ces obligations n'entrent pas dans la catégorie des services de coopération commerciale, peut être sanctionnée au titre de l'article L. 442-1, I, 2° (ancien art. L. 442-6, I, 2°) du Code de commerce, dès lors qu'elle procède d'une soumission ou tentative de soumission et conduit à un déséquilibre significatif”. La Cour de cassation requiert donc clairement une contrepartie à toute réduction de prix.


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Consulter des ressources juridiques associées

Décisions de justice

Icône représentant une décision de justice

Cass. crim., 27 février 1995, n° 94-82.178

Date de la prestation - Les factures de services de commercialisation doivent indiquer la date de la prestation et sa dénomination précise. - Désignation des prestations - Les factures de coopération commerciale doivent indiquer la date de la prestation et sa dénomination précise. - Conditions tenant à l'étendue de la délégation - La délégation de pouvoirs consentie à un préposé ne permet pas au dirigeant de société de s'exonérer de sa responsabilité en matière de facturation, dès lors qu'elle ne s'étend pas au pouvoir décisionnel nécessaire à la négociation avec les fournisseurs.

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Cass. crim., 11 mars 1993, n° 91-80.598

Effet exonératoire - Une délégation de pouvoirs est susceptible d'exonérer le dirigeant de société de sa responsabilité pénale en matière de facturation. - Délégation des pouvoirs - Sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires.

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TA Melun, 2e ch., 6 octobre 2023, n° 2001822

U enseigne (Sté) - La procédure administrative visant à sanctionner le non-respect de la date limite de la convention écrite n'est pas soumise aux dispositions de l'article 6 CEDH dès lors que ni la Direccte, ni son directeur, compétents pour prendre les mesures de sanction, ne peuvent être qualifiés de tribunal au sens de ce texte et que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative. Le cumul des pouvoirs de constatation et de répression des…

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TA Lyon, 15 septembre 2023, n° 2208806

Eiffage Route Centre Est (Sté) - Sanction administrative - Le fait que le délai de paiement des factures courre, dans le cadre de la commande publique, à compter de la date de réception de la demande de paiement, n'introduit pas une rupture d'égalité entre les personnes privées, pour lesquelles le délai de paiement court à compter de la date d'émission de la facture, et les personnes publiques, dès lors que les règles qui s'appliquent à ces dernières sont fondées sur la nature particulière de l'activité exercée, qui doit respecter…

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CA Basse-Terre, 2e ch. civ., 10 juillet 2023, n° 22/00593

AGC Volailles (SAS) c. Centr'Etanche Guadeloupe (SARL) - Conséquences civiles - Le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement d'une facture doit être fixé à la date de celle-ci, si elle est émise dès la réalisation de la prestation de service, ou à la date de réalisation de la prestation de service si la facture est émise tardivement.

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Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-14.841

Ergo Insurance (Sté), Baltic Transline (Sté) c. Labeyrie Fine Foods France (Sasu) - Conséquences civiles - La prescription de l'action en paiement d'une facture court à compter de la date que le vendeur a mentionnée sur celle-ci comme étant celle de son exigibilité.

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CA Paris, 13e ch. A, 17 novembre 1998, n° 98-00341

Quantités - La facture qui ne mentionne pas la dénomination précise, la quantité des produits achetés ni la date de règlement et les conditions d'escompte est irrégulière. - Dénomination précise du produit ou du service - La facture qui ne mentionne pas la dénomination précise des produits achetés est irrégulière.- Conditions d'escompte - La facture qui ne mentionne pas la dénomination précise, la quantité des produits achetés ni la date de règlement et les conditions d'escompte est irrégulière.

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CJUE, 8e ch., 4 mai 2023, n° C-78/22

ALD Automotive s.r.o c. GEDEM-STAV a.s - Pénalités de retard - Lorsqu’un contrat prévoit des paiements à caractère périodique, dont chacun doit être effectué dans un délai déterminé, le montant forfaitaire minimal de 40 euro pour frais de recouvrement est dû au créancier pour chaque retard de paiement, et non une seule fois au titre de l'exécution de ce contrat, indépendamment du nombre de paiements non effectués dans les délais. Une juridiction nationale ne peut refuser d'appliquer ou réduire le montant forfaitaire de 40 euro pour frais de recouvrement, sur le…

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CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 17 avril 2023, n° 21/09965

Caesars Diffusion (SARL) c. Distribution Leader Price (SNC) - Pénalités de retard - Des intérêts de retard ne peuvent commencer à courir à compter d'une période antérieure à l'émission de la facture. - Pénalités logistiques - Un distributeur ne peut réclamer le paiement de pénalités logistiques lorsque le contrat-cadre conclu avec le fournisseur n'en prévoit que le principe, sans en indiquer ni le montant, ni le mode de calcul.

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CAA Paris, 8e ch., 30 janvier 2023, n° 21PA04834

Optical Center (Sté) - Publication - L'entreprise qui n'a pas exercé de recours contre la décision de publication de l'amende qui lui a été infligée devant le juge des référés administratifs, en vue de faire suspendre l'exécution de la mesure, ne peut utilement soutenir que la publication effectuée avant tout jugement d'un tribunal est contraire au principe de la présomption d'innocence prévue par l'article 6-2 CEDH. - Sanction administrative - L'acheteur, à qui il appartient de réclamer les factures qui doivent être délivrées par le vendeur, ne peut utilement soutenir…


Législation / Articles de loi

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Avis n° 17-13 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 14 décembre 2017

... ses séances plénières des 10 novembre 2016, 19 janvier, 27 avril, 21 septembre et 14 décembre 2017 ; Réponse : Résumé Les dispositions prévues par le code de commerce en matière de transparence tarifaire n'obligent, ni n'interdisent au fournisseur d'indiquer spécifiquement le coût de la gestion des déchets dans son tarif. En ce qui concerne la ...

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Rapport de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 1 janvier 2017

... pourvoir ou contribuer à la gestion des déchets peut être remplie au choix, par un système individuel ou en adhérant à un éco-organisme. Le tarif : Les obligations légales de transparence tarifaire sont notamment mentionnées à l'article L. 441-6 du code de commerce. Il s'agit en particulier des conditions de vente et du barème des ...

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Rapport de l'Autorité de la concurrence du 1 janvier 2015

... ministériels, des administrateurs et des mandataires judiciaires, de sorte que soit mieux pris en compte le coût des prestations et des services fournis par ces professionnels dans une plus grande transparence tarifaire. L'Autorité a ensuite présenté de nombreuses propositions spécifiques visant à rendre plus cohérente et plus transparente la structure des tarifs des professions juridiques réglementées, notamment au ...

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Avis n° 14-09 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 22 septembre 2014

... liées à des paliers de chiffre d'affaires devant apparaître sur les factures dès lors que les paliers sont atteints. Au regard des exigences et des objectifs de la transparence tarifaire instituée par l'article L. 441-3 du Code de commerce, lorsque l'acheteur s'est engagé contractuellement à réaliser un objectif en termes de ...

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Rapport de l'Autorité de la concurrence du 1 janvier 2014

... des coûts dans le contrat de mise à disposition, afin de faire ses choix en connaissance de cause ; dans tous les cas, il convient de promouvoir un renforcement de la transparence tarifaire, en rendant publics sur le site Internet des propaniers tous les contrats et barèmes en vigueur ; enfin, la durée totale des contrats portant sur la mise à disposition ...

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Rapport de l'Autorité de la concurrence du 1 janvier 2010

... aurait un effet significatif sur les marchés en cause. Capacité de verrouiller l'accès aux intrants L'Autorité a tout d'abord relevé l'absence de transparence tarifaire sur le marché des granulats en précisant que cette absence était un facteur de nature à favoriser la mise en place d'une discrimination tarifaire entre les ...

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Avis n° 04-A-05 du Conseil de la concurrence du 30 janvier 2004

Le Conseil de la concurrence (section I), Vu la lettre en date du 5 septembre 2003 enregistrée sous le numéro 03-0062 A par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil d'une demande d'avis en application de l'article L. 410- 2 du Code de commerce; - Vu la directive européenne n° ...

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Circulaire n° ECOC0300050C du Ministère des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l'Artisanat, des Professions libérales et de la Consommation du 16 mai 2003

Le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation à Mesdames et Messieurs les préfets Le dispositif juridique applicable aux relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs a connu au cours des dernières années des évolutions importantes : la loi du 1er juillet 1996 (dite loi Galland) a ...

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