Les notions clés et ressources en droit européen de la distribution

De l'ouvrage "Droit européen de la distribution" de Louis Vogel et Joseph Vogel


Droit international de la distribution

Le droit international de la distribution prévoit des instruments distincts selon le type de contrat en cause : la Convention de La Haye du 14 mars 1978 concerne les contrats d'intermédiaire ou de représentant, notamment d'agence commerciale ; les autres contrats internationaux de distribution sont soumis au règlement Rome I (Règl. 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I, JOUE L 177 4 juillet 2008 ; Adde : Le règlement nº 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit “Rome I”, D., 2008, 2155. La Commission a pris acte de l'application du règlement Rome I au Royaume-Uni à partir du 17 décembre 2009, à l'exception de l'article 26 qui s'applique à compter du 17 juin 2008 : Décis. Comm. CE n° 2009/26 du 22 décembre 2008, JOUE L 10 du 15 janvier 2009.), qui communautarise la convention de Rome du 19 juin 1980 (Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, JO C 27 du 26 janvier 1998.). Depuis le 10 janvier 2015 (JOUE L 351 du 20 décembre 2012. Adde : VOGEL, Traité de droit économique, T. 4, Droit européen des affaires, LawLex/Bruylant, 2020.), les conflits de juridictions sont régis par le règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis), qui remplace le règlement 44/2001 Bruxelles I, du 22 décembre 2000.

1° Conflit de lois

Les articles 3 du règlement Rome I et 5 de la Convention de la Haye consacrent le principe de l'autonomie de la volonté selon lequel les parties choisissent la loi applicable au contrat (Les parties peuvent désigner la loi applicable au contrat dans sa globalité, ne soumettre que certaines stipulations à celle-ci, ou encore désigner plusieurs lois applicables.). Ce choix peut être exprès, et prendre la forme d'une clause d'electio juris, ou tacite, et résulter des stipulations du contrat ou des circonstances.

Lorsque les parties n'ont pas choisi la loi applicable, le règlement Rome I définit précisément la loi applicable selon le contrat en cause (art. 4, paragr. 1) :

  • loi du lieu de résidence du vendeur pour la vente de marchandises (Le règlement Rome I donne primauté à la Convention de La Haye de 1955 pour régir toutes les ventes d'objets mobiliers corporels, dans son article 25.) ;
  • loi du lieu de résidence du prestataire en cas de prestation de services ;
  • loi du lieu de résidence du franchisé pour la franchise ;
  • loi du lieu de résidence du distributeur pour les contrats de distribution.

Les autres contrats sont régis par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle (art. 4, paragr. 2). Le choix du règlement en faveur de la loi du pays du distributeur est en opposition avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui soumet le contrat de distribution à la loi du fournisseur (Cass. 1re civ., 23 janvier 2007, 05-12.166, RJ com., 2007, 336, obs. ATTAL ; JDI, 2008, 521, obs. JACQUET ; RTD com., 2007, 588, obs. BOULOC ; JCP G, 2007, I, 172, obs. NADEAUD ; RDC, 2007, nº 842, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; Gaz. Pal., 29 avril-3 mai 2007, 23, obs. NIBOYET ; Contrats Conc. Consom., 2007, n° 119, obs. MALAURIE-VIGNAL ; JCP G, 2007, II, 10074, obs. AZZI ; JCP E, 2007, I, 1601 ; JCP E, 2008, II, 1638, obs. MAINGUY ; 16 avril 2008, 07-14.697, Contrats Conc. Consom., 2008, n° 157, obs. MALAURIE-VIGNAL.). Les obligations nées de la phase précontractuelle sont soumises au règlement Rome II (Règl. 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.), dont l'article 12, paragraphe 1er, intitulé “Culpa in contrahendo” pose le principe de la compétence, soit de la loi applicable au contrat, soit de la loi qui aurait été applicable si le contrat avait été conclu.

En l'absence de choix des parties, la Convention de La Haye soumet le contrat de représentation ou d'intermédiation à la loi interne de l'État dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle (art. 6) (Lyon, 6 novembre 2007, 06-07451 ; Cass. com., 27 avril 2011, 09-72.304.). Toutefois, la loi interne de l'État dans lequel l'intermédiaire doit exercer à titre principal son activité est applicable si le représenté a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle dans cet État. Lorsque le représenté ou l'intermédiaire dispose de plusieurs établissements professionnels, la loi interne de l'État du siège de l'établissement auquel le rapport de représentation se rattache le plus étroitement est applicable.

2° Lois de police

L'existence de règles impératives, dont l'application immédiate est nécessaire à la sauvegarde d'intérêts considérés comme majeurs par les États ou la communauté internationale peut empêcher l'application de la loi choisie par les parties. Adoptant la définition de Francescakis, le règlement Rome I définit les lois de police comme les “dispositions nationales dont l'observation a été jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de l'État membre concerné, au point d'en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire national de cet État membre ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci” (art. 9). Si les lois de police du for ne peuvent être écartées (art. 9, paragr. 2), les lois de police étrangères sont soumises à un régime particulier : seules peuvent être appliquées les lois “du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées”, à condition que “lesdites lois de police rendent l'exécution du contrat illégale” (art. 9, paragr. 3). La première Chambre civile de la Cour de cassation adopte une position contraire à celle du droit européen en écartant l'application de la loi de police du for (Cass. 1re civ., 6 mars 2007, 06-10.946, JCP G, 2008, I, 112, obs. LECOURT ; RLDA, 2007, nº 1193, obs. NOURISSAT ; Rev. Lamy dr. civ., 2007, nº 2479, obs. DOIREAU ; JCP E, 2008, II, 1638, obs. MAINGUY ; 22 octobre 2008, 07-15.823, JDI, 2009, 599, obs. JOBARD-BACHELLIER et TRAIN ; Gaz. Pal., 20-21 février 2009, 27, obs. GUEZ ; LPA, 13 juillet 2009, 8, obs. ARHEL ; D., 2009, 684, obs. HUET ; JCP E, 2008, II, 2535, obs. MATHEY ; D., 2009, 200, obs. JAULT-SESEKE ; D., 2009, 1565, obs. COURBE et JAULT-SESEKE ; Contrats Conc. Consom., 2008, n° 270, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Rev. Lamy dr. civ., 2008, n° 3210, obs. MAUGER ; JCP G, 2008, II, 10187, obs. d'AVOUT ; JCP E, 2008, II, 2429, obs. CORNUT ; D., 2008, 2790, obs. GALLMEISTER ; Concurrences, 1/2009, 129, obs. DANY ; JCP E, 2009, II, 1479, obs. MAINGUY ; RDC, 2009, nº 197, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; JDI, 2009, 1, obs. BUREAU et MUIR WATT ; JCP E, 2009, II, 1409, obs. OLLIVRY ; RDC, 2009, nº 691, obs. TREPPOZ, s'agissant de la rupture brutale de relations commerciales d'un contrat de concession exclusive comportant une clause attributive de compétence au profit du juge américain.).

Seules les lois participant de l'ordre public de direction ou de l'organisation du marché - telles les règles de concurrence - permettent d'écarter la volonté des parties. Les textes qui relèvent de l'ordre public de protection et ne concernent que des intérêts purement privés n'ont valeur de lois de police qu'en droit interne. Faisant prévaloir l'indemnisation de l'agent commercial sur le principe d'autonomie de la volonté applicable en matière contractuelle au nom de la protection de la “liberté d'établissement et du jeu d'une concurrence non faussée dans le marché intérieur”, la Cour de justice (CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar GB (Ltd) c. Eaton Leonard Technologies (Inc), aff. C-381-98, C-381/98, Europe, 2001, n° 24 et Rev. crit. DIP 2001, 112, obs. IDOT, JCP G, 2001, I, 328, obs. BERNARDEAU.) a ainsi considéré que les articles 17 et 18 de la directive 86/653 du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, qui garantissent certains droits à l'agent commercial après la cessation du contrat d'agence, constituent, dès lors que l'agent commercial a exercé son activité dans un État membre, des lois de police internationales, même si le commettant est établi dans un pays tiers et que, en vertu d'une clause du contrat, ce dernier est régi par la loi de ce pays. La Cour de cassation s'est néanmoins prononcée en sens inverse dans des affaires relatives aux textes nationaux transposant la directive (Cass. com., 28 novembre 2000, 98-11.335 : les dispositions législatives françaises relatives aux agents commerciaux sont des dispositions d'ordre public interne, mais n'en constituent pas pour autant une loi de police applicable dans l'ordre international, susceptible d'écarter l'application d'une clause soumettant le contrat litigieux à un droit étranger ; 5 janv. 2016, 14-10.628, JCP, G, 2016, n° 241, obs. NOURISSAT ; LD février 2016, 6, obs. LOUVET ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 64, obs. MATHEY ; AJCA 2016, 162, obs. NOURISSAT ; Concurrences, 2/2016, 116, obs. FERRE ; JCP E, 2016, n° 1468, obs. ALFREDO ; JCP E, 2017, n° 1079, obs. MAINGUY. - V. aussi Paris, 23 novembre 2021, 19/15670, JCP E 2022, n° 1234, n° 10, obs. MAINGUY ; - Contra, s'alignant sur la position de la CJUE, Paris, 12 février 2013, 11-22021.) . S'il est désormais établi que le statut protecteur de l'agent commercial issu de la directive 86/653 transposée dans le droit des États membres s'applique dès lors que l'agent commercial exerce son activité sur le territoire d'un État membre, il est également acquis que dans une situation intra-européenne le juge national peut écarter la loi nationale choisie par les parties qui satisfait à la protection minimale prescrite par la directive, en faveur de la lex fori, en raison du caractère impératif, dans l'ordre juridique de l'État du for, des règles régissant le statut des agents commerciaux. Toutefois, l'éviction de la loi choisie par les parties ne pourra intervenir que si la juridiction saisie constate de façon circonstanciée que, dans le cadre de la directive, le législateur de l'État du for a jugé crucial, au sein de l'ordre juridique concerné, d'accorder à l'agent commercial une protection allant au-delà de celle prévue par la directive, compte tenu de la nature et de l'objet de telles dispositions impératives (CJUE, 17 octobre 2013, Unamar NVC, aff. C-184-12, C-184/12, JCP G, 2013, n° 1287, obs. NOURISSAT ; D., 2014, 60, obs. d'AVOUT ; Concurrences, 1/2014, 87, obs. FERRÉ ; Contrats Conc. Consom., 2014, n° 4, obs. MATHEY ; RDC, 1/2014, 80, obs. DEUMIER ; RLDA, 2013, n° 4785.).

Enfin, selon l'exception d'ordre public posée à l'article 21 du règlement 593/2008, “l'application d'une disposition de la loi désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public du for” (De même, la Convention de La Haye prévoit en son article 16 la possibilité d'appliquer des “dispositions impératives de tout État avec lequel la situation présente un lien effectif, si et dans la mesure où, selon le droit de cet État, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi désignée par ses règles de conflit” et pose en son article 21 une exception d'ordre public.).

3° Conflit de juridictions

Lorsqu'un litige présente des éléments d'extranéité, il peut être nécessaire de déterminer la juridiction étatique compétente pour en connaître. Pour régler les conflits de juridictions, l'Union européenne a, de longue date, adopté un corps de règles destiné à préciser la compétence judiciaire et les conditions d'exécution des décisions judiciaires, d'abord matérialisé par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (JOCE L 299 du 31 décembre 1972, 32-42), remplacée par le règlement 44/2001, dit “Bruxelles I”, du 22 décembre 2000 (JOCE L 012 du 16 janvier 2001, 1-23) puis par le règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012, qui s'est substitué au règlement 44/2001 le 10 janvier 2015.

En vertu du principe d'autonomie de la volonté, les parties peuvent insérer une clause attributive de juridiction au contrat qui leur permet d'"attribuer compétence à des tribunaux qui ne l'auraient pas été, en vertu des dispositions générales ou spéciales [du règlement], ou d'exclure celle des tribunaux qui seraient normalement compétents, en vertu de ces règles" (Pour un exemple de clause d'élection de juridiction dérogeant à la compétence spéciale prévue en matière contractuelle à l'article 7, point 1, V. CJCE, 17 janvier 1980, Zelger c. Salinitri, aff. 56-79, 56-79, JDI, 1980, 435, obs. HUET ; Rev. crit. DIP, 1980, 387, obs. MEZGER.). Le principe est consacré par l'article 25 du règlement 1215/2012 selon lequel “si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes [...]”. Les parties peuvent désigner un ou des tribunaux d'un État membre, sans le citer nommément, pourvu que la clause attributive de juridiction identifie précisément les éléments objectifs sur lesquels elles se sont mises d'accord pour choisir le ou les tribunaux auxquels elles entendent soumettre leurs différends nés et à naître (CJCE, 9 novembre 2000, aff. C-387-98, Coreck Maritime GmbH c. Handelsveem BV e.a., C-387/98, en matière de connaissement maritime.). En outre, la Cour de justice a précisé, à propos d'un contrat de franchise contenant une clause attributive de juridiction, que la prorogation conventionnelle de compétence n'est pas subordonnée à la démonstration d'un élément objectif de connexité entre le rapport litigieux et le tribunal désigné (CJCE, 3 juillet 1997, Benincasa c. Dentalkit Srl, aff. C-269-95, C-269/95, JDI, 1998, 581, obs. BISCHOFF ; Cah. dr. eur., 1999, 223, obs. TAGARAS.). Les parties peuvent donc s'entendre sur un lieu d'exécution des obligations contractuelles ne présentant aucun lien effectif avec la réalité du contrat et les obligations en découlant, à condition de respecter les exigences de forme prescrites en matière de clauses d'élection de for.

La clause attributive de juridiction doit être l'expression d'un consentement clair et précis. Elle peut être écrite ou verbale avec une confirmation écrite, conclue sous une forme conforme aux habitudes établies entre les parties, ou “dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée” (art. 25).

Si la clause attributive de juridiction ne lie en principe que les parties contractantes, elle peut être opposée, en cas de cession d'un contrat de distribution, au ou par le cessionnaire, dès lors qu'il a succédé aux droits et obligations du cédant, en vertu du droit national applicable à la cession (CJCE, 19 juin 1984, Partenreederei MS. Tilly Russ c. NV Haven- & Vervoerbedrijf Nova, aff. 71-83, 71-83, Rev. crit. DIP, 1985, 385, obs. GAUDEMET-TALLON ; JDI, 1985, 159, obs. BISCHOFF, solution rendue à propos d'un connaissement maritime.). A défaut, il appartient au juge de vérifier son consentement à la clause, au regard des exigences de l'article 25 (V. CJCE, 9 novembre 2000, Coreck Maritime GmbH c. Handelsveem BV e.a., aff. C-387-98, C-387/98, toujours en matière de connaissement maritime.).

Lorsque les parties ne sont pas convenues d'une juridiction compétente, l'article 7 du règlement 1215/2012 régit la matière contractuelle, c'est-à-dire toutes les situations dans lesquelles il existe un engagement librement assumé d'une partie envers une autre (CJCE, 17 juin 1992, Handte c. Traitements mécano-chimiques des surfaces, aff. C-26-91, C-26/91, Rev. crit. DIP, 1992, 726, obs. GAUDEMET-TALLON ; JDI, 1993, 469, obs. BISCHOFF ; JCP G, 1992, II, 21927, obs. LARROUMET ; JCP E, 1992, II, 363, obs. JOURDAIN ; RTD eur., 1992, 712, obs. de VAREILLES-SOMMIÈRES ; JCP G, 1993, I, 3666, obs. BOUTARD-LABARDE ; Journ. trib., 1993, 471, obs. RIGAUX ; D., 1993, Somm. 214, obs. KULLMANN.). Aussi l'action visant à mettre en oeuvre la responsabilité précontractuelle du défendeur, du fait de la rupture injustifiée de pourparlers, est-elle de nature délictuelle (CJCE, 17 septembre 2002, aff. C-334-00, Fonderie Officine Meccaniche Tacconi c. Heinrich Wagner Sinto Maschinenfabrik, C-334/00, RDAI, 2002, 948, obs. MOURRE et LAHLOU ; JDI, 2003, 668, obs. HUET. V. cep. Paris, 13 janvier 1999, 1998-13707, qui a soumis la rupture d'une promesse de franchise à l'article [7, point 1].).

L'article 7, point 1, a) du règlement 1215/2012 dispose qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre “en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande”. Ce lieu étant déterminé selon les règles de conflit de la juridiction saisie (CJCE, 6 octobre 1976, aff. 14-76, De Bloos c. Bouyer, 14-76, JDI, 1977, 719, obs. BISCHOFF ; D., 1977, 618, obs. DROZ : le terme “obligation” visé à l'article [7, point 1, du règlement 1215-2012] vise l'obligation contractuelle qui sert de base à l'action judiciaire ; 6 octobre 1976, aff. 12-76, Tessili, 12-76.), un morcellement de compétences risque de s'ensuivre (V. CJCE, 6 octobre 1976, aff. 14-76, De Bloos c. Bouyer, 14-76, JDI, 1977, 719, obs. BISCHOFF ; D., 1977, 618, obs. DROZ : dans un litige portant sur les conséquences de la violation par le concédant d'un contrat de concession exclusive, telles que le paiement de dommages-intérêts ou la résolution du contrat, “l'obligation à laquelle il faut se référer aux fins de l'application de l'article [7, point 1], est celle qui découle du contrat à la charge du concédant et dont l'inexécution est invoquée pour justifier la demande de dommages-intérêts ou de résolution du contrat de la part du concessionnaire”, alors qu'"en ce qui concerne les actions en paiement d'indemnités compensatoires, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si, d'après le droit applicable au contrat, il s'agit d'une obligation contractuelle autonome ou d'une obligation remplaçant l'obligation contractuelle inexécutée".). Pour éviter cet inconvénient, la Cour de justice avait appliqué la règle selon laquelle l'accessoire suit le principal (CJCE, 15 janvier 1987, Shenavai c. Kreischer, aff. 266-85, 266-85, Gaz. Pal., 1987, 2, 283, obs. MAURO ; JDI, 1987, 465, obs. BISCHOFF et HUET ; Rev. crit. DIP, 1987, 798, obs. DROZ : la compétence doit être déterminée au regard du lieu d'exécution de l'obligation principale lorsque le litige porte sur plusieurs obligations qui découlent d'un même contrat et servent de base à l'action intentée par le demandeur.), à l'exception du litige qui porte sur plusieurs obligations équivalentes découlant d'un même contrat (CJCE, 5 octobre 1999, Leathertex Divisione Sintetici c. Bodetex, aff. C-420-97, C-420/97, JDI, 2000, 540, obs. LECLERC ; Rev. crit. DIP, 2000, 76, obs. GAUDEMET-TALLON ; Europe, 1999, nº 431, obs. IDOT ; JCP G, II, 10354, obs. BRUNEAU ; Journ. trib., 2000, 535, obs. MOTTARD : “le même juge n'est pas compétent pour connaître de l'ensemble d'une demande fondée sur deux obligations équivalentes découlant d'un même contrat, lorsque, selon les règles de conflit de l'État de ce juge, ces obligations doivent être exécutées l'une dans cet État et l'autre dans un autre État contractant”. Adde : CJCE, 5 octobre 1999, aff. C-420-97, Leathertex Divisione Sintetici c. Bodetex, C-420/97.). Désormais, l'article 7, point 1, b) précise que “ sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

  • pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ;
  • pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas” (Pour un exemple en matière d'agence commerciale, V. CJUE, 11 mars 2010, aff. C-19-09, Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH c. Silva Trade SA, C-19/09, qui retient qu'un contrat d'agence commerciale constitue un contrat de fourniture au sens de l'article [7, point 1], sous b), second tiret du règlement et qu'en cas de fourniture de services dans plusieurs États membres, le tribunal compétent pour connaître de toutes les demandes fondées sur le contrat d'agence est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de la fourniture principale des services, c'est-à-dire le lieu de la fourniture principale des services de l'agent, tel qu'il découle des dispositions du contrat ainsi que, à défaut de telles dispositions, de l'exécution effective de ce contrat et, en cas d'impossibilité de le déterminer sur cette base, celui dans le ressort duquel l'agent est domicilié.). Dès lors, lorsque le litige concerne le contrat-cadre, la juridiction compétente sera déterminée par la loi applicable au contrat-cadre en vertu de l'article 7, point 1, a). Lorsque seul un des contrats de vente pris en application du contrat-cadre prête à discussion, la juridiction compétente sera nécessairement celle du lieu de l'État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, en vertu de l'article 7, point 1, sous b), premier tiret.

La jurisprudence française, appliquant les dispositions correspondantes de l'ancien règlement 44-2001, a longtemps estimé que le contrat de distribution exclusive ne s'apparentait ni à un contrat de vente, ni à un contrat de prestation de services et que le juge compétent devait être désigné en application de l'article 7, paragraphe 1, sous a) (Cass. 1re civ., 23 janvier 2007, 05-12.166, D., 2007, AJ, 511 ; D., 2007, 1575, obs. KENFACK ; Gaz. Pal., 29 avril-3 mai 2007, 23, obs. NIBOYET ; Contrats Conc. Consom., 2007, nº 119, obs. MALAURIE-VIGNAL ; JCP G, 2007, II, 10074, obs. AZZI ; JCP E, 2007, II, 1601. - V. égal., sur le fait que le contrat de distribution exclusive n'est ni un contrat de vente ni un contrat de prestation de services, Cass. 1re civ., 9 juillet 2008, 07-17.296 et 07-17.295, D., 2008, AJ, 2154 et Cass. 1re civ., 5 mars 2008, 06-21.949, Rev. Lamy dr. civ., 2008, nº 2976 ; D., 2008, 858 ; RJ com., 2008, 290, obs. LEBRETON-DERRIEN ; Contrats Conc. Consom., 2008, n° 128, obs. MALAURIE-VIGNAL. Pour une étude critique des solutions adoptées par les deux arrêts des 23 janvier 2007 et 5 mars 2008, V. BERLIOZ, La notion de fourniture de services au sens de l'article 5-1 b) du règlement “Bruxelles I”, JDI, 2008, 675.). L'obligation servant de base à la demande, visée par l'article 7, paragraphe 1, sous a), devait être déterminée, en vertu de la règle de conflit posée par l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, remplacé par l'actuel article 4 du règlement 593-2008 du 17 juin 2008, dit “ Rome I ”, par la loi du pays où se situait l'établissement qui doit fournir la prestation caractéristique. Or, selon la Cour de cassation, cette prestation était celle pesant sur le concédant d'assurer l'exclusivité de la distribution de ses produits à son revendeur. La Cour de justice a rejeté cette analyse. Selon elle, le contrat de concession exclusive constitue un contrat de fourniture de services, dont la prestation caractéristique est celle fournie “ par le concessionnaire qui, en assurant la distribution des produits du concédant, participe au développement de leur diffusion ”. Le contrat relève donc de la règle de compétence prévue à l'article 7, par. 1, sous b), second tiret (CJUE, 19 décembre 2013, C-9/12, JCP G, 2014, n° 180, obs. BERLIOZ ; Europe, 2014, n° 109, obs. IDOT ; AJCA, 2014, 28, obs. PARLÉANI ; RDC, 2014, 246, obs. LAAZOUZI ; Rev. crit. DIP, 2014, 660, obs. BUREAU ; 8 mars 2018, C-64/17, LD avril 2018, 3, obs. LECLERC ; Procédures 2018, comm. 144, obs. NOURISSAT ; Europe 2018, n° 214, obs. IDOT ; AJ Contrat 2018, 240, obs. LUC ; LEDICO juin 2018, 7 et RDC 2018, 380, obs. HAFTEL ; D. 2019, 794, obs. N. FERRIER.). La Cour de cassation s'est ultérieurement alignée sur cette position. Visant expressément l'arrêt du juge de l'Union, au sujet d'un “ contrat de distribution conclu à l'issue d'un processus de sélection et comportant des stipulations particulières concernant la distribution, sur le territoire français ”, des produits d'un fournisseur, elle est revenue sur sa position en posant en principe que la règle de compétence énoncée à l'article 5, 1, b), second tiret, du règlement Bruxelles I (devenu l'article 7 de l'actuel règlement 1215/2012), a vocation à s'appliquer, à l'exclusion de celle prévue à l'article 5, 1, a), du même règlement (Cass. 1re civ., 19 novembre 2014, 13-13.405, JCP G, 2014, n° 1243, obs. BERLIOZ ; AJCA 2015, 45, obs. PARLÉANI ; JCP éd. G, 2015, n° 11, obs. SINDRES ; D. 2015, 51, obs. LARDEUX ; LPA 6 février 2015, 7, obs. MAHINGA ; RLDA 2015, n° 5508, obs. BÉHAR-TOUCHAIS. - V. aussi Douai, 8 septembre 2022, 22/00937 ; Paris, 5 mai 2021, 20/17547 ; Versailles, 26 septembre 2019, 18-04118.).

Par ailleurs, les dispositions de l'article 7, point 5 du règlement 1215/2012 qui permettent d'attraire un défendeur domicilié sur le territoire d'un État membre, dans un autre État membre, en cas de contestation relative à l'exploitation d'une succursale, d'une agence ou de tout autre établissement, devant le tribunal du lieu de leur situation, n'est pas applicable au contrat de concession, dès lors que “le concessionnaire d'une exclusivité de vente ne peut être considéré comme étant à la tête d'une succursale, d'une agence, ou d'un établissement de son concédant [...] lorsqu'il n'est soumis ni à son contrôle, ni à sa direction” (CJCE, 6 octobre 1976, aff. 14/76, De Bloos c. Bouyer, 14-76, JDI, 1977, 719, obs. BISCHOFF ; D., 1977, 618, obs. DROZ.). Il en est de même pour un agent commercial (intermédiaire) indépendant, qui est libre d'organiser son activité, de déterminer son temps de travail et de représenter plusieurs firmes concurrentes et qui se borne à transmettre les commandes au siège sans participer ni à leur règlement ni à leur exécution (CJCE, 18 mars 1981, aff. 139/80, Blanckaert & Willems PVBA c. Trost, 139-80, JDI 1982, 479, obs. BISCHOFF.).


Existe-t-il un droit de la distribution ?

A priori, la question peut paraître surprenante. Le droit de la distribution fait l'objet de nombreux enseignements et de multiples ouvrages et les professionnels le pratiquent au quotidien. L'existence d'un tel droit peut donc difficilement être contestée. Cependant, la matière est difficile à cerner. Au sens large, le droit de la distribution pourrait regrouper l'ensemble des règles juridiques gouvernant les activités de mise à disposition des biens et des services au profit des utilisateurs finals entre le stade de la production et de la consommation. Une vision aussi extensive conduirait à y inclure notamment tout le droit du travail de la force de vente, l'ensemble du droit de la consommation, les règles d'urbanisme commercial, le régime des centres commerciaux... Cette conception tentaculaire présente des inconvénients certains. Chacun de ces thèmes constitue à lui seul une discipline à part entière, ayant ses propres spécialistes et soulève des questions qui ne sont pas nécessairement propres à la distribution. Le risque de l'exercice est d'aboutir à un catalogue de matières sans cohérence et difficilement maîtrisable. Il n'existe donc pas un, mais plusieurs droits de la distribution, en fonction du périmètre retenu. Notre préférence va à la partie centrale et stratégique du droit de la distribution, celle des réseaux de distribution. Nous ne traiterons donc pas des contrats de la grande distribution qui relèvent plus du droit de la concurrence (V. VOGEL, Traité de droit économique, T. 1 Droit de la concurrence, LawLex/Bruylant, 2015.) que du droit de la distribution. Sous des formes diverses, ils manifestent souvent en pratique l'exercice de la puissance d'achat des grands distributeurs à l'égard de leurs fournisseurs dépendants (Le droit européen de la concurrence saisit généralement ce type de contrat par l'intermédiaire des effets verticaux qui peuvent accompagner une concentration horizontale entre grands distributeurs. Lorsque le marché de la distribution et celui de l'approvisionnement sont étroitement interdépendants, un effet de spirale peut se produire, l'existence d'une position dominante sur l'un des marchés pouvant se traduire par la création ou le renforcement d'une position dominante sur l'autre. Tel est le cas lorsque la concentration limite les sources d'approvisionnement ou que la présomption de position dominante qui pèse sur la nouvelle entité est caractérisée par le renforcement de sa puissance d'achat (V. VOGEL, Traité de droit économique, T.1, Droit de la concurrence, LawLex/Bruylant, 2015, n° 311). En droit français de la concurrence, de tels effets restrictifs verticaux sont également appréhendés dans le cadre du contrôle des concentrations en cas de suppression d'un débouché ou de création d'un état de dépendance (V. VOGEL, op. cit., n° 1015). Plus spécifiquement, le droit français comporte des dispositions permettant de sanctionner l'abus de dépendance ou l'abus de dépendance économique (V. VOGEL, op. cit., nos 639 s. et 823 s.). Les lignes directrices sur les restrictions verticales (JOUE C 248 du 30 juin 2022) apprécient les effets anticoncurrentiels de deux pratiques de la grande distribution : les redevances d'accès payables d'avance (pts 379 s.) et les accords de gestion par catégorie (pts 385 s.). Il convient de noter que les préoccupations du législateur français inscrites dans de nombreuses dispositions ont donné lieu à des initiatives au niveau européen, comme la directive 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire (JOUE L 111 du 25 avril 2019).).

Un réseau de distribution se définit comme l'organisation par une entreprise, tête de réseau - généralement un fournisseur -, d'un ensemble d'entreprises liées par des relations contractuelles fortes, cohérentes et stables, de fournisseur à distributeur, en vue de développer de façon efficiente et pérenne les ventes. En ce sens, le droit de la distribution constitue un art éminemment pratique. Son objet est de permettre à l'entreprise, tête de réseau, de choisir le système de distribution le mieux adapté à la commercialisation de ses biens et services, d'encadrer les relations avec son réseau, de le faire vivre et de le développer, ainsi que de gérer au mieux les conflits et la fin des relations avec tel ou tel distributeur ou la réorganisation de l'ensemble d'un réseau. Même si on le limite au cœur de la matière, celle des réseaux de distribution, il s'agit d'une discipline riche et complexe car elle emprunte aux différentes branches du droit dont elle assure la synthèse au service du fonctionnement efficient des réseaux de distribution. Le droit de la distribution impose d'appliquer simultanément à tout moment le droit commercial des contrats et le droit national et/ou européen de la concurrence, tout en tenant compte des contraintes du droit du travail, du droit fiscal, du droit des procédures collectives, du droit pénal et du droit de la procédure. La pratique du droit de la distribution est un “sport dangereux” tant pour les entreprises que pour leurs directeurs juridiques et leurs conseils. L'objet du présent ouvrage est de les préparer au mieux à prendre leurs décisions et à les guider dans l'action en limitant autant que possible le risque juridique. Pour éclairer les choix du chef d'entreprise et de ses conseils, internes ou externes, nous avons concentré l'analyse sur les principales formes de réseaux de distribution auxquelles les entreprises ont recours en pratique.

Confrontés aux questions soulevées par la mise en place ou l'évolution d'un réseau de distribution, le chef d'entreprise et ses conseils ont le choix entre une large palette de solutions allant des formes les plus souples (approvisionnement exclusif, distribution exclusive, distribution sélective) aux formes les plus intégrées (franchise, agents, locataires-gérants), jusqu'à des figures contractuelles fondées sur un rapport de subordination, comme dans le cas des VRP.


Vers un droit commun européen de la distribution

La Commission a lancé en 2003 un vaste plan d'action à l'effet d'harmoniser le droit européen des contrats. Il a donné naissance à deux sous-projets. Le premier, dénommé “Acquis”, classe toutes les directives existantes en matière contractuelle. Le second, qui tend à l'établissement d'un cadre commun de référence “Common Frame of Reference” (CFR), élabore un cadre général du droit contractuel, dans lequel les parties pourraient puiser librement, à l'instar des principes des contrats commerciaux internationaux Unidroit.

Le 20 avril 2010, la Commission a présenté un nouveau plan d'action avant de publier, le 1er juillet 2010, un Livre vert “relatif aux actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises” qui envisage différentes options, allant de la publication de règles non contraignantes à l'adoption d'un Code civil européen en passant par la recommandation, la législation facultative ou l'harmonisation par voie de directive ou de règlement.

Pour mener ses travaux, la Commission dispose notamment aujourd'hui du “Draft Common Frame of Reference” du “Study Group” dirigé par le professeur von Bar. Le texte actuel(2) se caractérise, s'agissant des contrats de distribution, par une inspiration fortement protectionniste et un décalage évident par rapport à la réalité économique qui se manifeste tout particulièrement dans la définition des conditions de la rupture.

L'article 1-306 du projet introduit le principe général d'un droit à une indemnité de clientèle pour le distributeur à la cessation du contrat. Son adoption constituerait une rupture importante avec les règles en vigueur dans la majorité des États membres - à l'exception des droits allemand et belge - qui consacrent le principe opposé selon lequel les parties sont toujours libres de mettre un terme à un accord de distribution. Une telle indemnisation générale en fin de contrat compromettrait l'efficience économique : le fournisseur serait nécessairement réticent à résilier un distributeur, ce qui favoriserait le maintien en place des opérateurs existants, même peu performants.

L'article 1-302 prévoit que chaque partie à un contrat à durée indéterminée a le droit d'y mettre un terme moyennant un préavis d'une durée suffisante. Le texte est complété par une présomption selon laquelle un préavis d'un mois pour chaque année d'exécution du contrat est considéré comme suffisant. Cette présomption est contestable, non seulement parce qu'elle peut aboutir à des délais de rupture extrêmement longs, mais aussi parce qu'en cumulant indemnisation de fin de contrat et préavis long, elle rompt l'équilibre du contrat de distribution. La directive sur les agents commerciaux, qui consacre un principe d'indemnité de clientèle, prévoit ainsi de façon beaucoup plus raisonnable, qu'au-delà de trois années de vie du contrat, la durée du préavis est fixée à trois mois - délai que les États peuvent porter au maximum à six mois.

Les principes actuellement retenus par le projet von Bar ont peu de chance d'être consacrés : ils sacrifient l'efficience économique et heurtent la tradition juridique de la plupart des États membres.


Le double dualisme du droit de la distribution

Le droit de la distribution est un droit dual à un double titre : les règles nationales cohabitent avec les règles européennes et les règles de droit civil avec les règles de droit de la concurrence.

Actuellement, le droit de la distribution relève pour l'essentiel du droit des obligations. Au sein des États membres, un droit spécial de la distribution est même apparu, qui se subdivise en fonction de différentes catégories de contrats obéissant à des règles de plus en plus spécifiques (distribution exclusive, distribution sélective, franchise, agence…).

Le droit européen n'a pas pu longtemps se désintéresser des contrats de distribution qui sont un instrument essentiel de la libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne. Il les a appréhendés sous deux angles différents : d'abord sous l'angle du droit de la concurrence (V. L. et J. VOGEL, Distribution et droit de la concurrence, JCP E, 2012, I, 1180 ; CLAUDEL, Régulation de la distribution par les autorités de concurrence : quels objectifs ?, RLDA, 2013, n° 4654 ; CLAY, Concurrence, distribution et entreprises : quelles difficultés pratiques et contentieuses ? Comment les gérer ?, RLDA, 2013, n° 4657 ; FOURGOUX, Droit de la concurrence et contrats de distribution : quelles contraintes ?, RLDA, 2013, n° 4656 ; LUC, Droit de la concurrence et distribution : quel(s) rôle(s) pour le juge de droit commun ?, RLDA, 2013, n° 4655 ; VOGEL, Efficiency versus Regulation: The Application of EU Competition Law to Distribution Agreements, JECLAP, 2013, No 3, 277 ; VOGEL, The Recent Application of EU and National Competition Law to Distribution Agreements: Does Competition Law Promote Efficient Distribution Networks?, JECLAP 2016, 628.), ensuite sous celui des règles du marché intérieur.

Les contrats de distribution ont constitué l'objet principal des règlements d'exemption par catégorie qui ont permis à la Commission d'imposer aux opérateurs économiques les clauses qu'elle jugeait licites au regard du droit des ententes et d'exclure celles trop attentatoires à la concurrence. Au-delà du droit de la concurrence, les règlements d'exemption sont allés parfois jusqu'à déterminer le régime civil de ces contrats qu'ils ont imposé aux entreprises souhaitant bénéficier de l'exemption par catégorie. Les règlements automobiles successifs intervenus jusqu'en 2002 constituent la meilleure illustration de cette méthode puisqu'ils ont abouti à un véritable formatage des contrats de ce secteur en fixant leur durée et celle des préavis, en imposant la motivation de leur résiliation, en encadrant leur cessibilité et en aménageant leurs clauses de différends. La Commission ne s'est toutefois pas contentée de cette harmonisation indirecte des contrats par l'intermédiaire du droit de la concurrence, mais a, dans un second temps, utilisé les techniques du marché intérieur pour aboutir à un véritable rapprochement des régimes juridiques nationaux. En droit positif, la directive sur les agents commerciaux constitue la première manifestation de cette nouvelle politique. Plus généralement, la Commission a chargé un groupe de travail animé par le professeur von Bar d'établir des propositions en vue notamment de l'adoption de règles communes applicables aux contrats de distribution. Plus récemment, elle s'est intéressée aux pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire et non alimentaire (Dir. 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire, JOUE L 111 du 25 avril 2019, 59. - Sur ce texte, CHONE-GRIMALDI, Pratiques commerciales déloyales dans la chaîne alimentaire : une incursion européenne dans le droit des contrats entre professionnels, Europe novembre 2019, Etude n° 8 ; DASKALOVA, The New Directive on unfair Trading Practices in Food and EU Competition Law: Complementary or Divergent Normative Frameworks?, JECLAP 2019, 281 ; IDOT, Le titre IV et le droit de l'Union européenne, Concurrences 2019/3, 34 ; LEDOUX, Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 : présentation générale de la réforme du titre IV du livre IV du Code de commerce, Droit rural août 2019, étude 16 ; PETIT, Le complément européen de la loi Égalim : la directive sur les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, Droit rural janvier 2020, étude 1 ; PROUZET, La directive pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, Concurrences 2019/3, 27 ; TENENBAUM, Les professionnels et le droit matériel de l'Union européenne : des clauses abusives aux pratiques commerciales déloyales, RDC 2019, 122 ; THEBAUD et DEBOYSER, La directive 2019/633 et les pratiques commerciales déloyales dans le secteur agroalimentaire, JDE 2019, 399.).

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