Dol, jurisprudences et législation

Notion de dol en droit français de la distribution

La violation par le franchiseur de l'obligation d'information précontractuelle imposée par l'article L. 330-3 du Code de commerce n'entraîne la nullité du contrat que si elle a vicié le consentement du candidat.

Obligation d'information et consentement dans la franchise

Il appartient donc au franchisé qui se prévaut d'un dol d'apporter la preuve de l'existence de manœuvres dolosives, de leur caractère intentionnel et du caractère déterminant de l'information omise.

Réticence dolosive et informations partielles

Constitue une réticence dolosive le fait de communiquer des informations partielles, imprécises ou non actualisées sur le réseau et ses perspectives de développement, sur l'existence même du réseau, sur l'état et les perspectives du marché local, sur la concurrence représentée par les dépositaires des produits de la marque, qui, installés sur le territoire du franchisé, bénéficient des formations et du savoir-faire du réseau, ou de dissimuler la faillite d'un précédent franchisé sur la même zone, l'importance du nombre de franchisés au sein du réseau ou l'important renouvellement des entreprises adhérentes, la charge des cotisations mensuelles ou l'interdiction de gestion frappant le franchiseur. Les évènements dissimulés ou omis doivent cependant avoir préexisté à la formation du contrat ou avoir été raisonnablement prévisibles.

Évolution de la jurisprudence sur le vice du consentement

Après avoir accueilli très favorablement les actions en nullité de franchisés, la jurisprudence semble aujourd'hui amorcer un retour vers une appréciation plus rigoureuse du vice du consentement en exigeant que le franchisé établisse positivement que l'omission des éléments allégués a été déterminante de son consentement ou que le franchiseur a, sciemment, omis une information essentielle ou fourni des données erronées. Aussi, un franchisé ne peut-il prétendre que l'état du marché local constituait un élément essentiel et déterminant à ses yeux alors que, ayant repris un établissement qu'il savait devoir redynamiser, il s'est abstenu de réaliser une étude de marché portant sur la commune en cause. Pareillement, le franchisé qui ne démontre pas avoir érigé l'ancienneté de la création du franchiseur ou sa solvabilité en conditions déterminantes de son engagement ne peut ultérieurement lui reprocher aucun dol à cet égard lors de la conclusion du contrat. Le défaut d'information délivrée au candidat à la franchise sur le transfert de ses charges effectué par le franchiseur vers une structure tierce n'est pas davantage source d'un vice du consentement lorsqu'il n'est pas démontré que cette pratique a eu une incidence sur les comptes du franchiseur ni qu'elle a pu dissimuler sa situation déficitaire ou altérer son image au point que le franchisé n'aurait pas contracté.

Expérience du candidat et appréciation du dol

En outre, pour établir l'existence d'un vice du consentement, le degré d'expérience du candidat constitue un facteur déterminant. Le candidat qui est à même d'apprécier la valeur des informations transmises compte tenu de son expérience passée ou de sa qualité de commerçant averti ne peut invoquer un dol.

Consommation et définition du dol

Le dol est parfois défini comme une “erreur provoquée”. Aux termes du nouvel article 1137 du Code civil, constitue un dol “le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges” ou de dissimuler “une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie” : le dol n'est en principe constitué que s'il émane du cocontractant, sauf s'il provient d'un complice ou du représentant légal du cocontractant.

Caractéristiques et implications du dol

Le dol implique l'existence d'artifices, de fraude, de mensonge ou de tromperie ; il peut aussi résulter d'un silence fautif (dol par réticence, dit également réticence dolosive). Il suppose que la faute intentionnelle commise par une partie ait provoqué chez son cocontractant une erreur l'ayant déterminé à contracter, mais à la différence de l'erreur visée à l'article 1133 du Code civil, l'erreur provoquée par le dol n'a pas à porter sur une qualité essentielle de la chose ou de la prestation pour justifier l'annulation du contrat : il suffit qu'elle ait été déterminante du consentement de la victime, c'est-à-dire que les manœuvres pratiquées par l'une des parties soient telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Le dol exige l'intention de tromper de l'auteur du dol. Il s'ensuit, selon la Cour de cassation, que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

Preuve et sanction du dol

Le dol, en tant qu'erreur provoquée, a longtemps suivi le même régime que l'erreur qui ne justifie la nullité du contrat de vente qu'à condition d'être excusable. Désormais, aux termes du ne nouvel article 1139 du Code civil, “l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable”.

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé par tous moyens, et notamment par présomptions du fait de l'homme ou témoignages. Entre vice du consentement et délit civil, il obéit à un régime de sanction spécifique : en vertu des articles 1130 et 1139 du Code civil, le dol, en tant qu'il affecte la formation du contrat, est sanctionné par la nullité de la convention ; sur le fondement de l'article 1240, la victime du dol déterminant peut également demander réparation de son préjudice du fait de l'attitude dolosive de son cocontractant (ou de son complice ou représentant), ces deux actions pouvant être exercées indépendamment l'une de l'autre. La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (nouvel art. 1144, reprenant l'art. 1304, al. 2), et non celui des actes dont il demande l'annulation. L'action en réparation du préjudice né du dol demeure recevable même si l'action en nullité est prescrite. L'effet rétroactif de la nullité oblige à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant de contracter.


Dol dans l'ouvrage "Droit français de la distribution" de Louis Vogel, Joseph Vogel

Il appartient au franchisé qui se prévaut d'un dol d'apporter la preuve de l'existence de manœuvres dolosives (Cass. com., 6 mai 2002, 99-15.685 ; 14 juin 2005, 04-13.948.), de leur caractère intentionnel (Rennes, 22 mars 2016, 14-02078.) et du vice du consentement (Versailles, 20 octobre 2006, 05-04972 : la preuve du vice du consentement incombe au franchisé, même si l'inexécution de l'obligation d'information est établie ; Paris, 27 avril 2000, 1997-26018. - V. égal. Cass. com., 14 juin 2005, 04-13.948.), c'est-à-dire du caractère déterminant de l'information omise (Paris, 28 mars 1991, 89-3591 ; 26 mars 1999, 1996-01960 : un contrat de franchise doit être annulé pour dol lorsque les candidats ont été trompés par des promesses exagérément optimistes, sans lesquelles ils n'auraient certainement pas contracté ; 4 décembre 2003, 2001-10382 : la fourniture de comptes prévisionnels comportant de graves erreurs, en l'absence desquelles le franchisé ne se serait pas engagé, entraîne la nullité du contrat ; Paris, 9 mai 2001, 1999-18019, 1999-18353 ; Nîmes, 6 octobre 2005, 04-00563 ; Caen, 4 mai 2005, 03-03597 : non-remise d'éléments importants pour l'appréciation économique de l'opération; Paris, 5 juillet 2006, 04-09624 : lacunes de l'information ne portant pas sur un élément essentiel dont la révélation aurait été susceptible d'empêcher le franchisé de s'engager ; Aix-en-Provence, 27 mars 2007, 05-12533 : l'attitude du franchiseur, qui trompe le candidat en lui dissimulant volontairement des informations susceptibles de modifier la décision de contracter, eu égard à la déconfiture du précédent franchisé, est équipollente au dol et justifie l'annulation du contrat de franchise ; Paris, 24 septembre 2008, 06-04420 ; Cass. com., 3 avril 2012, 11-14.001, qui exclut l'annulation du contrat lorsque les irrégularités dans l'information précontractuelle fournie ne présentent pas un caractère déterminant ; Versailles, 19 novembre 2020, 19/01483 ; 3 décembre 2020, 19/01184 .). Les documents transmis par le franchiseur, qui doivent être établis avec sérieux, au vu des données connues du marché local (Paris, 19 mai 1999, 98-06059.), ne doivent pas occulter les résultats déficitaires du fonds repris (Cass. com., 14 décembre 1999, 98-11.320 ; Versailles, 6 mars 1997, 4804-94.) ni dissimuler l'inexpérience du franchiseur (Versailles, 29 octobre 1992, 4978-91.). Constitue une réticence dolosive le fait de communiquer des informations partielles (Lyon, 28 mars 1997, 95-08760, 31 mars 2005, 03-04141 : absence de remise de la quasi-totalité des informations exigées par l'article L. 330-3 et l'article R. 330-1 du Code de commerce ; Toulouse, 13 septembre 2000, 1999-01431 ; Douai, 14 novembre 2019, 17-07137, LD décembre 2019, 7, obs. BONNET-DESPLAN.), imprécises (Paris, 26 janvier 2001, 1999-00610.) ou non actualisées (Aix-en-Provence, 4 mai 2006, 04-07007 ; Paris, 23 juin 2006, 04-15403 ; Colmar, 30 septembre 2015, 14-02315, AJCA 2016, 99, obs. SIMON ; Concurrences 1/2006, 116, obs. ERÉSÉO ; Paris, 22 mai 2019, 18-04239, LD juin 2019, 10, obs. CHAUDOUET ; LD juillet/août 2019, 3, obs. BORIES ; Concurrences 3/2019, 94, obs. FERRÉ ; Contrats Conc. Consom. 2020, Etude n° 1, nos 14, 32, 39 et 61, obs. GOUACHE et BÉHAR-TOUCHAIS. - Comp. Paris, 16 janvier 2019, 16-25655, soulignant que des données contenues dans le document d'information précontractuelle ne peuvent être qualifiées de dolosives du seul fait qu'elles datent de deux ans.) sur le réseau et ses perspectives de développement (Rennes, 24 janvier 1996, 9407651 approuvée par Cass. com., 24 mars 1998, 96-13.158 ; Caen, 3 novembre 2005, 04-03075 ; Aix-en-Provence, 13 décembre 2012, 11-19596 : défaut de communication de renseignements relatifs aux résultats et au fonctionnement du réseau, qui auraient été de nature à dissuader le candidat de contracter et de s'exposer à la déconvenue qu'il a connue ; Paris, 16 novembre 2016, 14-08533, LEDICO janvier 2017, 6, obs. ZAKHAROVA-RENAUD : franchiseur ayant dissimulé la liquidation récente d'un affilié ainsi que la présence dans le secteur concédé au franchisé de dépositaires disposant des mêmes avantages que les affiliés et donc susceptibles de lui livrer une active concurrence.), sur l'existence même du réseau (Poitiers, 11 mars 1997, 289 ; Paris, 17 mars 2010, 09-16250, sur l'absence de communication par le franchiseur des dates de signature des contrats conclus avec d'autres franchisés et la dissimulation de ses précédents échecs.), sur l'état et les perspectives du marché local (Lyon, 8 janvier 2004, 02-03257 ; Paris, 16 novembre 2016, 14-08533, LEDICO janvier 2017, 6, obs. ZAKHAROVA-RENAUD : présentation du marché local fondée sur des données anciennes et qui occulte la présence de quatre dépositaires de la marque.), sur la concurrence représentée par les dépositaires des produits de la marque, qui, installés sur son territoire, bénéficient des formations et du savoir-faire du réseau (Cass. com., 13 juin 2018, 17-10.618, LD juill./août 2018, 3, obs. BORIES ; RJDA 2018, n° 635.), ou de dissimuler la faillite d'un précédent franchisé sur la même zone (TGI Avignon, 9 décembre 2003, 01-01521 ; Cass. 1re civ., 3 novembre 2016, 15-24.886, LD décembre 2016, 6 et AJ Contrat, 2017, 85, obs. BORIES ; LEDICO, 1/2017, 5, obs. TOULOUSE ; JCP E, 2017, n° 1019, LE GAC-PECH ; Contrats Conc. Consom. 2017, n° 7, obs. MALAURIE-VIGNAL.), l'importance du nombre de franchisés au sein du réseau (Paris, 8 avril 2004, 2002-02506 ; 26 octobre 2006, 03-13531, D., 2007, 1917, obs. FERRIER : dissimulation du nombre de franchisés ayant quitté le réseau dans les douze derniers mois ; 22 mai 2008, 06-17959, Contrats Conc. Consom., 2008, nº 230, obs. MALAURIE-VIGNAL : informations incomplètes, erronées ou ambiguës, notamment en ce qui concerne le nombre des membres du réseau. - Comp. Dijon, 8 avril 2010, 09-00679, JCP E, 2010, 1412, obs. DISSAUX, retenant que l'absence d'information sur les sortants n'a pas vicié le consentement du franchisé qui n'établit pas qu'il s'agissait d'un élément déterminant pour lui et lorsque les entrants sont nettement supérieurs aux sortants.) ou l'important renouvellement des entreprises adhérentes (Colmar, 30 septembre 2015, 14-02315, AJCA 2016, 99, obs. SIMON ; Concurrences 1/2006, 116, obs. ERÉSÉO ; Paris, 17 janvier 2018, 15-17647, LEDICO mars 2018, 2, obs. ZAKHAROVA-RENAUD ; LD mars 2018, 2, obs. BORIES.), la charge des cotisations mensuelles (Paris, 13 juin 2007, 05-19581.), l'interdiction de gestion frappant le franchiseur (Paris, 3 décembre 1999, 1998-04072.) ou la forte dégradation de sa situation financière (Douai, 20 juin 2019, 17-06406, Contrats Conc. Consom. 2020, Etude n° 1, n° 13, obs. GOUACHE et BÉHAR-TOUCHAIS ; Montpellier, 10 décembre 2019, 17-02378.). Les événements dissimulés ou omis doivent cependant avoir préexisté à la formation du contrat (Aix-en-Provence, 28 septembre 2017, 15-03815 ; Paris, 9 janvier 2019, 16-21425, LEDICO février 2019, 2, obs. SIMON ; Contrats Conc. Consom. 2020, Etude n° 1, nos 15, 21, 25, 26 et 27 obs. GOUACHE et BÉHAR-TOUCHAIS.) ou avoir été raisonnablement prévisibles (Orléans, 26 octobre 2017, 16-03350 ; 6 décembre 2017, 13-15730.).

Après avoir accueilli très favorablement les actions en nullité de franchisés, la jurisprudence semble aujourd'hui amorcer un retour vers une appréciation plus rigoureuse du vice du consentement en exigeant que le franchisé établisse positivement que l'omission des éléments allégués a été déterminante de son consentement (V. not., rejetant la nullité d'un contrat lorsque le franchisé ne démontre pas que la dissimulation de la mesure de faillite personnelle et d'interdiction de gérer prononcée plusieurs années auparavant à l'encontre du franchiseur a été déterminante de son consentement, Cass. com., 5 janvier 2016, 14-11.624 ; Paris, 20 janvier 2016, 13-10459 ; 25 janvier 2017, 14-14356, RJ com. 2017, 334, obs. LELOUP. - V. égal. Paris, 19 avril 2017, 15-13790, AJ Contrat, 2017, 291, obs. LECOURT ; LEDICO juillet 2017, 6, obs. TOULOUSE, retenant que des erreurs minimes contenues dans le document d'information précontractuelle sur la présence d'un membre du réseau depuis lors disparu ou sur une activité qui ne représente que 10 % des ventes ne sont pas susceptibles d'avoir déterminé le consentement du candidat ; dans le même sens, Paris, 6 décembre 2017, 13-15730 ; Versailles, 19 novembre 2020, 19/01483 ; 3 décembre 2020, 19/01184 .) ou que le franchiseur a, sciemment, omis une information essentielle ou fourni des données erronées (Paris, 16 décembre 2015, 13-20186 , LD février 2016, 3, obs. MARTIN ; Paris, 20 janvier 2016, préc.). Aussi, un franchisé ne peut-il prétendre que l'état du marché local constituait un élément essentiel et déterminant à ses yeux alors que, ayant repris un établissement qu'il savait devoir redynamiser, il s'est abstenu de réaliser une étude de marché portant sur la commune en cause (Cass. com., 5 janvier 2016, 14-15.701, LD février 2016, 3 et Concurrences, 2/2016, 123, obs. MARTIN ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 65, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RJDA 2016, n° 366.). En outre, le franchiseur ne peut pas se voir reprocher une inexécution de son obligation de présenter le marché local avant que le franchisé n'ait lui-même choisi son emplacement (Paris, 13 février 2019, 16-20542, LD mars 2019, 11, obs. BONNET-DESPLAN ; Contrats Conc. Consom. 2020, Etude n° 1, n° 16, obs. GOUACHE et BÉHAR-TOUCHAIS.). Pareillement, le franchisé qui ne démontre pas avoir érigé l'ancienneté de la création du franchiseur ou sa solvabilité en conditions déterminantes de son engagement ne peut ultérieurement lui reprocher aucun dol à cet égard lors de la conclusion du contrat (Paris, 3 mai 2017, 12-23530.). Le défaut d'information délivrée au candidat à la franchise sur le transfert de ses charges effectué par le franchiseur vers une structure tierce n'est pas davantage source d'un vice du consentement lorqu'il n'est pas démontré que cette pratique a eu une incidence telle sur les comptes du franchiseur qu'elle a pu dissimuler sa situation déficitaire ou altérer son image au point que le franchisé n'aurait pas contracté (Versailles, 27 mars 2018, 17-02220.). Enfin, le candidat à la franchise ne peut se prétendre victime de dol lorsqu'il a activement participé à l'élaboration des documents dont il dénonce la pertinence (Bordeaux, 2 juillet 2018, 16-00666, LEDICO septembre 2018, 2, obs. SIMON.).

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Les décisions de justice associées à la notion de dol en droit de la distribution

Notion de dol en droit français de la consommation

Le dol est parfois défini comme une "erreur provoquée". Aux termes du nouvel article 1137 du Code civil, constitue un dol "le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges" ou de dissimuler "une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie" : le dol n'est en principe constitué que s'il émane du cocontractant, sauf s'il provient d'un complice ou du représentant légal du cocontractant.

Le dol implique l'existence d'artifices, de fraude, de mensonge ou de tromperie ; il peut aussi résulter d'un silence fautif (dol par réticence, dit également réticence dolosive). Il suppose que la faute intentionnelle commise par une partie ait provoqué chez son cocontractant une erreur l'ayant déterminé à contracter, mais à la différence de l'erreur visée à l'article 1133 du Code civil, l'erreur provoquée par le dol n'a pas à porter sur une qualité essentielle de la chose ou de la prestation pour justifier l'annulation du contrat : il suffit qu'elle ait été déterminante du consentement de la victime, c'est-à-dire que les manœuvres pratiquées par l'une des parties soient telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Le dol exige l'intention de tromper de l'auteur du dol. Il s'ensuit, selon la Cour de cassation, que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

Le dol, en tant qu'erreur provoquée, a longtemps suivi le même régime que l'erreur qui ne justifie la nullité du contrat de vente qu'à condition d'être excusable. Désormais, aux termes du ne nouvel article 1139 du Code civil, "l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable".

Le dol ne se présume pas et doit être prouvé par tous moyens, et notamment par présomptions du fait de l'homme ou témoignages. Entre vice du consentement et délit civil, il obéit à un régime de sanction spécifique : en vertu des articles 1130 et 1139 du Code civil, le dol, en tant qu'il affecte la formation du contrat, est sanctionné par la nullité de la convention ; sur le fondement de l'article 1240, la victime du dol déterminant peut également demander réparation de son préjudice du fait de l'attitude dolosive de son cocontractant (ou de son complice ou représentant), ces deux actions pouvant être exercées indépendamment l'une de l'autre. La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (nouvel art. 1144, reprenant l'art. 1304, al. 2), et non celui des actes dont il demande l'annulation. L'action en réparation du préjudice né du dol demeure recevable même si l'action en nullité est prescrite. L'effet rétroactif de la nullité oblige à remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant de contracter.


Les décisions de justice associées à la notion de dol en droit de la consommation

Notion de dol en contrats d'affaires

Parfois qualifié de délit civil, le dol est, telle une infraction pénale, constitué d'un élément matériel, les manoeuvres ou le mensonge, et d'un élément moral, l'intention de tromper. Au sein des vices du consentement, il se rapproche à la fois de l'erreur au sens où il constitue une "erreur provoquée" et de la violence dans la mesure où il s'agit d'un acte réprouvé par la morale. En application de l’article 1137 du Code civil, "le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges" ou de dissimuler “une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie” : le dol n'est en principe constitué que s'il émane du cocontractant, sauf s'il provient d'un complice ou du représentant légal du cocontractant. Il émane généralement du vendeur, mais peut être le fait de l'acheteur.

La forme la plus usuelle du dol est le mensonge. Le mensonge proféré oralement est tout autant constitutif d'un dol que celui commis par voie écrite. Le mensonge par omission, c’est-à-dire le dol par réticence ou la “réticence dolosive”, tombe également dans le champ d'application de l'article 1137 du Code civil. Un silence fautif étant difficile à caractériser, les juges se réfèrent parfois à l'obligation de contracter de bonne foi, considérant que l'exigence de loyauté qui s'impose lors de la conclusion du contrat s'applique d'autant plus sévèrement que l'auteur de la réticence dolosive est un professionnel. Mais, le fondement privilégié par les juges pour incriminer le dol par réticence constitue le manquement à l'obligation d'information du vendeur, professionnel comme profane. Toutefois, selon la Haute juridiction, le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel du manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

En tant qu'erreur provoquée, le dol a longtemps suivi le même régime que l'erreur qui ne justifie la nullité du contrat de vente qu'à condition d'être excusable. Celui qui négligeait d'effectuer les vérifications élémentaires ou qui méconnaissait son obligation de se renseigner ne pouvait légitimement invoquer le dol, les juges étant particulièrement intransigeants avec la victime professionnelle. Puis, la Haute juridiction a, en 2001, opéré un revirement : elle a estimé que l'obligation de se renseigner de l'acheteur professionnel n'excluait pas le dol par réticence, dont l'existence rend toujours excusable l'erreur provoquée. L'article 1139 du Code civil codifie cette jurisprudence lorsqu'il dispose que "l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable", semblant ainsi conférer à cette règle un caractère absolu.

En vertu des articles 1130 et 1139 du Code civil, le dol, en tant qu'il affecte la formation du contrat, est sanctionné par la nullité relative de la convention. À la différence de l'erreur, le dol ne nécessite pas que l'erreur qu'il provoque porte sur une qualité essentielle de la chose vendue pour entraîner l’annulation du contrat. D'un champ d'application plus large que l'erreur, il permet de sanctionner tout type d'erreur, y compris l'erreur sur les motifs ou sur la valeur, comme le prévoit l'article 1139 du Code civil, pourvu qu'elle ait été déterminante du consentement de la victime. Sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, la victime du dol peut indépendamment de l'action en nullité, ou bien cumulativement, demander réparation de son préjudice du fait de l'attitude dolosive de son cocontractant (ou de son complice ou représentant).


Les décisions de justice associées à la notion de dol en contrats d'affaires


Les contenus juridiques associés :

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Décisions de justice

Icône représentant une décision de justice

CA Caen, 1re ch. civ., 12 septembre 2023, n° 20/02965

Président : M. Guiguesson - Dol déterminant • Le vendeur, qui reproche au mandataire de l'acquéreur, en accord avec ce dernier, de lui avoir dissimulé que l'acquéreur était le compagnon de sa voisine et que cette acquisition n'était pas destinée à l'habitation mais à agrandir le commerce de cette dernière, afin d'éviter de faire monter le prix de vente qui n'aurait pas été le même s'il l'avait su, doit voir sa demande en annulation de la vente pour dol rejetée, dès lors qu'il ne démontre pas que l'identité physique de l'acquéreur constituait une condition déterminante de son consentement, entrée dans le champ contractuel.

Icône représentant une décision de justice

Cass. mixte, 9 juillet 2004, n° 02-16.302

Fiorio (Epoux) c. Olibo (Consorts) - Domaine • La partie de bonne foi au contrat de vente annulé pour dol, peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé. - Action en nullité • Le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente pour dol, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble par l'acheteur…

Icône représentant une décision de justice

Cass. 3e civ., 13 juillet 2023, n° 22-15.816

Défendeur : Gan investissement foncier, Belvédère valorisation immobilière - Intention de tromper • L'action de l'acquéreur, intentée sur le fondement du dol, doit être rejetée dès lors que la société venderesse, en lui présentant le bien vendu comme un logement de luxe, de grand standing et rénové haut de gamme, s'est bornée à en vanter les qualités dans une démarche commerciale, sans qu'il soit démontré qu'elle ait agi avec l'intention de le tromper et que l'acquéreur a été suffisamment informé par les pièces annexées à la promesse de vente, telles le diagnostic SRU…

Icône représentant une décision de justice

CA Metz, 4e ch., 21 novembre 2002, n° 00-01528

Feller c. Bouchareb - Dol • L'acquisition d'un véhicule auprès d'un vendeur professionnel, qui a volontairement dissimulé le véritable kilométrage, ouvre à l'acheteur la faculté d'exercer une action sur le fondement de la garantie des vices cachés, mais également sur le fondement du dol, qui lui permet d'échapper au délai de l'article 1648 du Code civil. - Action en nullité • L'acquisition d'un véhicule auprès d'un vendeur professionnel, qui a volontairement dissimulé le véritable kilométrage, ouvre à l'acheteur la faculté d'exercer une action sur le fondement de la garantie des vices cachés, mais…

Icône représentant une décision de justice

Cass. com., 28 juin 2005, n° 03-16.794

Président : M. Tricot - Intention de tromper • Le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

Icône représentant une décision de justice

Cass. 1re civ., 15 mai 2002, n° 99-21.521

Cardoso c. Guillot - Preuve • Le vendeur professionnel attrait par l'acheteur en nullité de la vente pour réticence dolosive, pour lui avoir dissimulé l'accident dont avait fait l'objet le véhicule acquis, doit apporter la preuve de l'exécution de l'obligation de renseignement dont il est tenu envers son client. - Le vendeur professionnel, tenu à l'égard de son client d'une obligation de renseignement, doit apporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

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Cass. 1re civ., 3 mai 2000, n° 98-11.381

Clin c. Boucher - Dol par réticence • La réticence dolosive de l'acheteur ne saurait justifier la nullité d'un contrat de vente, aucune obligation d'information ne pesant sur lui quant à la valeur réelle des biens achetés.

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Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-19.640

PH7 (SARL) c. Loyalty développement (SARL), Loyalty expert (SAS), G concept (SARL) - Dol par réticence • La dissimulation par le cédant aux cessionnaires de pourparlers avec un tiers en vue d'un éventuel rapprochement avec une autre société, au moment de la négociation de la cession d'actions constitue une réticence dolosive déterminante du consentement de ces derniers, dans la mesure où la position unique de la société cédée, son potentiel de développement et sa forte croissance ne pouvaient que se trouver affectés par le rapprochement envisagé, ces trois circonstances étant primordiales pour la décision d'achat et la fixation du prix en fonction des perspectives de profit attendu au regard des critères reconnus comme pertinents par les parties.

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Cass. com., 7 janvier 1997, n° 93-17.326

Le Bras c. Coum, Conseils immobiliers Atlantique (SARL) - Dol par réticence • L'acheteur qui, connaissant l'existence d'un projet de modification du réseau routier, n'était pas au courant de l'imminence de sa réalisation, est fondé à demander la réfaction du prix de la vente pour réticence dolosive du vendeur qui, lui ne l'ignorait pas, pour avoir déjà vendu plusieurs parcelles nécessaires aux travaux. - Domaine • Outre la réfaction du prix de vente, l'acheteur victime d'un dol, peut être fondé à recevoir des dommages et intérêts complémentaires, dont le mode de calcul et le montant relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond.

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Cass. com., 23 septembre 2014, n° 12-19.541

Président : Mme Riffault-Silk - Imputabilité • Le dol qui émane de la société qui a démarché l'acheteur et lui a fait signer des bons de commande en vue de la location, auprès d'une autre société, de matériels informatiques, dont elle est le fournisseur et assure la maintenance, ne peut être assimilé au dol d'un tiers.

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Législation / Articles de loi

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Article L213-1 du Code rural et de la pêche maritime

L'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol.

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Article 353-2 du Code civil

La tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption n'est recevable qu'en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants ou au conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin de l'adoptant. Constitue un dol au sens du premier alinéa la dissimulation au tribunal du maintien des…

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Article L 213-1 du Code rural et de la pêche maritime

L'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol.

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Article 381-2 du Code civil

…la personne, à l'établissement ou au service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou à qui ce dernier a été confié. La tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol, de fraude ou d'erreur sur l'identité de l'enfant.

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Article 1137 du Code civil

Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

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Article Annexe II art A243-1 du Code des assurances

La garantie du contrat ne s'applique pas aux dommages résultant exclusivement :a) Du fait intentionnel ou du dol du souscripteur ou de l'assuré ; b) Des effets de l'usure normale, du défaut d'entretien ou de l'usage anormal ; c) De la cause étrangère.

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Rapport de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 1 janvier 2017

Rapport annuel d'activité 2017 - Il n'y a pas lieu de distinguer les demandes fondées sur la base du dol de celle de la faute entrant dans le champ de l'article L. 442-6 C. com., dès lors que ces demandes sont liées à un même fait. Décision antérieure : T. com. Marseille, 17 avril 2014 (appel irrecevable)

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Article 402 du Code civil

Les délibérations du conseil de famille sont nulles lorsqu'elles ont été surprises par dol ou fraude ou que des formalités substantielles ont été omises. La nullité est couverte par une nouvelle délibération valant confirmation selon l'article 1182. L'action en nullité peut être exercée par le tuteur, le subrogé tuteur, les autres membres du conseil de famille et le procureur de la République dans les deux années de la délibération ainsi que par le mineur devenu majeur ou émancipé dans les deux années de sa majorité ou de son émancipation. La prescription ne court pas s'il y a eu dol ou fraude tant que le fait qui en est à l'origine n'est pas découvert.

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