La Commission prend ainsi le rôle de gendarme du numérique au sein de l’Union. Shein devient la 23ème plateforme en ligne à devoir rendre des comptes à la Commission.
La notion de très grandes plateformes en ligne
Entré en vigueur le 17 février dernier, le Règlement sur les services numériques, plus connu sous le nom de Digital Services Act (DSA), a pour objectif de sécuriser l’espace numérique en régulant l’activité des plateformes en lignes. Il vise à mieux protéger les utilisateurs européens et leurs droits fondamentaux, à aider les petites entreprises de l'Union à se développer ou encore à renforcer le contrôle démocratique et la surveillance des très grandes plateformes et atténuer leurs risques systémiques.
Néanmoins, toutes les plateformes ne sont pas étudiées de la même façon. En effet, ces dernières sont classées par seuil, relativement à leur nombre d’utilisateurs et à leur chiffre d’affaires. De la sorte, la Commission établit celles qui peuvent avoir une incidence sur les tendances de consommation des européens et présentent des « risques systémiques » pour la société.
Dès lors, sont considérées comme « très grandes plateformes en ligne », plus régulièrement désignées sous l’acronyme VLOP (very large online platforms), en raison du volume de trafic mensuel qu’elles reçoivent, les plateformes qui cumulent plus de 45 millions d’utilisateurs mensuel.
Toutefois, cette limite reste floue et sujette à interprétation. L’année dernière, d’autres détaillants, tels que Zalando et Amazon, ont contesté leur désignation en tant que très grande plateforme au titre du DSA.
Le tribunal de l’Union européenne avait donc suspendu en septembre dernier, la qualification d’Amazon Store comme “très grande plateforme”. Cette dernière soutenait qu’elle ne remplissait pas les conditions requises pour être qualifiée comme telle, arguant que son modèle de revenus était principalement axé sur la vente au détail et qu’elle n’était pas le plus grand détaillant, et ce dans aucun des États membres.
Le 27 mars 2024, la CJUE a annulé cette suspension, constatant que la Commission n'avait pas eu l'occasion de répondre aux arguments d'Amazon de manière contradictoire devant le Tribunal.
Shein, 23ème VLOP désignée par la Commission
Shein, célèbre enseigne chinoise de fast fashion ayant son siège social à Singapour, vient compléter la première liste de VLOP publiée en avril 2023 par la Commission, devenant ainsi la 23ème plateforme à y figurer du fait de ses 108 millions d’utilisateurs en Europe. L’application vend ses vêtements exclusivement en ligne, auprès d’une clientèle jeune et est notamment très présente sur les réseaux sociaux.
Fondé en 2012 et revendiquant un chiffre d’affaires global de 22.7 milliards de dollars, ce géant du prêt-à-porter bon marché est désormais soumis à un contrôle renforcé, au même titre que Google (Search, Play, Maps, Shopping), Facebook et Instagram, TikTok, Apple, X (ex-Twitter) ou encore AliExpress.
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Les conséquences pour Shein
« À la suite de la désignation de ce jour en tant que VLOP, Shein devra se conformer aux règles les plus strictes prévues par le règlement sur les services numériques dans un délai de quatre mois à compter de sa notification, soit d’ici la fin août 2024 »
a précisé la Commission européenne dans son communiqué du 26 avril 2024.
Les mesures que devra prendre la société sont diverses et comprennent :
- une évaluation minutieuse des risques associés à sa plateforme,
- des processus de modération améliorés et
- une structuration de ses services pour protéger la sécurité des consommateurs.
La société devra également fournir des rapports réguliers à la Commission européenne et se soumettre à des audits externes.
Afin de protéger les consommateurs, Shein devra :
« structurer sa plateforme, y compris les interfaces utilisateur, les algorithmes de recommandation et les conditions d’utilisation ».
Ce dont a pu faire les frais une autre plateforme chinoise, Tiktok, ayant conduit cette dernière à la suppression de l’option « Tiktok Lite », qui récompensait les utilisateurs en fonction du temps passé sur l’application.
La Commission européenne insiste également sur « la prévention de la vente et de la distribution de produits susceptibles de nuire aux mineurs », en intégrant de « solides assurance de l’âge » de l’utilisateur.
Les sanctions prévues en cas de non-respect par Shein de son nouveau statut
Le non-respect de ces règles pourrait entraîner des sanctions sévères pour Shein, notamment des amendes pouvant atteindre jusqu'à 6% de son chiffre d'affaires annuel mondial, voire une interdiction d'opérer en Europe en cas de récidive.
La Commission est donc désormais compétente pour contrôler le respect par Shein de la législation sur les services numériques, en coopération avec le coordinateur irlandais pour les services numériques.
En réponse à cette nouvelle désignation, Leonard Lin, responsable des affaires publiques de Shein, a indiqué :
« Nous partageons l’ambition de la Commission de faire en sorte que les consommateurs de l’UE puissent faire leurs achats en ligne en toute sérénité, et nous nous engageons à jouer notre rôle ».
Prochainement, une nouvelle application chinoise de e-commerce, Temu, pourrait s’ajouter à la liste des très grandes plateformes en ligne, après avoir annoncé en avril qu’elle comptait environ 75 millions d’utilisateurs mensuels dans l’Union européenne.