Abus de domination - Jurisprudence et législation

Abus de domination en droit français de la concurrence, de l'ouvrage "Droit français de la concurrence" de Louis Vogel

L'abus de domination recouvre trois incriminations très différentes : l'abus de position dominante (art. L. 420-2, al. 1, C. com.), l'abus de dépendance économique (art. L. 420-2, al. 2, C. com.) et la pratique de prix abusivement bas (art. L. 420-5 C. com.). La position dominante s'apprécie par référence à un marché ; l'état de dépendance économique, dans les relations interentreprises. Les textes prévoient, comme en matière d'ententes, qu'une exemption peut être accordée (art. L. 420-4 ; Comp. art. 102 TFUE, qui ne comporte aucune possibilité d'exemption en cas d'abus de position dominante), mais celle-ci n'est pratiquement jamais octroyée. Enfin, la pratique de prix abusivement bas, qui ne peut être exemptée, ne requiert ni position dominante, ni situation de dépendance économique, mais seulement la démonstration de la détention par son auteur d'un pouvoir de marché suffisant pour éliminer une autre entreprise ou l'empêcher d'accéder au marché.


Abus de position dominante individuelle ou collective

L'article L. 420-2, alinéa 1, du Code de commerce prohibe “dans les conditions prévues à l'article L. 420-1 [sur les ententes] l'exploitation abusive [...] d'une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci”. La position dominante peut être individuelle ou collective puisque le texte précise qu'elle est détenue “par une entreprise ou un groupe d'entreprises”. Enfin, l'article L. 420-2, alinéa 1, in fine, donne une liste non exhaustive d'abus en incriminant le refus de vente, les ventes liées ou les conditions de vente discriminatoires, ainsi que les accords de gamme.

La détention d'une position dominante n'est pas abusive en soi (Décision Aut. conc. n° 19-D-07 du 25 avril 2019, 19-D-07, rappelant que selon une pratique décisionnelle et une jurisprudence nationales constantes, il est possible d'écarter l'existence d'un abus de position dominante, sans qu'il y ait lieu de développer l'analyse relative à la délimitation du marché pertinent et à la position détenue par l'entreprise concernée dès lors que ses comportements ne sont pas susceptibles d'être considérés comme abusifs.). Une offre globale peut même être proconcurrentielle si elle conduit à la réalisation d'économies d'échelle ou à une optimisation de la production. Selon les autorités de concurrence, qui se réfèrent aux lignes directrices de la Commission relatives aux abus d'exclusion, certaines offres globales comportent des effets d'exclusion et doivent être considérées anticoncurrentielles (Décision Cons. conc. n° 09-D-10 du 27 février 2009, 09-D-10, Concurrences, 2/2009, 125 et 126, obs. WACHSMANN ; RLC 2009/19, n° 1349, obs. DESTOURS ; Concurrences, 2/2009, 215, obs. KOVAR.). La Commission recommande, pour déterminer l'existence d'un abus de position dominante, de rechercher d'abord les effets d'exclusion des pratiques en cause, au moyen de preuves directes de stratégie d'exclusion ou de facteurs liés intimement à la domination (Position de l'entreprise soupçonnée de domination, de ses concurrents, de ses clients ou fournisseurs, existence de barrières à l'entrée, impact de l'abus ou indices de performances.), atténuant par là même la ligne de démarcation entre position dominante et abus, et de vérifier, ensuite, si le comportement peut être justifié. L'abus est établi lorsque le comportement ne peut qu'élever des obstacles à la concurrence et ne peut être objectivement justifié ou ne produit pas de gains d'efficacité.

➡️ En lire plus dans l'ouvrage "Droit français de la concurrence"


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Décisions de justice

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CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 6 juillet 2023, n° 23/06177

Autorité Polynésienne de la Concurrence, Le commisaire du gouvernement - Prix inéquitable - Même s'il existe plusieurs méthodes pour déterminer si un prix est excessif, cette qualification peut résulter du constat que le prix considéré est sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie, au regard non seulement des coûts encourus pour proposer cette prestation, mais aussi de l'avantage qu'en retire son bénéficiaire. Si le service de couverture voix et sms dans les archipels éloignés, proposé par la prestation d'itinérance, présente une valeur économique indéniable pour l'entreprise dominante, en la…

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CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 16 février 2023, n° 20/14632

Roche (SAS), Roche Holding AG SA (Sté), Genentech Inc (Sté), Novartis Pharma (SAS), Novartis Groupe France (SA), Novartis AG (Sté) c. Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie - Caractéristiques techniques/Fonctions - Le fait que les médecins continuent d'utiliser et de prescrire, de manière non marginale, un médicament utilisé hors autorisation de mise sur le marché, pour le traitement d'une maladie, alors qu'un autre médicament a obtenu une autorisation, permet de conclure que ces deux produits doivent être regardés comme concrètement substituables entre eux sur le marché. Dans le secteur des médicaments, la substituabilité d'un produit ne dépend pas fondamentalement de son identité physique ou chimique mais de sa substituabilité fonctionnelle du…

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Cass. com., 1 juin 2022, n° 19-20.999

Janssen-Cilag (SAS), Johnson & Johnson (Sté) c. Présidente de l'Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'Economie, Procureur général près la cour d'appel de Paris - Manoeuvres dilatoires - Même si une entreprise en position dominante a droit au respect de sa liberté d'expression et doit pouvoir proposer à une autorité publique une analyse juridique dans un contexte où l'interprétation des textes légaux et réglementaires est encore incertaine, ne relève pas de l'usage légitime de cette liberté, l'intervention, par une entreprise en position dominante, dans le processus décisionnel d'une autorité publique, qui consiste à soulever, devant celle-ci, une analyse juridique dont la fausseté ressort de l'état du droit, lorsque…

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ADLC, 4 mai 2023, n° 23-MC-01

Position du leader > 50 % - La détention, par une entreprise, entre 2019 et 2022, d'une part de marché supérieure à 60–70 % du marché de la publicité en ligne sur les médias sociaux et d'une part de marché supérieure à 40–50 % du marché plus large de la publicité en ligne non liée aux recherches tandis que celle de son principal concurrent n'en représente respectivement que 20–30 % et 10–20 %, constitue un indice fort d'une position dominante, d'autant plus que ces marchés sont caractérisés par des barrières à…

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CE, 5e et 6e ch. réunies, 14 avril 2023, n° 436439

Position dominante automatique - Les dispositions de l’article 137 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises qui confient à la Française des jeux le monopole de l’exploitation des jeux de loterie commercialisés en réseau physique de distribution et en ligne ainsi que des jeux de pronostics sportifs commercialisés en réseau physique de distribution ne mettent pas, par elles-mêmes, cette entreprise en situation d’abuser de manière automatique de sa position dominante en exploitant indûment sur les…

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CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 27 mars 1997, n° 5279-95

Coopérative d'approvisionnement GALEC (SA) c. Bouliac Distribution (SA) - Objet ou effet anticoncurrentiel - L'abus de dépendance économique n'est prohibé que si la pratique dénoncée a un objet ou un effet anticoncurrentiel. - Droit des ententes - La clause pénale qui prévoit le paiement d'une indemnité en cas de départ anticipé d'une coopérative de distributeurs réunis sous la même enseigne constitue un système de fidélisation des adhérents favorable au jeu de la concurrence. - Abus de dépendance économique - La dépendance d'un membre envers un centrale de référencement n'est pas établie lorsqu'il a été exclu de celle-ci pour avoir adhéré à une autre structure.

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COMMISSION DE LA CONCURRENCE, 14 mars 1985

Conditions commerciales discriminatoires - Les pratiques consistant pour une centrale ou une supercentrale en position dominante à subordonner le référencement d'une entreprise ou d'un produit, voire de toute négociation, à l'octroi par le fournisseur d'un versement sans contrepartie, à exiger un dédommagement rétroactif en cas de non-application de la règle “du groupe le plus favorisé”, à revendiquer rétroactivement des avantages supplémentaires en fonction des nouvelles adhésions enregistrées en cours d'exercice ainsi qu'à solliciter des fournitures gratuites, peuvent constituer des abus.

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ADLC, 9 septembre 2014, n° 14-MC-02

Clause de résiliation - La mise en œuvre de clauses contractuelles, notamment de résiliation, peu claires, qui ne donnent pas aux consommateurs - dèjà peu intéressés par des offres de marché qui leur paraissent moins sûres que celle de l'opérateur historique - la liberté de changer de fournisseur à tout moment, est susceptible de constituer un abus de position dominante. - Ventes ou prestations de services liés - L'incitation commerciale qui permet au consommateur souscrivant à l'offre de gaz au tarif réglementé de vente (TRV) et l'offre d'électricité, commercialisées sous la forme d'une offre…

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ADLC, 4 septembre 2014, n° 14-D-09

Ventes ou prestations de services liés - L'opérateur dominant qui effectue sur ses appareils des modifications techniques (transfert du joint d'étanchéité des machines aux capsules, ajout de nervures, de crochets et de rainures dans la cage d'extraction, modification du paramétrage du débitmètre, changement du système de perforation des capsules) non objectivement justifiées, afin d'organiser une incompatibilité avec les capsules des fabricants concurrents, met en œuvre une pratique susceptible d'être qualifiée d'abus de position dominante. L'entreprise qui fait apposer sur ses machines, leur emballage, mode d'emploi et garantie…

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ADLC, 19 décembre 2019, n° 19-D-26

Imposition de conditions de transaction inéquitables - La notion d'inéquité ne doit pas être confondue pas avec celle de discrimination en ce sens que lorsqu'une entreprise dominante édicte des règles discriminatoires, ces règles ne portent préjudice qu'à un nombre limité de ses clients - ceux qui sont discriminés - tandis que lorsqu'elle définit des conditions de transaction inéquitables, celles-ci ont des effets plus larges, puisqu'elles sont susceptibles de s'appliquer à l'ensemble de ses clients. La définition et l'application de conditions de transaction inéquitables sont susceptibles de porter atteinte au…

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Législation / Articles de loi

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Rapport de l'Autorité de la concurrence du 1 janvier 2013

... cible est susceptible de constituer un comportement abusif, même si le marché cible est concurrentiel. En effet, la jurisprudence admet l'application des dispositions interne et communautaire prohibant les abus de domination à un acte commis par une entreprise en position dominante sur un marché distinct du marché dominé lorsque des "circonstances particulières" démontrent l'existence d' ...

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Avis n° 10-04 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 18 février 2010

... un refus de vente peut toutefois tomber sous le coup de la loi - s'il procède d'une entente anticoncurrentielle ou est l'expression d'un abus de domination (art. 101 s du traité sur le fonctionnement de l'union européenne; art L. 420-1 s. du Code de commerce) ; - s'il constitue la ...

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Rapport de l'Autorité de la concurrence du 1 janvier 2010

... de position dominante, il ne pouvait alors invoquer les mêmes faits, tantôt au titre d'un accord ou d'une entente anticoncurrentiels, tantôt au titre de l'abus de domination collective qui supposait la démonstration d'une indépendance des comportements des intéressés leur permettant de s'abstraire de la concurrence : comme la Cour de cassation ...

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Avis n° 09-06 de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 20 mai 2009

... propres. Toutefois ce traitement ne doit pas : - constituer un acte de concurrence déloyale, - créer un déséquilibre significatif dans la relation contractuelle fournisseur/distributeur, - résulter d'une entente, - constituer un abus de domination. CEPC 09041502 - Coopération commerciale/Acompte. Est-ce légal : le client exige une mensualisation du règlement des coopérations commerciales. Ainsi, celles qui n'arriveront qu'en ...

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Rapport de la Commission d'examen des pratiques commerciales du 1 janvier 2009

... entre le fournisseur et les distributeurs en ce que la consigne de prix serait acceptée ou même simplement appliquée par les distributeurs (C. com., art. L. 420-1), soit comme abus de domination de la part du fournisseur (C. com., art. L. 420-2). + La faible application de ces diverses dispositions peut inspirer deux conclusions. Une conclusion optimiste sur la ...

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Avis n° 08-A-13 du Conseil de la concurrence du 10 juillet 2008

... plus la zone de chalandise est restreinte à un périmètre étroit, moins la probabilité est forte que des cinémas privés, dominés, appartiennent à cette zone. Ainsi, la situation d'abus de domination ne devrait se rencontrer que rarement. 51. En revanche, même si l'opérateur en cause n'est pas dominant, l'article L. 420-5 ...

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Rapport du Conseil de la concurrence du 1 janvier 2008

Dans l'arrêt SFR du 2 avril 2008 (118), la cour, statuant après cassation, a confirmé la décision de sanction prise à l'encontre de France Télécom et Cegetel (devenu SFR) à la suite d'une saisine de l'association Tenor (devenue Etna) regroupant des opérateurs de télécommunications. Les deux opérateurs, verticalement intégrés sur les marchés ...

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Rapport du Conseil de la concurrence du 1 janvier 2007

Dans la décision 07-D-16, le dommage à l'économie résultait également de ce que la pratique de diffusion d'un barème de séchage du maïs auprès des collecteurs portait sur un marché de la collecte de céréales, au sein duquel il était déjà difficile de se différencier par les prix offerts aux producteurs. Les abus dénoncés ...

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