Droit européen de la concurrence
Application de la règle de raison pour les entreprises dominantes
Les autorités de contrôle estiment que lorsqu'une entreprise dominante utilise des “procédés normaux de concurrence”, ses activités ne sont pas répréhensibles.
Critère de proportionnalité et protection des intérêts commerciaux
Pour apprécier l'anormalité du comportement de l'entreprise, le juge européen applique, selon une règle de raison, un contrôle de proportionnalité : l'action de l'entreprise dominante est considérée comme “anormale” dès lors qu'elle dépasse ce qui est nécessaire à la protection de ses intérêts légitimes. En effet, la position dominante ne prive pas l'entreprise du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux lorsque ceux-ci sont menacés, à condition que cette protection soit fondée sur des critères d'efficacité économique et présente un intérêt pour les consommateurs.
Nécessité objective et avantages en termes d'efficacité
L'entreprise en position dominante doit démontrer que son comportement est objectivement nécessaire ou que l'effet d'éviction qu'il entraîne peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d'efficacité qui profitent également aux consommateurs.
Abus de pratiques légitimes et impact anticoncurrentiel
Mais des stratégies légitimes en elles-mêmes peuvent devenir abusives lorsqu'elles sont poursuivies conjointement à des pratiques dépassant la sauvegarde des intérêts commerciaux, le fait qu'elles constituent la pratique généralement suivie dans un secteur déterminé étant indifférent. Il est également tenu compte de l'importance de l'effet anticoncurrentiel. Lorsqu'une partie substantielle de la demande demeure satisfaite ou qu'il existe des solutions alternatives pour le consommateur, l'abus n'est pas constitué. Au contraire, le verrouillage partiel du marché ne peut être justifié par le caractère suffisant de la partie restant à conquérir pour un nombre limité de concurrents.
Relation entre pouvoir de domination et liberté d'action
L'utilisation d'une “règle de raison” aboutit, finalement, à réduire la liberté d'action de l'entreprise dominante proportionnellement à l'importance de son pouvoir de domination. Plus le pouvoir de l'entreprise dominante est important relativement au marché sur lequel elle se situe, plus son autonomie de comportement est réduite.
Communication de la Commission sur les abus d'exclusion
La Commission a tenté de rationaliser son appréciation en adoptant une communication destinée à servir de document d'orientation lors de l'application de l'article 102 TFUE aux abus d'exclusion. L'entreprise dominante peut justifier son comportement en prouvant qu'il est objectivement nécessaire ou qu'il entraîne des gains d'efficacité de nature à compenser ses effets restrictifs.
Conditions pour justifier le comportement d'une entreprise dominante
Pour démontrer la réalité des gains d'efficience, l'entreprise dominante devra établir avec une probabilité raisonnable et sur la base de preuves vérifiables que quatre conditions cumulatives sont remplies : (i) les gains d'efficience résultent du comportement en cause ; (ii) il n'existe aucun moyen alternatif moins restrictif pour les réaliser ; (iii) les gains d'efficience compensent les atteintes à la concurrence et au bien-être du consommateur sur les marchés concernés ; (iv) le comportement n'élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle.