Un rapport visant à améliorer la compétitivité de l’Union européenne
Mario Draghi a été une personnalité importante de la construction européenne, notamment au plan économique, connu pour son fameux “whatever it takes” prononcé lors de la crise de la zone euro afin de mettre en œuvre des mesures visant à sauver cette même zone.
C’est probablement pour cette raison que, lors de son discours sur l’état de l’Union en automne 2023, Ursula von der Leyen a chargé Mario Draghi de la rédaction de ce rapport.
En parallèle, le président de l’Institut Jacques Delors et homme d’Etat italien, Enrico Letta, a publié, en avril 2024, une analyse de la situation actuelle de l’UE commandée par le Conseil européen.
Destiné à orienter les travaux de la nouvelle Commission européenne pour les cinq années à venir, le rapport Draghi commence par dresser un constat des défis auxquels sont confrontés l’industrie et les entreprises dans le marché unique.
Les défis rencontrés par l’Union
Le rapport Draghi vise de manière générale à renforcer la position de l’UE, en promouvant la coopération entre les Etats-membres et encourageant le développement de la politique industrielle, tout en respectant les impératifs environnementaux et suivant une politique économique libérale.
Méthodologiquement, le rapport commence par faire un constat du contexte actuel de l’UE et apporte ensuite des préconisations pour investir et faire évoluer la situation économique de l’Union.
Ce travail met notamment en lumière trois piliers incarnant les défis actuels de l’UE :
- L’innovation face à la Chine et les Etats-Unis ;
- La décarbonisation en réformant le secteur des énergies ;
- Le renfort de la défense et la réduction des dépendances.
Plus concrètement, l’UE devrait investir près de 800 milliards d’euros supplémentaires par an pour atteindre ses objectifs, selon un système faisant écho au Plan de relance mis en place pour sortir de la crise sanitaire en 2020.
Vers une réforme du droit de la concurrence ?
Le rapport vise de nombreux secteurs et domaines et notamment celui de la concurrence. Parmi les mesures proposées par le rapport figure une refonte de la concurrence, axée autour de dix propositions.
Le rapport suggère de mettre en place de nouveaux objectifs, pour s’adapter à l’évolution de l’environnement du droit de la concurrence, notamment en :
- Intégrant l’innovation comme défense des entreprises ;
- Incluant les critères de sécurité et de résilience dans les évaluations de la DG Competition ;
- Promouvant l’utilisation du libre accès et de l’interopérabilité.
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Le rapport Draghi invite les services de la DG COMP à une mise en œuvre « ferme » du droit des aides d’Etat, prenant en compte la future politique industrielle européenne qu’il appelle de ses vœux.
Il pointe aussi du doigt des faiblesses européennes dans le secteur de la finance en indiquant que :
« La capacité des banques de l'UE à financer des investissements majeurs est limitée par une rentabilité moindre, des coûts plus élevés et une taille plus petite que celle de leurs homologues américaines [...] Moins les banques sont rentables, moins elles sont susceptibles de prêter des fonds pour financer les grands projets »
Il serait également question de renforcer les outils déjà existants à disposition de la Commission (aides d’Etats, DMA etc.), tout en en développant des nouveaux tels que la surveillance ex post plutôt qu’ex-ante ou d’ntroduire un « Nouvel outil de concurrence » (« New Competition Tool » – NCT).
Un rapport suscitant des réactions diverses
Le rapport présente plus de 170 propositions ce qui en fait un document très fourni. L’un des inconvénients d’un tel document est la possibilité de permettre à ses destinataires, notamment la Commission, de sélectionner à sa guise les sujets à traiter.
Par ailleurs, si le travail de constat de la situation de l’UE est salué, les préconisations en réponse sont perçues par certains comme décevantes. L’économiste Reinhilde Veugelers indique, par exemple, que :
« l’analyse est vraiment bonne, mais les recommandations restent trop incrémentielles ».
Les réactions des Etats-membres à la publication dudit rapport sont également mitigées, puisque face à l’investissement sur fonds publics, les pays du Sud sont historiquement favorables à l’emprunt commun - comme l’est d’ ailleurs la France - tandis que des Etats-membres comme les Pays-Bas ou l’Allemagne y sont réfractaires, voire opposés, selon l’économiste Bruno Colmant.
Enfin, du point de vue environnemental, l’accent semble être mis sur la compétitivité plus que sur le développement durable. En effet, selon Mario Draghi, l’environnement ne devrait pas être un frein à la compétitivité de l’UE. Pour cette raison, il met en garde sur l’importance d’intégrer le processus de décarbonisation d’une manière cohérente. Le rapport énonce :
« Si les objectifs climatiques ambitieux de l’Europe s’accompagnent d’un plan cohérent pour les atteindre, la décarbonation sera une solution pour l’Europe. Mais si nous ne parvenons pas à coordonner nos politiques, il existe un risque que la décarbonation aille à l’encontre à la compétitivité et à la croissance."
Il convient désormais de suivre comment et de quelle façon la Commission intégrera ce programme dans ses travaux de préparation en vue d’un plan pour la compétitivité de l’UE.