Une augmentation critiquée des frais de paiement
En juin 2024, quatre fédérations de commerçants européens, dont l’association Eurocommerce, active dans le secteur de la grande distribution, avaient fait parvenir une lettre à la direction générale de la stabilité financière et à la direction générale de la concurrence, dans le but de de dénoncer les pratiques de hausse des frais de paiement qu’ils estimaient subir de la part des sociétés Visa et MasterCard ces dernières années.
Réceptive à cette plainte, la Commission européenne a donc décidé d’ouvrir une enquête à l’encontre des deux géants des réseaux de carte bleue, sur le fondement des articles 17 et 18 du règlement n°1/2003. Les associations critiquaient particulièrement l’opacité de la composition des frais de paiement ainsi que leur augmentation continue.
Ces frais de paiement sont payés par le commerçant à sa banque et se composent de trois éléments :
- L’interchange, des frais dus par la banque de ce commerçant, dite « banque acquéreuse » à la banque du titulaire de la carte, dite « banque émettrice »,
- La commission de la banque acquéreuse,
- Les frais de réseaux de carte (Visa ou MasterCard en l’espèce).
Contrairement à l’interchange, les frais de réseaux ne sont pas légalement plafonnés et ont fait l’objet de nombreuses augmentations depuis déjà quelques années par Visa et Mastercard.
Afin d’obtenir des renseignements sur les pratiques mises en œuvre dans ce secteur, la Commission a donc fait parvenir des questionnaires aux prestataires de services de paiement concernés ainsi qu’à des enseignes qui ont participé à la plainte adressée aux autorités européennes.
Risque d’abus de position dominante
Sur quoi portaient exactement ces questionnaires ? Les demandes d’informations envoyées aux enseignes plaignantes ainsi qu’à Visa et Master Card portaient tout particulièrement sur le processus de consultation des détaillants par les prestataires de services de paiement lors de la modification des frais de paiement par ces deux entreprises. La Commission a également interrogé les détaillants sur les effets négatifs que pourraient avoir ces pratiques d’introduction de nouveaux frais à leur égard.
Les autorités européennes s’inquiètent en effet des pratiques mises en œuvre par Visa et MasterCard, qui dominent actuellement le marché des réseaux de cartes bancaires. La Commission européenne redoute plus précisément l’existence de comportements anticoncurrentiels sur ce marché, notamment des abus de position dominante.
Visa a déclaré avoir reçu cette demande d’information à la fin du mois d’août et s’est engagée à fournir les informations nécessaires aux autorités européennes. MasterCard a, pour sa part, affirmé que la Commission souhaitait bénéficier d’une vue d’ensemble des activités sur le marché des services de paiement.
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Des entreprises déjà visées par des sanctions
Ce n’est pas la première fois que les sociétés Visa et Mastercard sont critiquées en raison de leurs pratiques de frais de paiement.
MasterCard a notamment été condamnée pour entente en 2014 par la CJUE (C-382/12), en raison de son système de commissions multilatérales d’interchange (CMI), à savoir les commissions dues entre les banques d’émission et les banques d’acquisition. Selon la Commission, la hausse de ces CMI était préjudiciable aux commerçants, en ce qu’elle gonflait la base des frais que leur facturaient les banques d’acquisition (§11 de la décision).
Dans cette affaire, MasterCard avait essayé de faire valoir que ce système était nécessaire au fonctionnement de son réseau. La CJUE n’avait cependant pas retenu son argument (§85 et §94) et avait confirmé les décisions du Tribunal et de la Commission relatives à la condamnation pour entente de MasterCard, qui avait été qualifiée en l’espèce d’association d’entreprises.
En 2019, dans le cadre d’une procédure ouverte au titre de l’article 101 TFUE, la Commission européenne avait accepté les engagements pris par Visa de réduire de 40% le montant des CMI pratiquées pour des paiements effectués dans l’EEE par le biais de cartes émises hors de l’EEE (aff. AT.39398).
La même année, MasterCard avait été condamnée par le Commission pour entente pour avoir empêché des commerçants de bénéficier de commissions moins élevées proposées par des banques acquéreuses situées dans d’autres Etats membres que ceux dans lesquels ces détaillants exerçaient leur activité (aff. AT.40049).