Actuellement, les 180 juges élus traitent, en moyenne et par personne, deux fois plus de dossiers que la moyenne nationale.
Si certaines affaires font naître de nouvelles problématiques juridiques et se complexifient, il est en effet constaté un accroissement des procédures simples et récurrentes. Or, ces procédures, mobilisant de nombreux magistrats, participent à l’allongement de la durée de traitement des dossiers et à l’encombrement des greffes.
Avec l’intégration de l’intelligence artificielle, le Tribunal de commerce de Paris a pour objectif d’accélérer les procédures et de libérer du temps pour les juges et greffiers afin d’effectuer des tâches plus complexes. Le recours à l’intelligence artificielle pour préparer les procédures pourrait permettre de diviser par six le temps utilisé actuellement.
Comment ?
Le président du Tribunal de commerce a nommé un magistrat consulaire référent en matière d’intelligence artificielle. La création d’une Chambre d’amélioration du traitement des litiges est également prévue pour la fin de l’année 2024 ou début 2025. Cette instance aura pour compétence de produire de manière automatisée des pré-rapports résumant les éléments importants des dossiers avec des données anonymisées.
Le tribunal compte utiliser notamment le logiciel ChatGPT 4, uniquement en version privée et entraîné sur la base de données des jugements rendus du tribunal.
Les missions de l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle sera notamment utilisée, pour :
- le placement de l’affaire, c’est-à-dire l’affectation dans l’une des chambres du tribunal ;
- la préparation de rapports résumant les faits pertinents, la procédure et les moyens de droit, ainsi que les recherches jurisprudentielles ;
- le traitement des procédures simples et répétitives, telles que les injonctions de payer. L’intelligence artificielle vérifiera en particulier que le dossier est complet et cohérent avant de pouvoir prérédiger l’injonction de payer.
La prévention des risques liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle
L’utilisation de l’intelligence artificielle dans un tel domaine comporte indéniablement des risques. Aussi, outre le fait que certains domaines de compétence du tribunal, tels que les jugements, conserveront un traitement traditionnel, l’utilisation de l’IA sera strictement encadrée :
- Les algorithmes seront seulement utilisés en tant qu’assistants pour la rédaction et les recherches juridiques. Ils ne pourront rien créer et devront indiquer lorsqu’ils ne connaissent pas la réponse, pour éviter que les informations données soient erronées.
- Une supervision humaine sera mise en place afin de veiller à la qualité des bases de données ainsi qu’à la protection des données personnelles et à la transparence des décisions.
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Pour quel futur ?
Si la juridiction consulaire est la première à effectuer ce choix dans le pays, la France n’est pas pionnière en la matière. En effet, tandis qu’en Estonie, les décisions concernant les petits litiges de moins de 7 000 € sont prises par un algorithme, l’intelligence artificielle donne une probabilité de jugement aux parties à Singapour.
Des solutions de prospective juridique existent également en France mais se limitent à des calculs de probabilités destinées à éclairer les juristes et avocats sur une solution probable du litige compte tenu des décisions analysées par l’algorithme.
Le parallèle avec les recommandations du CNB
Le choix du Tribunal de commerce de Paris d’utiliser l’intelligence artificielle peut être mis en parallèle avec la publication d’un Guide pratique sur l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle générative, en septembre 2024, par le Conseil National des Barreaux.
Ce guide, d’une quarantaine de pages, aborde plusieurs thèmes :
- Comprendre l’intelligence artificielle générative : sont évoqués les deux conceptions de l’intelligence artificielle ainsi que l’architecture de l’intelligence artificielle générative, afin de mieux comprendre les enjeux.
- Les cas d’usage et les risques de l’intelligence artificielle générative.
- Utiliser l’intelligence artificielle générative dans le cadre de son activité professionnelle : des développements sont notamment consacrés à la manière de formuler une requête, d’évaluer, améliorer et utiliser le résultat généré.
A travers l’adoption de ce guide, le Conseil National des Barreaux témoigne de l’importance donnée à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le domaine juridique.