Action en contrefaçon - Jurisprudence et législation

Action pénale en contrefaçon (marque) en droit français de la propriété industrielle

Le titulaire d’une marque qui s’estime victime d’un acte de contrefaçon constitutif d’un délit peut, à son choix, engager une action civile en réparation de son dommage devant les tribunaux judiciaires, ou une action pénale devant les juridictions répressives. Le choix de l’action pénale lui impose d’établir, outre l’élément matériel du délit de contrefaçon, son élément intentionnel.

L’action pénale en contrefaçon est soumise au droit commun de la procédure pénale. Elle doit être exercée devant le tribunal correctionnel (art. 381 CPP), du lieu de l'infraction, de la résidence du prévenu ou du lieu d'arrestation ou de détention du prévenu, même lorsque cette arrestation ou cette détention a été opérée ou est effectuée pour une autre cause (art. 382 CPP).

L’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique devant la même juridiction (art. 3 CPP), ou séparément de l’action publique, devant une juridiction civile, auquel cas il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement (art. 4 CPC). L’action pénale en contrefaçon se prescrit par six ans révolus à compter du jour où l’infraction a été commise (art. 8 CPP) de même que l’action civile exercée devant une juridiction répressive (art. 10 CPP).

L’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle sanctionne, s’ils sont commis en vue de vendre, fournir, offrir à la vente ou louer des marchandises présentées sous une marque contrefaisante, le fait :

  • d’importer, d’exporter, de réexporter ou de transborder des marchandises présentées sous une marque contrefaisante (art. L. 716-9, al. 1, a) CPI),
  • de produire industriellement des marchandises présentées sous une marque contrefaisante (art. L. 716-9, al. 1, b) CPI),
  • de donner des instructions ou des ordres pour la commission des actes visés aux a) et au b) (art. L. 716-9, al. 1, c) CPI).

Les notions d’importation et d’exportation de marchandises de l’article L. 716-9, alinéa 1, a) du Code de la propriété intellectuelle sont communes aux articles L. 713-3-1, 3° et L. 716-10, alinéa 1, a) du Code de la propriété intellectuelle.


Protection de la marque / Action pénale en contrefaçon / Élément intentionnel, de l'ouvrage "Propriété industrielle" de Louis Vogel

Contrairement à l’action civile, l’action pénale en contrefaçon exige d'établir l'existence d’un élément intentionnel, en vertu de l’article 121-3, alinéa 1, du Code pénal selon lequel il n’y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre. Le prévenu doit avoir agi en ayant conscience que son acte était interdit. L’acte de contrefaçon doit être volontaire (Cass. crim., 26 avril 2000, n° 98-86.067, 98-86.067, Bull. crim. 2000, n° 166 ; Propr. ind., n° 4, avril 2017, étude 12, PELTIER ; RTD com. 2000. 1032, BOULOC ; Cass. crim., 24 septembre 2019, 19-82.252, 19-82.252, Rep. Dalloz. dr. com., octobre 2020, BINCTIN.), ce qui exclut en principe la caractérisation du délit par imprudence, négligence ou mise en danger. L’élément moral est caractérisé, notamment, lorsque le prévenu utilise des marques sans autorisation avec la volonté de créer dans l’esprit du public une confusion entre les objets qu’il propose à la vente et ceux auxquels la marque s’applique (Cass. crim., 22 mai 2007, n° 06-87.520, 06-87.520, D. 2009. 691, DURRANDE), ou lorsqu’il livre, en connaissance de cause, des produits autres que ceux demandés (Cass. com., 23 février 1976, n° 74-14.773, 74-14.773).

Outre la volonté délibérée d'enfreindre la loi, les infractions prévues à l’article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle supposent de démontrer un dol spécial qui consiste en l’intention du prévenu de vendre, fournir, offrir à la vente ou louer des marchandises présentées sous une marque contrefaisante.

La connaissance par le prévenu du caractère contrefaisant des produits litigieux relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. crim., 7 avril 2010, n° 09-82.770, 09-82.770, PIBD 2010, n° 921, III, 439.). L’intention frauduleuse peut s’induire notamment du statut de professionnel du prévenu (Cass. com., 10 février 1998, n° 95-21.893, 95-21.893, PIBD 1998, III, 251), de sa spécialité (Cass. crim., 26 janvier 2010, n° 09-81.587, 09-81.587, PIBD 2010, III, 245), de sa qualité de grossiste (Cass crim., 8 octobre 2003, 02-88.412, 02-88.412, D. 2005. 433, PASSA), ou de manœuvres effectuées par celui-ci telles qu’un argumentaire de vente ambigu ou la dissimulation progressive de listes de correspondance (Cass. crim., 30 juin 2009, n° 08-85.222, 08-85.222, RTD com. 2010. 219, BOULOC ; Bull. crim. N° 137 ; D. 2009. 2108 ; AJ pénal 2009. 450 ; Rep. Dalloz dr. com., octobre 2020, BINCTIN ; Comm. com. électr. 2009, comm. 111, CARON).

Si la matérialité des faits de contrefaçon rend vraisemblable la volonté de commettre une infraction, le prévenu conserve en toutes circonstances la faculté de démontrer sa bonne foi, celle-ci étant exclusive du caractère intentionnel (Cass. crim., 24 septembre 2019, 19-82.252, 19-82.252, Rep. Dalloz dr. com., octobre 2020, BINCTIN).

➡️ En lire plus dans l'ouvrage "Propriété industrielle"


Les décisions de justice pertinentes associées à la notion d'action pénale en contrefaçon (marque) en droit français de la propriété industrielle

Action pénale en contrefaçon (dessins ou modèles) en droit français de la propriété industrielle

L'article L. 521-10 du Code de la propriété intellectuelle dispose que toute atteinte portée sciemment aux droits de propriété du titulaire du dessin ou modèle tels que garantis par le Livre V du Code de la propriété intellectuelle est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. L'élément matériel de la contrefaçon réside dans les mêmes actes que ceux qui engagent la responsabilité civile du contrefacteur, définis aux articles L. 513-4 et L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle.

Contrairement à l’action civile, l’action pénale en contrefaçon nécessite d'établir l'existence d’un élément intentionnel. En effet, l’article 121-3, alinéa 1, du Code pénal pose le principe selon lequel il n’y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre. Aussi l'article L. 521-10 du Code de la propriété intellectuelle incrimine-t-il l'atteinte portée sciemment aux droits de propriété du titulaire du dessin ou modèle. Les juridictions répressives présument parfois l'élément intentionnel lorsque le prévenu est un professionnel.

La contrefaçon constitue un fait juridique qui peut se prouver par tous moyens. L'auteur de la contrefaçon peut dégager sa responsabilité en démontrant son absence de faute, y compris par imprudence ou négligence. En revanche, la passivité ou la tolérance du titulaire des droits est sans incidence sur la constatation de l'infraction.

L’action au fond peut être engagée par le titulaire des droits sur le dessin ou modèle, ou par le ministère public. Le titulaire de droits peut porter plainte avec constitution de partie civile dans les conditions de l’article 85 du Code de procédure pénale, ou, si les faits sont simples, agir par voie de citation directe (art. 389 à 392-1 et 550 à 566 CPP). La recevabilité de la constitution de partie civile suppose cependant, aux termes de l'article 85, de déposer d'abord une plainte simple auprès du procureur de la République ou d'un service de police judiciaire.


Les décisions de justice pertinentes associées à la notion d'action pénale en contrefaçon (dessins ou modèles) en droit français de la propriété industrielle


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Décisions de justice

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Cass. com., 27 février 1996, n° 94-15.507

Relux (SA) c. Drimmer (SA), La Grande Surface de Millau (SA), Euromarché (Sté) - Contrefaçon - La centrale de référencement qui, par son rôle d'intermédiaire, contribue à la commercialisation de produits contrefaits référencés, se rend coupable de contrefaçon.

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CA Montpellier, 2e ch. A, 8 mars 1994, n° 92-5419

Drimmer (SA) c. La Grande Surface de Millau (SA), Euromarché (Sté), Relux (Sté) - Contrefaçon - Une centrale de référencement peut être condamnée pour contrefaçon dès lors qu'elle participe à la commercialisation des produits qu'elle référence.

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CJCE, 5 octobre 1988, n° 53-87

Consorzio Italiano della componentistica di ricambio per autoveicoli, Maxicar c. Régie nationale des usines Renault - Contrefaçon - Le principe de libre circulation des marchandises ne fait pas obstacle à l'application d'une législation nationale en vertu de laquelle un fabricant d'automobiles, titulaire d'un brevet pour modèle ornemental sur des pièces de rechange destinées aux voitures de sa fabrication, est en droit d'interdire à des tiers de fabriquer, aux fins de la vente sur le marché intérieur ou de l'exportation, des pièces protégées ou d'empêcher l'importation d'autres États membres de pièces protégées qui y auraient été fabriquées sans son consentement.

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CJCE, 14 septembre 1982, n° 144-81

Keurkoop BV c. Nancy Kean Gifts BV - Contrefaçon - Le titulaire d'un droit sur un modèle peut s'opposer à l'importation d'un autre État membre de produits identiques lorsqu'ils ont été mis en circulation sans son intervention ou son consentement ni celle d'une personne unie à lui par un lien de dépendance juridique ou économique. - Objet spécifique des droits de propriété intellectuelle - Une mesure nationale ne peut permettre au titulaire d'un droit de propriété industrielle et commerciale de s'opposer à l'importation ou à la commercialisation d'un produit qui a été écoulé licitement, sur le marché d'un autre…

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CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 3 mars 2020, n° 17-10488

Chantemômes (SARL), Planètemômes (SAS) - Contrefaçon - Un franchiseur engage sa responsabilité pour les actes de contrefaçon commis par les franchisés, lorsqu'il leur a fourni les supports en cause.

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CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 6 novembre 2009, n° 08-06015

Aabi c. L'Oréal (SA), Lancôme Parfums et Beauté & Cie (SNC) - Contrefaçon - La mise en ligne d'un service commercial concurrent, opérant sans transparence, en violation des dispositions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, caractérise un acte de concurrence déloyale. - Prix inférieur - Le particulier qui commercialise sur le site de vente aux enchères eBay, sous des noms de marques protégées, des parfums non authentiques, à des prix nettement inférieurs à ceux pratiqués par les réseaux de distribution sélective, commet un acte de concurrence déloyale à l'égard de ces derniers.

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TGI Paris, 3e ch. sect. 3, 13 février 2008, n° 07-02648

Lancôme Parfums et Beauté et Compagnie (SNC), L'Oréal (SA) - Contrefaçon - L'internaute qui, sous un pseudonyme, commercalise sur eBay des parfums contrefaisants contrevenant ainsi en plus à l'obligation légale de mentionner l'identité du fournisseur de biens sur Internet, est, compte tenu de l'ampleur de ses activités de vente à distance, un commerçant de fait se livrant à des actes de concurrence déloyale.

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TGI Paris, 3e ch. sect. 3, 13 mai 2009, n° 07-11365

L'Oréal (SA), Lancôme Parfums et Beauté & Cie (SNC), L'Oréal Produits de Luxe France (SNC), Polo/Lauren Company LP (Sté), GA Modefine (SA), Parfums Cacharel et Compagnie (SNC), Prestige & Collections International (SNC), Parfums Ralph Lauren (SNC) - eBay France (SA), eBay International AG (Sté), eBay Europe (SARL), eBay Inc. (Sté) - Contrefaçon - Aucune faute de concurrence déloyale ne saurait être imputée à la plateforme de vente aux enchères eBay en raison de la commercialisation sur son site, par des tiers hors réseau, de produits couverts par des réseaux de distribution sélective, dès lors qu'elle a rempli son obligation de moyens en mettant en œuvre des outils de lutte importants contre la contrefaçon et a démontré sa volonté de collaborer avec les grandes marques.

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CJCE, 1re ch., 31 octobre 1974, n° 15-74

Centrafarm (BV), Adriaan de Peijper c. Sterling Drug (Inc) - Contrefaçon - Le principe de libre circulation des marchandises fait obstacle à l'opposition du titulaire d'un brevet à l'importation d'un produit breveté, licitement écoulé sur le marché d'un autre État membre par lui-même ou avec son consentement, dans la mesure où cette opposition aboutirait à un cloisonnement des marchés nationaux ainsi qu'à une restriction dans le commerce entre États membres. - Accords intra-groupe - Un accord intra-groupe ne peut constituer une entente en l'absence d'autonomie réelle de la filiale par rapport à sa société mère, et…

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CJCE, 30 juin 1988, n° 35-87

Thetford Corporation c. Fiamma Spa - Contrefaçon - Une injonction interdisant d'importer d'un autre État membre le produit contrefait, dans la mesure où elle est prévue par une législation nationale, constitue une mesure justifiée au regard de l'article 36 TFUE. - Brevets - Une injonction interdisant d'importer d'un autre État membre le produit contrefait, dans la mesure où elle est prévue par une législation nationale, constitue une mesure justifiée au regard de l'article 36 TFUE.

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Législation / Articles de loi

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Article R 615-2 du Code de la propriété intellectuelle

Le tribunal, saisi d’une action en contrefaçon d’un brevet français, sursoit à statuer lorsque la juridiction unifiée du brevet est concomitamment saisie d’une demande fondée sur un brevet unitaire ou sur un brevet ne faisant pas l’objet d’une dérogation à sa compétence exclusive en application du paragraphe 3 de l’article 83 de l’Accord ...

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Article L 811-2-4 du Code de la propriété intellectuelle

Pour son application dans les îles Wallis et Futuna, l'article L. 615-2 du présent code est ainsi rédigé : Art. L. 615-2.-L'action en contrefaçon est exercée par le titulaire du brevet. Sauf stipulation contraire du contrat de licence, elle est également ouverte au titulaire d'une licence exclusive à condition, à peine d ...

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Article L 615-2 du Code de la propriété intellectuelle

L'action en contrefaçon est exercée par le titulaire du brevet. Sauf stipulation contraire du contrat de licence, elle est également ouverte au titulaire d'une licence exclusive à condition, à peine d'irrecevabilité, d'informer au préalable le titulaire du brevet. Le titulaire d'une licence non exclusive peut exercer l'action en ...

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Article L 614-15 du Code de la propriété intellectuelle

Le tribunal saisi d'une action en contrefaçon d'un brevet français qui couvre la même invention qu'un brevet européen demandé par le même inventeur ou délivré à celui-ci ou à son ayant cause avec la même date de priorité et faisant l'objet d'une dérogation à la compétence exclusive de la ...

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Fiche pratique n° 15b de la Cour d'appel de Paris du 1 avril 2020

Les titulaires de droits de propriété intellectuelle bénéficient d'une action spécifique en réparation de leur préjudice : l'action en contrefaçon, dont le régime juridique est désormais largement harmonisé quels que soient les droits en cause. La Directive (CE) 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle a été transposée en droit ...

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Fiche pratique n° 15a de la Cour d'appel de Paris du 1 avril 2020

Les titulaires de droits de propriété intellectuelle bénéficient d'une action spécifique en réparation de leur préjudice : l'action en contrefaçon, dont le régime juridique est désormais largement harmonisé quels que soient les droits en cause. La Directive (CE) 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle a été transposée en droit ...

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Article L 716-4-2 du Code de la propriété intellectuelle

... exerce pas ce droit dans un délai raisonnable. La personne habilitée à faire usage d'une marque de garantie ou d'une marque collective ne peut engager une action en contrefaçon qu'avec le consentement du titulaire de celle-ci, sauf mention contraire du règlement d'usage. Le titulaire d'une marque de garantie ou ...

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Article L 716-4-3 du Code de la propriété intellectuelle

Est irrecevable toute action en contrefaçon lorsque, sur requête du défendeur, le titulaire de la marque ne peut rapporter la preuve : 1° Que la marque a fait l'objet, pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l'appui de la demande, d'un usage sérieux au cours des ...

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