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Concurrence déloyale en droit français de la concurrence : principes généraux
Le système juridique français se fonde sur la liberté du commerce et de l'industrie, avec en corollaire la libre concurrence.
La libre concurrence et la notion de comportement déloyal
Toutefois les opérateurs ne peuvent adopter un comportement déloyal, c'est-à-dire contraire aux usages du commerce ou aux lois et règlements en vigueur.
L'action en concurrence déloyale : fondements et conditions
Fondement juridique et caractérisation de la faute
L'action en concurrence déloyale permet à la victime de procédés contraires aux règles du commerce de poursuivre leur auteur en responsabilité civile, en dehors de tout droit privatif. L'action repose sur les articles 1240 et 1241 du Code civil. La déloyauté constitue une faute et oblige à réparation.
Fondée sur la responsabilité civile, l'action en concurrence déloyale suppose que la victime apporte la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage qui en résulte.
Critères pour établir une concurrence déloyale
La faute se définit comme une pratique contraire, soit aux lois et règlements, soit aux usages du commerce. L'existence d'un élément intentionnel n'est pas nécessaire. Il peut en effet s'agir d'un quasi-délit. Il importe peu que l'auteur de l'acte constitutif de concurrence déloyale soit de mauvaise foi, dès lors que la faute, l'imprudence ou la négligence est démontrée. L'acte de concurrence est traditionnellement défini comme la captation d'une clientèle. L'action en concurrence déloyale suppose donc en principe l'existence d'une clientèle et la communauté de celles-ci entre l'entreprise fautive et la victime. La jurisprudence retient une définition très compréhensive de la notion de clientèle commune. Ainsi, la Cour de cassation considère que la seule condition de recevabilité de l'action en concurrence déloyale réside dans l'existence d'une faute génératrice d'un préjudice : la faute de concurrence déloyale peut être fondée sur la seule existence d'une clientèle finale identique ou d'une clientèle commune virtuelle. Cependant, la position des juges quant à l'exigence d'un rapport de concurrence diffère selon l'acte de concurrence déloyale en cause. Ainsi, la confusion suppose un risque d'assimilation entre les opérateurs concernés, dont la clientèle doit être commune et immédiate pour qu'il y ait risque de confusion. De même, si la désorganisation de l'entreprise peut être caractérisée alors même que le bénéficiaire des actes de captation de clientèle n'en est pas l'auteur, le grief de captation de clientèle ne saurait prospérer en dehors de toute situation de concurrence. Pour l'acte de dénigrement, même si les activités commerciales des entreprises sont différentes, il suffit que la clientèle finale ou le circuit économique soit identique. Enfin, il est traditionnellement admis que des comportements parasitaires peuvent être fautifs, même en l'absence de toute situation de concurrence, mais l'action en parasitisme n'est pas subordonnée à l'absence de situation de concurrence entre les parties.
La notion de préjudice et le lien de causalité
Établissement du préjudice et son évaluation
L'entreprise victime doit établir le caractère né et actuel du préjudice qu'elle allègue, mais aussi l'étendue de ce préjudice. Toutefois, la jurisprudence se montre très libérale dans l'exigence d'un préjudice en matière de concurrence déloyale : la spécificité du dommage concurrentiel a progressivement conduit les juges à considérer que l'existence du préjudice s'infère nécessairement des actes déloyaux. Le préjudice peut être matériel ou moral. Il est évalué par le juge qui exerce son pouvoir souverain d'appréciation et peut recourir à des expertises ou des études spécifiques.
Lien de causalité entre la faute et le préjudice
La simple coïncidence entre la faute et le préjudice est insuffisante. Un lien de causalité existe lorsque les juges constatent la corrélation entre l'installation d'une entreprise concurrente et la diminution du chiffre d'affaires du commerçant, entre la copie servile d'un modèle vendue à un prix inférieur et le fait de remporter un marché ou entre des actes de parasitisme et le redressement judiciaire de l'opérateur dont les chances de survie ont été obérées par les actes de concurrence déloyale.
Caractère subsidiaire de l'action en concurrence déloyale
Nature subsidiaire et actions concurremment engagées
L'action en concurrence déloyale revêt un caractère subsidiaire car elle est ouverte à la victime qui ne dispose pas de droit privatif. Le caractère subsidiaire de l'action en concurrence déloyale permet en outre d'intenter concurremment d'autres actions en justice. Elle n'est, en effet, exclusive ni d'une action en contrefaçon, ni d'une action en diffamation, ni d'une action en responsabilité contractuelle tendant à la réparation d'un préjudice distinct, lorsque les parties, le fondement et l'objet sont différents.
Portée et limites de l'action en concurrence déloyale
L'action en concurrence déloyale est ouverte à toute personne physique ou morale qui subit un préjudice concurrentiel, à l'exclusion des associations de consommateurs. Elle s'exerce principalement dans le cadre de relations horizontales et concerne des produits ou services distincts. Mais elle est également susceptible d'être engagée pour un même produit dans le cadre de relations verticales en dépit de leur nature contractuelle.
Les décisions de justice associées à la notion de "concurrence déloyale" en droit français de la concurrence
- Cass. 2e civ., 13 juin 2024, n° 23-23.756
- CA Toulouse, 2e ch., 11 juin 2024, n° 20/03600
- CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 juin 2024, n° 23/02874
- CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 5 juin 2024, n° 22/06786
- CA Rennes, 1re ch., 4 juin 2024, n° 21/04257
- CA Montpellier, ch. com., 4 juin 2024, n° 22/04628
- CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 3 juin 2024, n° 20/06395
- CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 31 mai 2024, n° 22/17193
- CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 29 mai 2024, n° 22/01642
- Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-13.440
Théorie de la concurrence déloyale
Le système juridique français, né de la Révolution française et en opposition avec les règles corporatistes de l'Ancien régime, se fonde sur la liberté du commerce et de l'industrie, avec en corollaire la libre concurrence. Le marché obéit à la loi de l'offre et de la demande et les opérateurs économiques peuvent offrir à la même clientèle des produits ou services similaires. Même si le détournement de clientèle résulte inéluctablement du jeu de l'offre et de la demande, la liberté de la concurrence ne peut être sans limites. Comme toute liberté, elle doit s'exercer dans le respect de celle d'autrui. Les opérateurs doivent donc obéir à un certain nombre de règles et ne peuvent adopter un comportement déloyal, c'est-à-dire contraire aux usages du commerce ou aux lois et règlements en vigueur. La jurisprudence a été amenée à élaborer la théorie de la concurrence déloyale, qui autorise la victime de procédés contraires aux règles du commerce à poursuivre leur auteur en responsabilité civile, en dehors de tout droit privatif.
La théorie de la concurrence déloyale rencontre cependant des limites. Une entreprise ne bénéficie d'aucun droit privatif sur sa clientèle ; la simple démarche de cette clientèle est donc licite, dès lors qu'elle ne s'accompagne d'aucun acte déloyal (CA Paris, 4e ch. A, 26 février 1991, n° 89-021197, Cass. soc., 27 mai 1992, n° 89-40.032, CA Paris, 4e ch. A, 27 mars 1996, n° 94-019195).
Par ailleurs, la liberté du commerce implique la liberté des prix. Aussi, un fabricant ne commet-il aucun acte de concurrence déloyale lorsqu'il vend ses produits à des prix inférieurs à ceux de ses concurrents. La pratique d'un prix inférieur n'est pas déloyale tant qu'elle n'excède pas les usages du commerce et que le prix n'est pas dérisoire (CA Versailles, 14e ch., 20 octobre 1993, n° 3481-93, sur le droit de préférer une séduction de la clientèle par les prix - CA Paris, 4e ch. A, 3 juillet 1996, n° 94-013399, CA Paris, 4e ch. A, 25 septembre 1996, n° 94-023319, sur le droit de pratiquer des prix inférieurs - Cass. com., 3 mai 2000, n° 97-20.888, prix bas, concurrence déloyale et aides financières).
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Décisions de justice
Cass. com., 14 novembre 2024, n° 22-14.137
Référé et mesures d'instruction avant procès • Lorsqu'il existe un risque concret que, si une procédure contradictoire était engagée à son encontre, la société défenderesse dissimule ou détruise les pièces utiles à la manifestation de la vérité, l'existence de circonstances justifiant le recours à une mesure d'instruction non contradictoire, en vue d'un éventuel procès en concurrence déloyale, est caractérisée.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 novembre 2024, n° 23/00096
Litige international • Une demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale qui ne peut s’analyser comme “ tout litige découlant des CGV ” pour entrer dans le champ d’application de la clause attributive de compétence doit être portée, en application de 7.2 du règlement Bruxelles I bis, devant la juridiction du lieu de production des faits dommageables allégués de concurrence déloyale, lieu du siège de l’une des sociétés défenderesses, de sorte que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a déclaré le Tribunal de commerce de Marseille incompétent.
CA Versailles, ch. com. 3-1, 7 novembre 2024, n° 22/06016
Parasitisme et contrefaçon • L'action fondée sur le parasitisme suppose l'absence de droit privatif opposable, susceptible de s'appliquer à la valeur économique, objet du parasitisme, de sorte que doivent être déboutés de leur demande les plaignants qui en contestant la cession des droits applicables aux photographies litigieuses revendiquent en réalité l'existence d'un droit privatif sur celles-ci.
CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 novembre 2024, n° 23/14142
Portée de la condition • L'indemnisation au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie avec un client qui répare seulement le préjudice découlant de l'absence ou de l'insuffisance de préavis, peut se cumuler avec l'indemnisation, par l'auteur d'actes de concurrence déloyale, du préjudice résultant de la perte de ces clients au-delà de la période de préavis.
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 29 octobre 2024, n° 21/00145
Preuve • Si dans la vie des affaires, des comportements entre acteurs économiques sont sanctionnables au titre du parasitisme lorsque l'un est susceptible de bénéficier des investissements de l'autre, notamment publicitaires, ou de sa renommée, sans avoir à en supporter les frais, en l’occurrence, les plaignants ne justifient, ni n'allèguent être des acteurs de la vie économique qui feraient de la création de logiciel leur activité, disposeraient d'un budget publicitaire pour développer leur logiciel, ou même bénéficieraient d'une renommée ou d'une clientèle susceptible d'être détournée par la société mise en cause, de sorte qu’ils ne sont fondés à se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre.
CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 25 octobre 2024, n° 22/12301
Propos modérés • Le fait pour une société de faire état dans des messages envoyés à des tiers de la procédure de référé en cours l’opposant aux mis en cause, pour solliciter leur aide dans la résolution du litige, qualifié de “ triste conflit ”, ne caractérise pas un acte de dénigrement, dès lors que l’opinion ainsi exprimée l'a été avec suffisamment de mesure pour écarter tout acte de dénigrement.
CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 18 octobre 2024, n° 24/03850
Référé et mesures d'instruction avant procès • Le juge qui ordonne une mesure d'instruction en application de l'article 145 du Code de procédure civile, doit constater l'existence d'un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, laquelle doit être utile et pertinente, sans qu'il lui appartienne de statuer sur le bien-fondé de l'action au fond susceptible d'être ultérieurement engagée.
CA Dijon, ch. soc., 17 octobre 2024, n° 22/00749
Constatation • Si le simple fait de donner les coordonnées d'un diagnostiqueur à un client de son ancien employeur ne constitue pas un acte de concurrence déloyale dès lors qu'il n'a aucune incidence sur l'activité de négociation immobilière prohibée par la clause de non-concurrence post-contractuelle insérée dans son contrat de travail, la souscription par un salarié démissionnaire d’un contrat de négociateur immobilier avec une société concurrente constitue en revanche une violation de cette stipulation.
CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 16 octobre 2024, n° 21/18176
Antériorité de création/d'exploitation • Le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit et, les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme.
CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 16 octobre 2024, n° 22/18395
Détournement de clientèle • La reprise de la charte graphique de la carte de visite d’un franchiseur constitue un acte de concurrence déloyale distinct des actes de contrefaçon commis en éditant et diffusant la carte de visite reproduisant sa marque et ses signes distinctifs, dès lors qu’ont été repris non seulement son code couleur jaune et bleu mais aussi des dessins qui évoquent l'univers de la bande dessinée, qui n'est pas commun dans le secteur de l'automobile, la remise de cette carte à des clients étant de nature à créer ou entretenir une confusion en les amenant à croire que la société dont le nom figure sur la carte litigieuse est affiliée au réseau.
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Législation / Articles de loi
Rapport de l'Autorité de la Concurrence du 1 janvier 2015
Voici plus de dix ans entrait en vigueur le Règlement n° 1/2003 qui marquait un changement de paradigme dans la mise en œuvre du droit européen de la concurrence. - …attribution par la SAM des espaces commerciaux de la mezzanine banlieue de la gare du Nord à des exploitants pourraient être de nature à porter atteinte au fonctionnement de la concurrence sur les marchés affectés. Dès lors, l'Autorité s'est déclarée compétente pour analyser les saisines des entreprises Nocibé et O'Rêve. La procédure La loyauté…
Note de service n° 2009-07 de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du 29 janvier 2009
Note de service n°2009-07 de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) du 29 janvier 2009 - Résumé : La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (loi Chatel) a transposé la directive n° 2005-29-CE du 11 mai 2005 relatives aux pratiques commerciales déloyales. Le texte, intégré au Code de la consommation, définit les pratiques commerciales déloyales (article L. 121-1), substitue aux dispositions sur la publicité mensongère…
Rapport de l'Autorité de la concurrence du 1 janvier 2009
Si elles sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'entreprise en position dominante au titre de la concurrence déloyale, elles ne sont pas nécessairement constitutives d'un abus de position dominante au sens de l'article L. 420-2 du Code de commerce. Pour qu'un dénigrement puisse être qualifié d'abus de position dominante, il est nécessaire d'établir un lien entre la position dominante de l'entreprise et la pratique de dénigrement (09-D-14 ; 09-D-21).
Note d'information n° 2011-73 de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du 22 juillet 2011
La publicité en matière de crédit à la consommation - L'article L. 311-4 ne s'applique dès lors pas aux publicités de "notoriété" qui pourraient être réalisées par certains prêteurs. Ces publicités portant sur l'identité et la qualité du prêteur, bénéficiaient déjà d'une tolérance et n'étaient pas soumises à la réglementation sur la publicité sur le crédit à la consommation…
Rapport de l'Autorité de la Concurrence du 1er janvier 2014
Par délibération en date du 1er avril 2015, l'Autorité de la concurrence a adopté le présent rapport, établi en application des dispositions de l'article L. 461-5 du Code de commerce […] - …existence d'un risque à le substituer ou entretiennent, pour des motifs injustifiés, une crainte ou une prévention à cet égard, constitue bien une pratique déloyale et abusive, qui, si elle a pour objet et peut avoir pour effet de restreindre la diffusion sur le marché de ce médicament générique, contrevient aux dispositions précitées du droit de la concurrence"…
Rapport du Conseil de la concurrence du 1 janvier 1995
Par délibération en date du 7 mai 1996, le Conseil de la concurence a adopté le présent rapport, établi en application des dispositions de l'article 7 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, aux termes duquel le Conseil de la concurrence adresse chaque année au ministre chargé de l'économie un rapport d'activité qui est publié au Journal Officiel de la République française et qui compte en annexe les décisions du Conseil prévues à l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et les avis rendus en application de son titre V.
Rapport du Conseil de la concurrence du 1 janvier 2007
Dans l'arrêt Guerlain du 26 juin 2007, la cour a repoussé le moyen par lequel il était reproché au Conseil d'avoir, dans sa décision, créé une confusion entre les griefs en agrégeant au grief n° 1, relatif à la pratique générale d'entente sur les prix, deux griefs connexes, relatifs l'un, aux ristournes ...
Rapport du Conseil de la concurrence du 1 janvier 2005
La décision 05-D-66 a permis au Conseil de préciser que l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, qui a notamment modifié l'article 429 du Code de procédure pénale (15), n'a pas eu pour effet de modifier les règles spécifiques applicables à l' ...