L'imputabilité de l'infraction est source de difficultés lorsque l'entreprise contrevenante a fait l'objet d'une restructuration, c'est-à-dire d'une modification de sa organisation structurelle ou de sa forme sociale, entre la date de commission de l'infraction et celle où l'Autorité de la concurrence statue. La notion d'entreprise étant purement économique, c'est, en principe, l'entité qui assure la continuité économique et fonctionnelle de l'auteur du comportement anticoncurrentiel qui doit répondre de celui-ci. L'Autorité imputera l'infraction à l'entreprise à laquelle ont été transférés les moyens matériels et humains qui ont concouru à la commission de l'infraction, à moins qu'à la date de la décision, l'auteur de l'infraction continue d'exister juridiquement. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter :
- fusion ou fusion-absorption : selon l'article L. 236-1 du Code de commerce, cette opération emporte transmission universelle du patrimoine. L'ensemble des moyens humains et matériels ayant concouru à la commission de l'infraction sont transférés à la société absorbante, qui doit se voir imputer la responsabilité, même si, à la date de l'opération, la société absorbée avait cédé une partie de ses actifs à des tiers. En cas de fusion par création d'une entité nouvelle, la responsabilité des pratiques anticoncurrentielles incombe à l'entreprise ou à l'organisation professionnelle issue de l'opération.
- Cession ou apport de fonds de commerce : l'entreprise qui succède, à la suite d'une cession ou de l'apport d'un fonds de commerce, à celle qui a commis l'infraction aux règles de concurrence en est responsable dès lors qu'il existe une continuité économique et fonctionnelle entre elles. La solution est différente lorsqu'à la date où l'Autorité de la concurrence statue, la personne morale support de l'entreprise existe toujours ou encore lorsque l'entreprise cédée est exploitée en nom personnel par une personne physique.
- Location-gérance : ce contrat, par lequel le propriétaire d'un fonds de commerce en concède la location à un gérant qui l'exploite “à ses risques et périls” (C. com., art. L. 144-1), n'a d'autre effet que de substituer un tiers à l'exploitant du fonds, sans faire disparaître l'entreprise. La continuité économique et fonctionnelle n'étant pas altérée, le locataire-gérant assume la responsabilité des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par l'entreprise prise en gérance.
- Plan de cession : dans la mesure où le cessionnaire assure la continuité économique et fonctionnelle de l'entreprise originaire, sa responsabilité doit être mise en cause en dépit du fait qu'il n'ait pris aucune part aux pratiques anticoncurrentielles et ne les ait pas poursuivies postérieurement à la cession. Il peut dès lors être destinataire de la notification des griefs et être obligé de se conformer à une injonction de ne pas faire, mais ne pourra se voir infliger de sanction pécuniaire, en vertu de l'article L. 626-10 du Code de commerce.
- Transfert du contrôle : la modification dans la composition du capital de l'entreprise qui a participé à une entente n'a pas d'incidence sur l'imputabilité de la sanction. De fait, les sujets du droit de la concurrence sont les entreprises, non les hommes qui les dirigent. Néanmoins, se fondant sur l'existence d'une entité unique, la Cour de cassation a pu retenir qu'une entreprise qui avait pris le contrôle d'un participant à l'entente après la cessation de l'infraction pouvait se voir imputer celle-ci et imposer un calcul de l'amende sur le fondement de son chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes.
- Transformation : la transformation d'une société en holding ou d'une association en syndicat n'affecte pas sa continuité économique et fonctionnelle. En revanche, l'association constituée par d'anciens membres d'une autre association ne peut se voir imputer les pratiques reprochées à celle-ci dans la mesure où l'auteur de l'infraction continue d'exister.
- Liquidation judiciaire : une fois sortie du marché, une entreprise n'est plus sujet du droit de la concurrence. Toutefois, si elle continue d'exister juridiquement, même pour les besoins de sa liquidation, elle doit répondre des pratiques anticoncurrentielles qu'elle a mises en œuvre. En revanche, elle n'encourra pas de sanction pécuniaire (C. com., art. L. 622-21 et L. 622-23).
- Dissolution : une sanction ne peut être prononcée que tant que la personnalité morale de l'entreprise qui a commis l'infraction subsiste. Une fois les opérations de liquidation clôturées, l'entreprise ne peut plus faire l'objet d'une amende. En revanche, à défaut de clôture de ces opérations, l'Autorité de la concurrence peut valablement infliger une sanction pécuniaire à la société dissoute, celle-ci n'étant pas transmissible à l'entreprise qui en a éventuellement pris le contrôle. La dissolution peut également être accompagnée du transfert de l'activité de l'entreprise dissoute à une autre. Dans ce cas, le principe de la continuité économique et fonctionnelle permet d'infliger la sanction à l'entreprise repreneuse. Il faut et il suffit que l'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes de l'auteur de la pratique ait été repris par celle-ci.