Cette enquête vise à déterminer si Corning a abusé de sa position dominante sur le marché du verre de couverture pour appareils électroniques, par le biais d'accords anticoncurrentiels qui pourraient avoir faussé la concurrence au sein de l’UE.
Accords d’exclusivité et remises conditionnelles avec les fabricants de téléphones mobiles
La Commission soupçonne Corning d'avoir imposé à ses clients des accords d’approvisionnement exclusifs. Pour rappel, un accord d'approvisionnement exclusif, qui, en lui-même, n'affecte pas sensiblement le commerce entre États membres, peut être incriminé lorsqu'il contribue de manière significative à l'effet cumulatif de fermeture du marché résultant de l'ensemble des contrats considérés.
Les contrats en cause auraient obligé les fabricants de smartphones et les transformateurs de verre brut à se fournir quasiment exclusivement auprès de Corning, notamment concernant le verre alcalin-aluminosilicate. En échange, ces derniers bénéficiaient de remises importantes, notamment des rabais d’exclusivité. Ces pratiques auraient limité la capacité de ses concurrents à accéder au marché, rendant difficile l'émergence d'alternatives dans ce secteur.
Un autre point préoccupant la Commission concerne l'inclusion de clauses dans ces accords dites « clauses anglaises », stipulant que les clients devaient informer Corning des offres concurrentes reçues. Corning se réservait alors le droit de contrer ces offres afin de proposer ses options à ses partenaires. Ces mécanismes de contrôle auraient permis à Corning de maintenir sa domination tout en dissuadant les entreprises de s’ouvrir à d’autres fournisseurs.
Des clauses litigieuses dans les relations avec les transformateurs de verre brut
Outre les relations avec les fabricants de smartphones précédemment cités, Corning est suspecté d’avoir exercé une pression sur les transformateurs de verre brut, à savoir des entreprises qui ont recours au verre comme matériau pour l’adapter à des produits finaux. La Commission suspecte que Corning leur imposait, par des clauses, de ne pas contester la validité de ses brevets, restreignant ainsi la concurrence sur le plan juridique.
Or, il est reconnu par la jurisprudence européenne que de telles clauses de non-contestation sont susceptibles de revêtir un caractère restrictif de concurrence. Les fournisseurs étaient également liés par des obligations d’achat exclusif, les contraignant à s’approvisionner auprès de l’entreprise suspectée de manière quasi exclusive.
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Conséquences pour la libre concurrence sur le marché et les consommateurs
Si ces pratiques sont confirmées, elles pourraient représenter une réelle forme d’obstacle à l’accès au marché.
Les pratiques reprochées à Corning pourraient engendrer des répercussions significatives sur l’ensemble de la chaîne du marché technologique. En effet, en réduisant la concurrence, ces accords auraient touché indirectement les consommateurs et entraîné une hausse des prix ainsi qu’une limitation des options disponibles pour les fabricants.
Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la concurrence, a mis en garde contre de tels comportements qui portent atteinte à l’innovation et empêchent l’introduction de verres potentiellement moins coûteux et plus performants sur le marché. Elle souligne l’importance de disposer d’une concurrence forte dans ce marché afin de bénéficier de coûts bas du verre servant au remplacement des écrans d’appareils électroniques, et notamment de téléphones portables.
Les prochaines étapes
L’enquête, qui pourrait durer plusieurs mois, implique une analyse approfondie des contrats, des communications internes et des retours des partenaires de Corning. Bruxelles a déclaré qu'elle examinerait également les impacts globaux de ces pratiques sur les prix et l'innovation dans le secteur technologique.
En cas de violation de l’article 102 TFUE pour abus de position dominante, l’entreprise risque une amende d’un montant pouvant s’élever jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial.