Position dominante individuelle

 

Droit européen de la concurrence

L'article 102 TFUE prohibe “le fait [...] d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci”. La position dominante peut être individuelle ou collective. Elle est individuelle lorsqu'elle est détenue par une seule entreprise.

Même si elle considère que la position détenue par l'entreprise sur le marché ne constitue théoriquement qu'un “facteur" de la position dominante, la Cour de justice estime que “l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative” et peut constituer un indice suffisant de l'existence d'une position dominante. Lorsqu'une entreprise détient un monopole de droit ou de fait, les autorités européennes paraissent se satisfaire de la seule constatation de celui-ci pour conclure à l'existence d'une position dominante. La notion de domination ne se limite pas aux situations de monopole mais s'étend aux hypothèses de quasi-monopole. À l'inverse, la détention d'une part de marché limitée exclut la qualification d'entreprise dominante. Entre ces deux extrêmes, la part de marché ne représente qu'un critère relatif qu'il faut compléter par d'autres indices. En règle générale, une part de marché supérieure à 50 % pendant plusieurs années peut suffire à caractériser une position dominante. Selon la Commission, la domination de l'entreprise est peu probable lorsque la part de marché se situe en deçà de 40 %.

La domination se mesure compte tenu non seulement de l'existence mais aussi de la position des producteurs concurrents. Plus la disproportion entre la position de l'entreprise en cause sur le marché et celle de ses concurrents est grande, plus le temps de réaction de ceux-ci sera important et leur possibilité de satisfaire la demande limitée. Ainsi, l'entreprise qui possède plus de 90 % de part de marché contre 5 à 10 % pour son concurrent direct bénéficie d'une position dominante. Pour les parts de marchés intermédiaires situées entre 30 et 80 %, la disproportion relative des parts de marché entre l'entreprise concernée et ses concurrents constitue un indice essentiel de domination. Une entreprise qui détient une part de marché de 45 %, nettement supérieure à celle de ses concurrents malgré sa légère diminution, et qui mène une importante politique de marketing pour le lancement et la diffusion de sa marque est en position dominante. Une entreprise qui possède 50 % de part de marché dans chaque État membre occupe une position dominante dans l'Union européenne, dès lors qu'il existe un écart considérable entre sa part de marché et celle de ses quatre concurrents et que le marché comporte de nombreuses barrières à l'entrée.

En dehors de situations de monopole ou de quasi-monopole, la part de marché prédominante détenue par l'entreprise est considérée comme une condition insuffisante qui doit être confortée par des facteurs complémentaires pour établir la position dominante :

  • structure du marché : l'intensité de la concurrence existant sur le marché et la possibilité pour les concurrents d'y accéder constituent des critères essentiels de définition de la position dominante. L'absence de concurrence potentielle et le faible contrepoids représenté par les principaux concurrents peuvent confirmer l'existence d'une position dominante. Cependant, l'existence d'une concurrence, même vive, sur un marché donné, n'exclut pas la constatation d'une position dominante sur ce même marché, celle-ci étant essentiellement caractérisée par la capacité de se comporter sans avoir à tenir compte, dans sa stratégie de marché, de cette concurrence et sans pour autant subir des effets préjudiciables du fait de cette attitude. Les barrières à l'entrée (ou les vecteurs de mobilité si les concurrents opèrent déjà sur le marché concerné) représentent des facteurs essentiels de domination. L'importance des investissements publicitaires et commerciaux exigés pour atteindre une taille optimale peut ainsi constituer un obstacle à l'entrée d'un nouveau concurrent sur un marché déterminé. Les barrières structurelles à l'entrée d'un marché peuvent trouver leur origine hors du jeu naturel de ce dernier. Ainsi, les contraintes règlementaires peuvent ériger des barrières à l'entrée par l'imposition de formalités, de quotas ou de dispositions protectrices des producteurs nationaux ou européens. Enfin, le pouvoir de marché d'une entreprise peut se trouver contrebalancé par la puissance d'achat de ses clients.
  • structure de l'entreprise : parmi les indices permettant de corroborer la position dominante de l'entreprise, les autorités de concurrence retiennent son leadership, sa qualité d'opérateur historique ou son image de marque. La disproportion des moyens financiers d'un opérateur avec ses concurrents ou les facilités d'approvisionnement peuvent également constituer un facteur d'appréciation de la position dominante. La puissance financière résulte notamment de l'appartenance à un groupe, qui est en elle-même un indice de position dominante. La détention de droits de propriété intellectuelle ou d'un droit spécial ou exclusif constitue également un facteur de position dominante. Il en va de même de la large diffusion des produits de l'entreprise sur l'ensemble d'un territoire ou du fait de disposer d'une organisation commerciale vaste et sophistiquée ou d'une gamme de produits étendue et diversifiée. Enfin, l'entreprise qui réalise des économies d'échelle, est intégrée verticalement, dispose d'une avance technologique ou tient ses partenaires dans sa dépendance est susceptible de détenir une position prééminente sur le marché concerné.
  • comportements : certains types de comportements ne sauraient être adoptés qu'à la condition que l'entreprise dispose de suffisamment de puissance économique pour les imposer aux autres participants au marché, ou seraient irrationnels si leur auteur ne se trouvait pas dans une position de domination. Certaines conditions contractuelles ne peuvent être imposées que par une entreprise en position dominante. Plus généralement, un abus peut être un indice de domination. Au lieu d'être envisagés comme des indices, les comportements adoptés par l'entreprise sont parfois appréhendés comme la cause de la domination. La position de fournisseur exclusif ou quasi exclusif constitue ainsi un facteur de domination.
  • performances : le droit européen de la concurrence se montre extrêmement réticent à utiliser les critères de performance. Si les autorités européennes admettent traditionnellement que le maintien de la part de marché peut être révélateur d'une position dominante, l'érosion progressive de celle-ci ne peut constituer, en elle-même, la preuve de l'absence de position dominante, dès lors que la part détenue reste très importante. De même, la baisse de prix ne contredit pas nécessairement l'existence d'une position dominante dans la mesure où elle peut résulter d'une politique de prix librement choisie sans être due à la pression de la concurrence. Les autorités européennes considèrent même "qu'une marge bénéficiaire réduite ou même des pertes temporaires ne sont pas incompatibles avec une position dominante tout comme des bénéfices élevés peuvent être compatibles avec une situation de concurrence effective”. Les pertes enregistrées et la rentabilité temporairement nulle d'une entreprise n'excluent donc pas l'existence d'une position dominante.
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