La suppression d’un logiciel crucial
Le logiciel CrowdTangle permettait aux tiers de repérer la désinformation en ligne telle que les théories du complot, les incitations à la violence sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram, ou les campagnes de manipulation pilotées depuis l’étranger.
Très concrètement, cet instrument traçait les messages, en suivant les partages, les commentaires et toute activité y étant relative.
A titre d’exemple, en 2019, CrowdTangle avait été utilisé pour déceler les faux horaires d’ouverture des bureaux de vote lors des élections en Louisiane.
Cette suppression a un impact négatif sur la relative transparence des réseaux sociaux et inquiète outre-Atlantique à l’approche des élections présidentielles de novembre.
L’entreprise a, de son côté, justifié ce retrait par un impératif de sécurité, en s’engageant à fournir prochainement un logiciel plus efficace.
L’intervention de la Commission
En réaction à cette suppression, la Commission a sommé Meta de s’expliquer. Elle souhaite que l'entreprise lui donne des informations claires au sujet de la manière dont elle compte améliorer ses outils de surveillance des contenus se rapportant à la société civile.
Un porte-parole du géant du numérique à notamment indiqué que, pour remplacer CrowdTangle, l’entreprise a :
“créé de nouveaux outils plus complets pour les chercheurs, appelés Meta Content Library & API ».
Au sujet de cette bibliothèque de contenu et de l’interface de programmation d’applications (API), la Commission exige des précisions concernant le processus de demande à formuler, les données auxquelles il est possible d'accéder et les fonctionnalités proposées.
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Une enquête ouverte contre Meta fin avril
Cette obligation de renseignement s’inscrit dans le cadre de l’enquête ouverte par la Commission le 30 avril 2024 en application du DSA pour lutter contre la désinformation à l’aune des élections européennes.
Déjà à cette époque, Bruxelles critiquait le projet de Meta d'abandonner son outil de veille publique en temps réel, CrowdTangle, sans proposer de solution de remplacement adéquate.
Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission chargée de la Concurrence, avait notamment expliqué que :
« Nous soupçonnons que la modération de Meta est insuffisante et qu’elle manque de transparence concernant les publicités et les procédures de modération des contenus ».
La société mère de Facebook et Instagram avait alors fourni, fin mai, des tableaux via CrowdTangle afin de permettre à tout citoyen européen de suivre ce que publiaient les principaux candidats aux élections européennes sur leurs pages officielles et de campagne.
Meta : un contrôleur d’accès soumis à des obligations
Meta a également été désigné le 6 septembre 2023 comme étant un contrôleur d’accès (ou gatekeeper) par la Commission en vertu du DMA.
Facebook et Instagram sont, quant à elles, des très grandes plateformes en ligne (ou VLOP) devant respecter des normes du DSA plus strictes. Ces obligations peuvent inclure de mettre en place des moyens efficaces de s’assurer des risques relatifs à la sécurité publique et liés aux élections.
Pour rappel, le DSA, ou Règlement du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques, a pour objectif d'uniformiser les règles applicables à ces services dans le but de garantir un environnement en ligne sûr, prévisible et de confiance, en luttant contre la diffusion de contenus illicites en ligne et contre les risques pour la société que la diffusion d’informations trompeuses ou d’autres contenus peut produire.
Dans le cadre de la suppression de CrowdTangle, le géant des réseaux sociaux a jusqu’au 6 septembre pour communiquer à la Commission les informations demandées.
La Commission pourrait décider, en fonction des informations transmises, soit :
- d’accepter les engagements de Meta,
- de prononcer des mesures provisoires ou des décisions de non-conformité.