A la suite d’une demande préjudicielle formée par la cour de Szeged, en Hongrie, la CJUE a estimé que la réglementation relative au prix et à la quantité de certains produits agricoles vendus par les distributeurs alimentaires hongrois était contraire au droit de l’Union.
Une politique anti-inflationniste
Dans un arrêt rendu le 12 septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a eu l’occasion de statuer sur la politique de fixation des prix et des quantités vendues imposée aux distributeurs alimentaires en Hongrie.
Au début de l’année 2022, le gouvernement hongrois avait adopté un décret aux fins de limiter l’augmentation des prix de certaines denrées alimentaires et de prévenir leur pénurie, à la suite de la pandémie du COVID-19. Certains types de sucre, de farine de blé, d’huile de tournesol, de viande de porc et de volaille, ainsi que de lait, étaient concernés par ces nouvelles dispositions.
En vertu de ce décret, le prix brut de vente pratiqué par les distributeurs ne pouvait être supérieur à celui qui était appliqué au 15 octobre 2021. Par ailleurs, il appartenait à ces distributeurs de proposer aux consommateurs la vente d’une quantité minimale de marchandises, qui devait être au moins égale à celle proposée en 2021.
A partir de 2022, et en réponse à la guerre en Ukraine, le gouvernement hongrois a étendu cette réglementation aux œufs et aux pommes de terre.
En cas d’infraction à ces dispositions, le distributeur contrevenant était susceptible de voir une amende prononcée à son encontre.
La comptabilité avec le règlement OCM questionnée
La question de la compatibilité de cette réglementation avec le droit de l’Union s’est néanmoins posée après que les autorités hongroises ont infligé une amende à un distributeur, exerçant sous l'enseigne SPAR, en raison de la trop faible quantité de marchandises qu’il proposait à la vente.
Après s’être vu infligé une amende, le distributeur concerné a introduit un recours en annulation de cette sanction devant les juridictions hongroises, qui ont posé deux questions préjudicielles à la CJUE.
Ces questions portaient sur la compatibilité des obligations comprises dans le décret hongrois sur la fixation des prix et des quantités proposées à la vente avec le règlement Organisation Commune des Marchés, en matière agricole, dit aussi règlement OCM.
Le règlement OCM est un règlement adopté en 2021 et destiné à modifier d’autres règlements européens pris dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC). Les produits concernés par les dispositions hongroises entraient bien dans le champ d’application du règlement OCM, ce qui a permis à la CJUE d’analyser la compatibilité du règlement hongrois au cadre législatif de l’Union européenne.
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Un règlement portant atteinte à la libre-concurrence
La conclusion de l’arrêt de la CJUE est sans appel : la réglementation des prix et des quantités de marchandises vendues, en vigueur en Hongrie, est contraire au règlement OCM, en particulier au principe de libre concurrence que celui-ci consacre.
Après avoir rappelé qu’un Etat-membre doit s’abstenir de prendre des mesures de nature à porter atteinte à un règlement OCM (§36) et que la libre fixation des prix constitue un principe défendu par ce règlement (§37), la Cour admet qu’il est loisible à un Etat membre d’adopter une législation de nature à porter atteinte au fonctionnement du marché intérieur, si c’est dans le but de poursuivre un objectif d’intérêt général, quand bien même celui-ci serait différent de ceux qui sont consacrés par l’OCM (§38).
Cette faculté est néanmoins soumise à deux conditions :
- La législation doit permettre de réaliser l’objectif poursuivi et
- La législation ne doit pas prévoir de mesures dépassant ce qui est nécessaire à l’atteinte de l’objectif (§38).
En l’espèce, les objectifs poursuivis par le gouvernement hongrois étaient la lutte contre l’inflation et la protection des consommateurs défavorisés (§41). La Cour a estimé que l’Etat membre pouvait prendre des mesures en vue de protéger ces intérêts, en l’absence de compétence de la Commission pour ce faire (§§42 et 43).
Néanmoins, la Cour estime que le décret pris par le gouvernement était trop attentatoire au principe de libre accès des distributeurs au marché dans des conditions de concurrence effective et que la chaîne d’approvisionnement était trop perturbée par les prix imposés par le gouvernement hongrois (§47).
En cela, la Cour a considéré que les mesures prises en Hongrie étaient disproportionnées par rapport aux dispositions qu’il était nécessaire de prendre, au regard du contexte de la crise du Covid-19 et de la guerre en Ukraine (§46).