Encadrement juridique de la rupture des pourparlers
L'article 1112, alinéa 2, du Code civil prévoit la réparation du préjudice résultant d'une “faute commise dans les négociations”. L'emploi par le législateur du terme “faute” couvre, par sa portée générale, la jurisprudence relative à l'exigence de bonne foi dans la rupture, ainsi que l'abus dans la rupture en tant que tel.
L'abus du droit de rompre les pourparlers
L'abus du droit de rompre les pourparlers réside dans une faute caractérisée par le fait de tromper la confiance du partenaire. Rompt abusivement les pourparlers, la société, qui, alors qu'elle a interrompu les négociations avancées qu'elle entretenait avec la société plaignante par un simple appel téléphonique, déclare, sans en justifier, qu'elle s'était enquis des intentions de cette dernière avant de s'engager avec un tiers. Un abus est ainsi nécessairement constitué, lorsque la poursuite des pourparlers qui ont été rompus, a été motivée par une intention de nuire.
Rupture unilatérale sans motif légitime
Par ailleurs, une rupture unilatérale de pourparlers, même sans intention de nuire, est abusive dès lors qu'elle est dépourvue de motifs légitimes. Le fait, pour une société, de laisser espérer à une autre pendant quatre années un accord définitif qui n'a été abandonné, selon ses propres dires, que pour des considérations internes au groupe ne mettant aucunement en cause la qualité du produit, caractérise une rupture de pourparlers intervenue sans motif légitime.
Limites à la réparation du préjudice en cas de rupture
La réparation du préjudice qui résulte d’une faute commise dans les négociations ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages. Ainsi, la société qui n'établit pas qu’elle a, en raison du manquement des actionnaires à leur obligation de négocier de bonne foi, perdu une chance sérieuse de réaliser une autre opération d’investissement, ne peut obtenir réparation de ce chef de préjudice.
Évaluation du préjudice par les juges du fond
La rupture abusive des pourparlers, comme la faute commise dans la conduite des pourparlers, cause un préjudice dont l'évaluation relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, comme le rappelle souvent la Cour de cassation. La réparation intégrale de ce préjudice réside dans les frais liés au travail, aux études et prestations exposées sans imprudence par l'autre partie, en vue de conduire à bonne fin les négociations, à condition qu'elle en justifie.