Introduction au mandat apparent et théorie de l’apparence
Le mandat apparent constitue une illustration de la théorie de l'apparence, création d'origine jurisprudentielle, qui équivaut à un quasi-contrat, en ce sens qu'elle fait produire à une situation de fait apparente des effets juridiques analogues à ceux d'un contrat. Les dispositions consacrées au contrat de mandat dans le Code civil n'évoquent pas le mandat apparent. Cependant, la réforme du droit des contrats a entériné la théorie de l'apparence à l'article 1156, alinéa 1er, du Code civil, selon lequel l'acte réalisé par le représentant sans pouvoir ou hors la limite de ses pouvoirs est inopposable au représenté, “sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté”. Le texte ajoute dans un second alinéa que lorsque le tiers contractant ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, il peut en invoquer la nullité.
Différences fondamentales entre mandat apparent et ratification
Par certains aspects, le mandat apparent peut être rapproché de la ratification dans la mesure où il permet à un acte contracté par le mandataire, en l'absence de mandat ou en dépassement de ses pouvoirs, et donc en principe nul ou inopposable, de produire effet à l'égard du tiers contractant. Mais l'analogie s'arrête là, car, contrairement à la ratification, qui manifeste la volonté non équivoque du mandant d'entériner l'acte et vaut dès lors tant entre les parties au mandat, c'est-à-dire entre le mandant et le mandataire, qu'entre le mandant et le tiers contractant, le mandat apparent ne s'applique que dans les rapports du mandant avec le tiers contractant, victime de l'apparence, laquelle justifie qu'un régime de protection soit accordé à ce dernier. En outre, l'acte ratifié revêt une nature contractuelle tandis que le mandat apparent repose sur un fait juridique.
Les conditions nécessaires pour invoquer un mandat apparent
Le mandat apparent suppose l'application de conditions étroitement imbriquées : la croyance légitime du tiers contractant en l'apparence d'un mandat, sachant que, selon la jurisprudence, le caractère légitime de cette croyance suppose des circonstances, auxquelles le mandant n'est pas complètement étranger, autorisant le tiers à ne pas vérifier les pouvoirs du mandataire.
Le rôle des circonstances dans la légitimité de la croyance en l’apparence
La théorie de l'apparence visant à protéger le tiers qui s'est légitimement mépris sur la qualité de mandataire du signataire de l'acte, elle s'applique en premier lieu lorsque l'apparence de mandat a été provoquée par le mensonge ou la ruse. La croyance du tiers contractant en l'apparence d'une représentation résulte généralement des circonstances, qui peuvent être objectivement trompeuses, dans lesquelles l'acte litigieux a été conclu. Quelle que soit la variété des circonstances rencontrées, la Haute juridiction considère que la croyance légitime du tiers en l'apparence d'un mandat doit s'apprécier à la date de la conclusion de l'acte. L'existence de liens contractuels antérieurs, d'une pratique habituelle ou établie dans la durée ont également été retenues par la jurisprudence comme facilitant la croyance du tiers contractant en l'apparence.
Les cas excluant une croyance légitime en l’apparence de mandat
Le tiers contractant pouvant être victime, en dehors de tout stratagème, d'une apparence trompeuse, la jurisprudence a cherché à déterminer les circonstances pouvant légitimer la croyance du tiers en l’apparence de mandat, autrement dit les circonstances l'autorisant à ne pas vérifier les pouvoirs du mandataire. Parmi ces circonstances, figurent selon les juges, les fonctions du prétendu mandataire, les usages professionnels ou l'existence de liens familiaux entre le mandant et le prétendu mandataire. Certaines circonstances, à l'inverse, rendent inexcusable la croyance du tiers en l'apparence d'un mandat. Selon la Cour de cassation, une situation anormale, qui, en principe, incite tout contractant à la prudence ou, à tout le moins, à se renseigner, exclut la croyance légitime du tiers en l'apparence. Par ailleurs, les juges apprécient plus durement la croyance légitime du tiers contractant lorsqu'il revêt la qualité de professionnel.
Engagement du mandant sans faute selon la jurisprudence
Même si, par un arrêt de 1962, rendu en Assemblée plénière, la Cour de cassation a posé le principe que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, les juges justifient souvent la caractérisation d'un mandat apparent par le fait que le mandant “n'est pas étranger à l'apparence créée”. Faisant la synthèse entre ces positions, plus complémentaires qu'antagonistes, la Haute juridiction a récemment énoncé que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances, auxquelles le mandant n'est pas complètement étranger, autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs. Selon la jurisprudence, le mandant n'est pas étranger à la formation de l'apparence, notamment lorsqu'il n'informe pas le tiers contractant que le mandataire, qui le représentait auparavant officiellement ou avec lequel ce dernier traitait habituellement, ne le représente plus.
Les effets concrets du mandat apparent en pratique
En pratique, la croyance légitime du tiers en l'apparence entérine les actes accomplis par le mandataire en l'absence ou au-delà de son mandat, de sorte que le mandant est tenu de les exécuter, alors même qu'il ne les a pas souhaités. En outre, selon la Haute juridiction, si, en principe, le mandant n'est pas engagé à l'égard des tiers pour ce que le mandataire a pu faire au-delà du pouvoir qui lui a été donné, il en est autrement lorsqu'il résulte des circonstances, constatées et souverainement appréciées par les juges du fond, que le tiers a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d'un mandat et dans la limite de ce mandat. En d’autres termes, celui qui a laissé créer une apparence de mandat est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire ou doit réparer le dommage causé aux tiers, comme s'il avait été un véritable mandant. Le mandat apparent peut ainsi donner effet à l'égard des tiers, à un acte, nul ou inopposable en principe du fait de l'irrégularité de la représentation, en rendant le mandant responsable des engagements contractés par son pseudo mandataire, qu'il le veuille ou non. La Cour de cassation a toutefois rappelé que le mandat apparent a pour seul effet d'obliger le mandant à exécuter les engagements pris envers les tiers par le mandataire apparent, mais non d'y obliger ce dernier.