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- Mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux
- Exonération de la responsabilité du fait des produits défectueux
- Responsabilité du fait des produits défectueux, application de la loi dans le temps
- Responsabilité du fait des produits défectueux, biens à usage professionnel
- Les décisions de justice pertinentes associées
- Compatibilité avec le droit de l'Union
Mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux en droit français de la consommation
À l'instar de l'article 1er de la directive 85/374 qui pose le principe de la responsabilité du producteur, l'article 1245 (ancien art. 1386-1) du Code civil prévoit que “le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime”.
La notion de produit au sens de l'article 1245-2 (art. 2, dir. 85/374) couvre tout “bien meuble, même s'il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche”. L'article 1245-3 (art. 6, dir. 85/374) définit le “produit défectueux” comme celui “qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre” ; celle-ci s'apprécie au regard de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit, de son usage et de sa mise en circulation. Il en résulte que la responsabilité du producteur peut être mise en cause pour un défaut inhérent à la fabrication ou à la conception du produit ou encore pour un défaut d'information ou de présentation qui compromet la sécurité de l'utilisateur, sachant que le niveau d'information délivré doit être adapté à la dangerosité du produit. Ainsi, le défaut d'information sur le danger potentiel particulier d'un produit suffit à caractériser sa défectuosité : la présentation d'un produit de charcuterie, ludique et attractive dans son mode de consommation, sous forme de billes logées dans une boîte en carton semblable à un pot de glace et aux couleurs acidulées, qui n'attire pas l'attention des consommateurs sur le risque connu et grave de suffocation ou d'asphyxie lors de la déglutition par de jeunes enfants, suffit à caractériser son défaut de sécurité.
Est producteur au sens de l'article 1245-3 (art. 6, paragr. 1 et 2, dir. 85/374), “lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante”. Sont assimilés par ce texte au producteur toute “personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif” ainsi que l'importateur. La victime pourra à son choix actionner le producteur seul ou avec les producteurs assimilés. A défaut d'identification du producteur, le fournisseur (qui peut être, notamment, le vendeur ou le loueur) est responsable du défaut de sécurité du produit, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée (art. 1245-6 ; art 6, paragr. 3, dir. 85/374). Si la responsabilité du fournisseur ne peut être que subsidiaire par rapport à celle du producteur, les textes prévoient une hypothèse de responsabilité solidaire : en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables (art. 1245-7 ; art. 5 de la directive 85/374).
Le dommage réparable au sens de l'article 1245-1 du Code civil suppose une atteinte corporelle ou une atteinte matérielle, à condition toutefois dans ce dernier cas qu'elle ne vise pas le produit défectueux en lui-même et sous déduction d'une franchise de 500 euro. Contrairement à l'article 9 de la directive, ce texte n'évoque ni la réparation du dommage immatériel, ni la condition d'affectation du produit à un usage privé. Toutefois, l'article 1245-14 qui interdit par principe les clauses qui écartent ou limitent la responsabilité du producteur du fait de son produit défectueux, prévoit, pour les dommages causés aux biens qui ne sont pas utilisés par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privée, que les clauses stipulées entre professionnels sont valables.
L'article 1245-8 du Code civil impose au demandeur de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité (en principe direct et certain) entre le dommage et le défaut du produit. La preuve du défaut étant particulièrement difficile à apporter en cas de vice interne du produit à l'origine d'un incendie notamment, certains juges du fond admettent l'existence de preuves négatives, en l'absence d'autres explications, même si la Cour de cassation veille à éviter un renversement de la charge de la preuve. En revanche, dans le domaine médical, lorsqu'il s'agit de démontrer la défectuosité de vaccins à l'origine du développement de certaines maladies, la Haute juridiction valide depuis peu le recours au système des présomptions qu'elle n'autorisait auparavant que dans le cadre de l'établissement du lien de causalité entre le défaut et le dommage. Dans le domaine médical seulement, la Cour de justice admet un allègement du fardeau de la preuve puisque le constat d'un défaut potentiel de produits médicaux qui relèvent de la même série de production permet de qualifier de défectueux un tel produit sans qu'il soit besoin de constater dans ce produit ledit défaut.
L'action en responsabilité du fait des produits défectueux est enfermée dans un double délai : elle doit être intentée dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur (art. 1245-16, C. civ. ; art. 10, dir. 85/374) et s'éteint dans les dix ans après la mise en circulation du produit qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice (art. 1245-15, C. civ. ; art. 10, dir. 85/374).
Avant même l’adoption de la directive 85/374, le juge français a développé un droit protecteur de la victime d’un produit défectueux en mettant à la charge du producteur une obligation de sécurité fondée sur l’article 1147 (devenu l’art. 1231-1) ou 1603 du Code civil, ou plus rarement les articles 1382 (devenu l’art. 1240) ou 1384, alinéa 1er (devenu l’art. 1242, al. 1er), qu’elle a fait évoluer dans le temps en l’interprétant à la lumière de la directive. De manière générale, les juges avaient tendance à étendre les limites du champ d’application de la responsabilité contractuelle, mais le développement du régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux prévu aux articles 1245 et suivants (anciens art. 1386-1 s.) du Code civil a stoppé cette expansion : à l’instar de l’article 13 de la directive, l’article 1245-17, alinéa 1er, prévoit en effet que la victime peut se prévaloir des droits qu’elle tire du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou d’un régime spécial de responsabilité. Mais, selon la Cour de justice, cette éventualité doit s’interpréter restrictivement et s’entendre comme une interdiction pour les États membres de maintenir un régime de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui prévu par la directive. En conformité avec la jurisprudence européenne, le juge français considère que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux exclut l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun, fondés sur le défaut d’un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, à l’exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés. L’article 1245-17 interdit donc à la victime d’un dommage causé par un produit défectueux de fonder son action sur l’obligation de sécurité instituée sur le fondement de l’article 1231-1 ou 1603 du Code civil ou d’intenter une action en responsabilité pour faute ou en responsabilité du fait des choses, dès lors qu’en réalité elle ne fait qu’invoquer le défaut du produit au sens 1245-3 du Code civil. Ce texte s’oppose également à la mise en œuvre de la responsabilité civile du producteur, lorsqu’elle sanctionne la violation de l’obligation générale de sécurité prévue à l’article L. 421-3 (ancien art. L. 221-1) du Code de la consommation. En revanche, le droit commun retrouve son empire lorsque le régime spécifique de responsabilité des articles 1245 et suivants (anciens art. 1386-1 et s.) du Code civil n’est pas applicable.
Le droit de l’Union ne s’oppose pas non plus à l’application de régimes spéciaux de responsabilité lorsqu’ils sont limités à un secteur déterminé de production ou que le dommage n’entre pas dans le champ d’application de la directive. En droit interne, la responsabilité du constructeur prime sur le régime issu de la directive 85/374 en application de l’article 1245-5 (ancien art. 1386-6) du Code civil en vertu duquel ne sont pas considérées comme “producteurs (...) les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 et 1646-1”. La responsabilité du fait des produit défectueux demeure toutefois applicable aux matériels défectueux, non qualifiés d’éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire (EPERS) au sens de l’article 1792-4 du Code civil, qui institue au profit du maître de l’ouvrage une responsabilité solidaire du fabricant ou de l’importateur d’éléments préfabriqués.
De même, la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, bien que seule applicable pour statuer sur la responsabilité d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, ne fait pas obstacle à la recherche de la responsabilité d’un tiers non conducteur, tel le fabricant du véhicule, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. A contrario, l’implication d’un véhicule au sens de la loi de 1985 ne saurait engager de facto la responsabilité du fabricant au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Enfin, en matière de responsabilité médicale, chaque fois qu’un produit de santé présentant un défaut cause un dommage, la victime peut engager la responsabilité du professionnel de santé sur le fondement de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1, du Code de la santé publique. Il existe deux grandes catégories de produits de santé :
- les produits pharmaceutiques, qui comprennent notamment les médicaments, les produits cosmétiques, etc. ;
- les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et autres produits et objets réglementés dans l’intérêt de la santé publique ;
lorsque le défaut résulte d’un défaut d’un produit autre qu’un produit de santé, par exemple d’un implant, les
articles 1245 et suivants du Code civil s’appliquent.
Exonération de la responsabilité du fait des produits défectueux en droit français de la consommation
Les articles 1245-10 à 1245-13 (anciens art. 1386-11 à 1386-14) du Code civil énumèrent les causes d'exonération de la responsabilité du producteur. Conformément à l'article 8 de la directive 85/374, le législateur français a prévu une limitation de la responsabilité en cas de faute de la victime, et a repris les cas d'exonération énoncés à l'article 7 de la directive, relatifs à l'absence de mise en circulation du produit par le producteur, à l'antériorité du vice par rapport à sa mise en circulation, à l'absence de destination du produit à la vente, au risque de développement, au défaut de conformité du produit à des règles impératives législatives ou réglementaires et à la responsabilité du concepteur du produit, lorsque le produit défectueux a fait l'objet d'une incorporation. Limitativement énumérés, ces cas d'exonération font l'objet d'une interprétation stricte, afin de sauvegarder les intérêts des victimes d'un dommage causé par un produit défectueux. L'article 1245-10, 5° du Code civil permet ainsi au producteur de s'exonérer de sa responsabilité en prouvant que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire. Cette disposition doit être combinée avec l'article 1245-9 du Code civil qui prévoit que “le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative”. Pour bénéficier de cette cause d'exonération, le producteur doit démontrer que le défaut n'est que la conséquence de l'application des règles impératives légales ou réglementaires, et pas seulement qu'il a confectionné le produit conformément aux règles de l'art. Selon l'article 1245-12, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et la faute de la victime qui n'est pas nécessairement intentionnelle. La faute de la victime revêt un caractère totalement exonératoire lorsqu'elle présente les caractéristiques de la force majeure : extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité. En revanche, l'article 1245-13 du Code civil dispose que “la responsabilité du producteur envers la victime n'est pas réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage”.
Responsabilité du fait des produits défectueux (application de la loi dans le temps) en droit français de la consommation
En droit français, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux a posé quelques difficultés quant à son application dans le temps. Alors que le délai de transposition de la directive 85/374 était de trois ans, la France ne l'a transposée qu'en 1998, après avoir été condamnée pour manquement, sachant qu'avant même l'adoption de la directive 85/374 et sa transposition par la loi du 19 mai 1998, la jurisprudence française avait mis à la charge du fabricant, sur un fondement contractuel ou délictuel, une obligation de sécurité qu'elle a fait évoluer dans le temps en l'interprétant à la lumière de la directive. L'article 13 de la directive interdisant, selon la Cour de justice, aux États membres de maintenir un régime de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui qu'elle prévoit, il en résulte que :
- le droit commun de la responsabilité est applicable pour les produits mis en circulation avant la date d'expiration du délai de transposition (le 30 juillet 1988) et a fortiori avant la notification de la directive 85/374, puisqu'aucun régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux n'existait ou ne devait exister en vertu du droit de l'Union, antérieurement à cette date ;
- le régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux est applicable, à l'exclusion du droit commun, pour les produits mis en circulation après l'entrée en vigueur de la loi de transposition du 19 mai 1998 (le 21 mai 1998) ;
- le droit commun s'applique, interprété “à la lumière de la directive” par les juridictions, pour les produits mis en circulation après le 30 juillet 1988 et avant le 21 mai 1998.
Toutefois, selon la Cour de cassation, l'obligation pour le juge national de se référer au contenu de la directive lorsqu'il interprète et applique le droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment les principes de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité : en particulier, cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national. Aussi l'action en responsabilité délictuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi de transposition de cette directive, doit-elle se prescrire par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé en application de l'article 2226 du Code civil, les dispositions du droit interne ne pouvant faire l'objet, sur ce point, d'une interprétation conforme au droit de l'Union.
Responsabilité du fait des produits défectueux (biens à usage professionnel) en droit français de la consommation
La directive 85/374 ne vise que les dommages aux biens qui sont d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés, et qui ont été utilisés par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés (Dir. 85/374, art. 9, b) i) et ii)). Le texte prévoit par ailleurs que le producteur n'est pas responsable s'il prouve “que le produit n'a été ni fabriqué ou distribué dans le cadre de son activité professionnelle” (Dir. 85/374, art. 7, c)). En revanche, le droit français ne distingue pas selon que la victime revêt ou non la qualité de professionnel. De plus, l'article 1245-14 (ancien art. 1386-15) in fine reconnaît la validité des stipulations contractuelles qui limitent la réparation des dommages causés aux biens qui ne sont pas utilisés par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privée. Pour le juge de l'Union, la directive ne s'oppose pas à ce qu'un État membre adopte ou maintienne un régime de responsabilité du fait des produits défectueux qui permette la réparation des dommages causés aux biens destinés à un usage professionnel, dès lors que de tels dommages ne relèvent pas de son champ d'application. La Cour de cassation s'est alignée sur cette solution : en l'absence de limitation du droit national par la directive, l'article 1245-1 du Code civil s'applique au dommage causé à un bien destiné à l'usage professionnel.
Les décisions de justice pertinentes associées à la responsabilité du fait des produits défectueux en droit français de la consommation
- CA Douai, 3e ch., 6 juin 2024, n° 23/01990
- CA Lyon, 1re ch. civ. B, 4 juin 2024, n° 23/04512
- CA Lyon, 1re ch. civ. B, 4 juin 2024, n° 22/03700
- CA Metz, 1re ch., 28 mai 2024, n° 21/02555
- CA Metz, 1re ch., 23 mai 2024, n° 22/00244
- CA Bordeaux, 1re ch. civ., 14 mai 2024, n° 21/05939
- TJ Lyon, 4e ch., 8 avril 2024, n° 20/02397
- TJ Lyon, 4e ch., 8 avril 2024, n° 22/07778
- CA Orléans, ch. civ., 26 mars 2024, n° 21/01467
- Cass. 1re civ., 20 mars 2024, n° 22-22.291
- CA Lyon, 1re ch. civ. a, 29 février 2024, n° 19/02885
Responsabilité du fait des produits défectueux/Champ d'application/Compatibilité avec le droit de l'Union dans l'ouvrage "Droit de la consommation" de Louis Vogel et Joseph Vogel
L'introduction en droit français de la responsabilité du fait des produits défectueux conformément à la directive 85-374 (Dir. 85-374 du 25 juillet 1985, JOCE L 210 du 7 août 1985, 29) a soulevé de nombreuses difficultés. Tout d'abord, alors que le délai de transposition était de trois ans, la France n'a transposé cette directive qu'en 1998 (L. 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, JO du 21 mai 1998, 7744), après avoir été condamnée en 1993 à la suite d'une procédure en manquement engagée par la Commission (CJCE, 13 janvier 1993, Commission c/ France, aff. C-293-91, C-293/91, D. 1993, 566, obs. CLERGERIE). La loi 98-389 du 19 mai 1998 a finalement créé un titre IV bis dans le Code civil consacré à la responsabilité du fait des produits défectueux régie par les articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil (Sur la transposition de la directive : LAPORTE, Responsabilité du fait des produits défectueux : la France à nouveau épinglée, Contrats Conc. Consom. juillet 2000, n° 11 ; CALAIS-AULOY, Menace européenne sur la jurisprudence française concernant l'obligation de sécurité du vendeur professionnel, D. 2002, doctr., 2458 ; L'obligation de sécurité du vendeur professionnel après l'arrêt CJCE du 25 avril 2002, D. 2002, Chron., 2458 ; DABURON, Nouvelle condamnation de la France pour transposition incorrecte de la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, LPA 5 novembre 2002, 11 ; LARROUMET, Les transpositions française et espagnole de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux devant la CJCE, D. 2002, 2462 ; RAYMOND, La France est sanctionnée pour avoir mal transposé la directive n° 85-374 du 25 juillet 1985, Contrats Conc. Consom. 2002, n° 117 ; GORNY, Une révolution inaperçue (à propos des arrêts de la CJCE du 25 avril 2002), LPA 9 mai 2003, 4.).
Cette loi a cependant été jugée non conforme au droit de l'Union par la Cour de justice qui, par trois arrêts du 25 avril 2002, s'est prononcée sur la transposition de la directive en France (CJCE, 25 avril 2002, Commission des Communautés européennes c. République française, aff. C-52-00, C-52/00, Contrats Conc. Consom. 2002, nº 26, obs. RAYMOND ; D., 2002, Chron., 2458, obs. CALAIS-AULOY ; JCP G, 2002, I, 177, obs. VINEY ; D., 2003, 1299, obs. JONQUET, MAILLOLS, VIALLA ; LPA, 2003, nº 93, 4, obs. GORNY ; LPA, 2003, nº 99, 9, obs. ROBIN-OLIVIER et BERGÉ ; Rev. Marché commun, 2002, 379, obs. KLAGES ; D. 2002, 2462, obs. LARROUMET ; RTD civ. 2002, 523, obs. JOURDAIN ; D. 2002, 2935, obs. PIZZIO), en Espagne (CJCE, 25 avril 2002, Commission des Communautés européennes c. République hellénique, aff. C-154-00, C-154/00, Contrats Conc. Consom. 2002, n° 117, obs. RAYMOND) et en Grèce (CJCE, 25 avril 2002, aff. C-183-00, María Victoria González Sánchez c. Medicina Asturiana SA, C-183/00, Contrats Conc. Consom. 2002, n° 117, obs. RAYMOND ; D. 2002, 2462, obs. LARROUMET ; RTD civ. 2002, 523, obs. JOURDAIN ; RTD com. 2002. 585, obs. LUBY ; RDC 2003, 107, obs. BRUN ; D. 2002, 2937, obs. PIZZIO). L'État français a ainsi été condamné pour avoir édicté des dispositions plus protectrices du consommateur que ne le prévoyait la directive, d'harmonisation maximale. La Cour de justice a reproché trois manquements à l'État français. Pour les dommages subis aux biens, la législation française (art. 1386-2 C. civ.) ne prévoyait pas le seuil de 500 euro (Dir. 85-374, art. 9, b)) en dessous duquel un consommateur qui demande le remboursement des dommages ne bénéficie pas des règles de preuve plus avantageuses offertes par la directive, à savoir le défaut d'obligation de prouver un manque de diligence du producteur. Par ailleurs, le Code civil disposait que le fournisseur professionnel était responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur (art. 1386-7 C. civ.), alors que la directive ne retient la responsabilité du fournisseur qu'à titre subsidiaire lorsque le producteur est inconnu (Dir. 85-374, art. 3, paragr. 3). Enfin, si la directive laisse aux États membres le choix de retenir ou non la cause d'exonération pour risque de développement (Dir. 85-374, art. 15), la position médiane de l'État français, qui consacrait cette cause d'exonération, mais la soumettait au respect par le producteur d'une obligation de suivi du produit (art. 1386-12 C. civ.), a été déclarée incompatible avec le texte européen. Prenant acte de cette condamnation, le législateur français a modifié les trois articles en cause lors de l'adoption de la loi 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit (JO du 10 décembre 2004, 20857).
Cependant, par un arrêt du 14 mars 2006 (CJCE, 14 mars 2006, C-177-04, Commission c. République française, C-177/04, Europe, 2006, nº 143, obs. RIGAUX ; JCP G, 2006, 166, obs. STOFFEL-MUNCK), la Cour de justice a de nouveau constaté le non-respect par le droit français de la directive. Elle a, en effet, estimé qu'en continuant de considérer le fournisseur du produit défectueux responsable au même titre que le producteur lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le fournisseur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de son propre fournisseur, l'État français n’a pas mis en œuvre les mesures que comporte l’exécution complète de l’arrêt du 25 avril 2002 en ce qui concerne la transposition de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 85-374 (CJCE, 14 mars 2006, C-177-04, Commission c. République française, pt 55, C-177/04, Europe, 2006, nº 143, obs. RIGAUX ; JCP G, 2006, 166, obs. STOFFEL-MUNCK). Pour parachever le processus de transposition, la France a donc adopté la loi 2006-406 du 5 avril 2006 (L. 2006-406 du 5 avril 2006 relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux, JO du 6 avril 2006, 5198) qui a mis les articles 1386-1 et suivants du Code civil en parfaite conformité avec le texte européen. Enfin l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du Code civil a recodifié les articles 1386-1 et suivants aux articles 1245 et suivants, qui figurent dans un sous-titre consacré à la responsabilité extracontractuelle.
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Agricow SRL (Sté) c. Gaec des Landes (Sté), GFA des Etangs (Sté), Animat Inc (Sté) - Evaluation du préjudice - L'évaluation du préjudice subi en raison de la défectuosité des produits livrés implique de prendre en considération la perte de production et les surcoûts engendrés. - Prescription triennale - L'action en réparation fondée sur les dispositions relatives au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur…
CA Chambéry, 2e ch., 26 octobre 2023, n° 21/02295
Fromagerie d'Eteaux (SNC) c. Groupama Rhône Alpes Auvergne (Sté) - Nécessité d’un danger anormal - La présence de salmonelles dans le lait constitue un défaut au sens de l'article 1245-3 du Code civil dans la mesure où cette contamination rend le lait impropre à son utilisation pour l'élaboration des reblochons et n'offre donc pas la sécurité à laquelle l'acquéreur et le sous-acquéreur concernés pouvaient légitimement s'attendre. - Dangerosité - Les salmonelles détectées après l'achat de lait, au moyen d'analyses des échantillons prélevés, s'entendent d'un…
CA Chambéry, 2e ch., 12 octobre 2023, n° 21/01822
Leroy Merlin France (SA) c. Cabestan (SA) - Articulation avec les autres régimes de responsabilité - La garantie des vices cachés, qui suppose la démonstration de ce que le produit acheté est affecté d'un vice caché, antérieur à la vente et qui le rend impropre à son usage, et la responsabilité du fait des produits défectueux constituent des régimes de responsabilité objective, non exclusifs l’un de l’autre, de sorte qu’il appartient seulement au demandeur de démontrer que les conditions du régime choisi....
Cass. 1re civ., 5 juillet 2023, n° 22-18.914
Sanofi Pasteur - Prescription triennale - 1. En cas de pathologie évolutive, qui rend impossible la fixation d'une date de consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage, le délai de prescription triennale, fixé par l'article 1245-16 du Code civil, ne peut commencer à courir. 2. Une cour d'appel ne peut déclarer irrecevable une action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux sans rechercher si le dommage de la victime était consolidé, et, à défaut si sa…
CA Douai, 3e ch., 21 septembre 2023, n° 22/05464
Philips Rs North America LLC (Sté), Philips France Commercial (SASU) - Risque de développement - La plaignante est fondée à solliciter une mesure d'instruction avant-procès consistant à déterminer si l'usage du dispositif médical par pression positive continue (PPC), utilisé pour le traitement de son apnée du sommeil, a eu des effets néfastes sur son état de santé, dès lors que la propre notice de sécurité du fabricant, même si elle ne constitue pas un aveu d'un défaut affectant l'exemplaire qu'elle utilise ne…
Cass. 1re civ., 5 juillet 2023, n° 22-18.914
Sanofi Pasteur - Prescription triennale (2) - 1.En cas de pathologie évolutive, qui rend impossible la fixation d'une date de consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage, le délai de prescription triennale, fixé par l'article 1245-16 du Code civil, ne peut commencer à courir. 2. Une cour d'appel ne peut déclarer irrecevable une action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux sans rechercher si le dommage de la victime était consolidé, et, à défaut, si…
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Législation / Articles de loi
Article 9 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
Au sens de l'article 1er, le terme " dommage " désigne: a) le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles; b) le dommage causé à une chose ou la destruction d'une chose, autre que le produit défectueux lui-même, sous déduction d'une franchise de 500 euro, à conditions que cette chose: i) soit d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés et ii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés.
Article 1 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit.
Article 10 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
1. Les États membre prévoient dans leur législation que l'action en réparation prévue par la présente directive se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur. 2. Les dispositions des États membres réglementant la suspension ou l'interruption de la prescription ne sont pas affectées par la présente directive.
Article 11 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
Les États membres prévoient dans leur législation que les droits conférés à la victime en application de la présente directive s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit, même qui a causé le dommage, à moins que durant cette période la victime n'ait engagé une procédure judiciaire contre celui-ci.
Article 12 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
La responsabilité du producteur en application de la présente directive ne peut être limitée ou écartée à l'égard de la victime par une clause limitative ou exonératoire de responsabilité.
Article 13 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive.
Article 14 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
La présente directive ne s'applique pas aux dommages résultant d'accidents nucléaires et qui sont couverts par des conventions internationales ratifiées par les États membres.
Article 15 de la Directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
1. Chaque État membre peut par dérogation à l'article 7 point e), maintenir ou, sous réserve de la procédure définie au paragraphe 2 du présent article, prévoir dans sa législation que le producteur est responsable même s'il prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler l'existence du défaut. 2. L'État membre qui souhaite introduire la mesure prévue au paragraphe 1 point b) communique à…