Droit européen de la concurrence
Lorsque l'infraction aux règles de concurrence est évidente, il peut s'avérer nécessaire d'en paralyser les effets et, en particulier, d'adopter des mesures intermédiaires, en cours de procédure, à la demande du tiers victime. L'article 8 du règlement 1/2003 dispose : “Dans les cas d'urgence justifiés par le fait qu'un préjudice grave et irréparable risque d'être causé à la concurrence, la Commission, agissant d'office, peut, par voie de décision et sur la base d'un constat prima facie d'infraction, ordonner des mesures provisoires”. La décision est applicable pour une durée déterminée, renouvelable si nécessaire. La recevabilité d'une demande de mesures provisoires est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives : une infraction prima facie et un préjudice grave et irréparable. Les mesures sont provisoires dans la mesure où elles ne peuvent préjuger la décision finale ou en neutraliser par avance les effets.
Pour que des mesures provisoires soient octroyées, les pratiques concernées doivent être prima facie de nature à constituer une violation des règles de concurrence susceptible d'être sanctionnée par une décision de la Commission. Une infraction a priori doit être constatée, et non une infraction claire et flagrante. Il doit être démontré que l'on se trouve en présence d'une infraction hautement vraisemblable. Un dépassement à première vue du cadre des dispositions européennes ou des doutes sérieux peuvent établir la vraisemblance de l'infraction prima facie. Tel est le cas de l'offre de prix inférieurs aux prix de revient par une entreprise en position dominante afin d'éliminer un concurrent, de la limitation de la gamme d'un produit afin de préserver le niveau des prix pratiqués ou du refus d'une entreprise en position dominante d'octroyer une licence d'utilisation de son droit d'auteur.
Par ailleurs, les mesures conservatoires ne sont prises qu'en cas d'urgence établie, en vue de parer à une situation susceptible de causer un préjudice grave et irréparable à la partie qui les sollicite, ou intolérable pour l'intérêt général. La condition relative à l'urgence n'est pas une condition autonome, mais une composante de la condition relative au risque d'un préjudice grave et irréparable. Les mesures provisoires sont, en effet, destinées à éviter qu'un dommage grave et irréparable aux intérêts du demandeur ne soit causé avant qu'il soit statué sur l'action principale. Le dommage est irréparable lorsque la décision que la Commission prendra au terme de la procédure administrative ne sera plus susceptible d'y remédier. Tel est le cas lorsque l'entreprise risque de disparaître du marché ou lorsque le comportement en cause entraîne un désavantage concurrentiel important qui risque de produire un effet durable sur la position du concurrent sur le marché concerné.
Enfin, les mesures doivent se limiter à ce qui est nécessaire sans créer de dommage plus important que celui qu'elles sont destinées à prévenir. La Commission ne peut, dans une décision portant sur des mesures provisoires, ordonner ce qu'elle ne peut pas explicitement imposer dans une décision finale. La Commission n'a la possibilité d'adopter que des mesures se limitant à rétablir la situation préexistante jusqu'à l'adoption de la décision finale. Ces mesures ne doivent pas causer à l'entreprise qui y est soumise un préjudice grave et irréparable. La portée des mesures conservatoires doit donc être réduite lorsque celles-ci ne sont pas proportionnées à l'objectif à atteindre.