Rupture brutale de relations commerciales établies

 

Droit français de la distribution

Jusqu'au 1er juin 2013, pour bénéficier de l'exemption par catégorie, les contrats de distribution automobile devaient, en vertu des règlements automobiles successifs, prévoir une durée de préavis minimale, tant en cas de résiliation ordinaire que de non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée. En principe, le respect du préavis contractuel devait suffire à valider la résiliation du contrat. Cependant, en se fondant sur l'article L. 442-1, II du Code de commerce, le juge s'est arrogé le pouvoir d'apprécier le caractère raisonnable des préavis contractuels. Une telle extension du champ d'application de l'article L. 442-1, II soulève la question de son articulation avec le droit de l'Union.

Il semble difficile d'admettre qu'un préavis prévu par le droit européen de la concurrence puisse être remis en cause par une disposition nationale qui poursuit également un objectif de protection du marché. Ainsi, il a été jugé qu'un concessionnaire résilié pour réorganisation du réseau avec un préavis d'un an ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'ancien article L. 442-6, I, 5º pour contester la durée du préavis, ce texte devant être interprété à la lumière du droit européen qui prime sur le droit national. Il devrait a fortiori en aller ainsi en ce qui concerne le préavis de deux ans du règlement 1400/2002. La Cour d'appel de Versailles n'a pourtant pas adopté cette position puisqu'elle a estimé que les délais de préavis fixés par le règlement 1400/2002, qui n'a pas vocation, selon elle, à suppléer les dispositions d'ordre interne de l'ancien article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ne peuvent servir de référence pour apprécier la durée minimale de préavis due à la victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies. De même, la Cour d'appel de Limoges a considéré que l'ancien article L. 442-6, I, 5°, qui permet d'accorder un délai de préavis supérieur à celui prévu par le règlement automobile, n'est pas contraire à ce texte, qui n'établit, en vertu de ses considérants, que des délais minima. C'est aussi l'avis de la Cour d'appel de Paris qui considère que dans la mesure où les articles 101 et 102 TFUE poursuivent des objectifs différents de ceux visés par l'article L. 442-1, rien ne s'oppose à ce que le juge apprécie le caractère raisonnable du préavis de deux ans accordé par un constructeur automobile en vertu du règlement 1400/2002 au regard de la durée des relations antérieures. Ces solutions apparaissent dénuées de logique puisque la seule question juridique qui se pose est celle de savoir si un contrat exempté de plein droit en droit européen peut être interdit par une règle nationale. En principe, les deux textes ayant pour objet la protection du marché, une réponse négative s'impose. Cette position, critiquable car elle remet en cause le principe de primauté du droit de l'Union, a néanmoins été approuvée par la Cour de cassation.

En dehors de ces cas, la jurisprudence estime que le préavis accordé au distributeur doit, afin de respecter les prescriptions de l'article L. 442-1, II, être suffisant pour lui permettre de se reconvertir. Ainsi, un préavis de deux ans a été jugé raisonnable même lorsque les relations ont duré plus de trente années, eu égard aux possibilités concrètes de reconversion offertes au distributeur évincé. De même, un délai de préavis de six mois pour la résiliation d'un contrat de distribution automobile à durée indéterminée, bien qu'inférieur à celui prévu par le règlement automobile, a été jugé raisonnable dès lors que le distributeur multimarques résilié avait trouvé une solution de substitution avant même l'expiration du préavis contractuel et développé son chiffre d'affaires pendant le préavis. Depuis l'ordonnance du 24 avril 2019, en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois. Le fournisseur qui n'accorde pas le préavis de dix-huit mois s'expose au risque de se voir condamner à un préavis encore plus long par le juge.

L'article L. 442-1, II réserve, in fine, l'hypothèse d'une rupture immédiate fondée sur une inexécution de ses obligations par l'autre partenaire. La rupture des relations commerciales établies ne présente pas de caractère brutal lorsqu'elle intervient dans un contexte d'inexécution prolongée de ses obligations financières par le concessionnaire. Cependant, un manquement aux standards de la marque que le constructeur a toléré pendant plusieurs années ne peut être invoqué pour justifier une rupture immédiate de relations commerciales établies. Le préavis accordé doit, pour présenter un caractère effectif, être respecté. Les relations doivent au cours de cette période être poursuivies selon des conditions sinon identiques, au moins similaires. Selon la jurisprudence, un constructeur ne respecte pas le préavis de rupture lorsqu'il conditionne la signature d'un nouveau contrat à la réalisation, au cours de cette période, de ventes supérieures aux objectifs contractuels.

La jurisprudence récente de la Cour de cassation rendue sur le fondement de l'article L. 442-1, II du Code de commerce tend à rigidifier de plus en plus les relations contractuelles. Le juge apprécie désormais la durée du préavis à respecter et, partant, l'indemnité compensatrice en cas de préavis insuffisant, de manière théorique, au jour de l'ouverture de la lettre de résiliation, sans tenir compte de la reconversion réussie du distributeur avant la fin du préavis théorique qui aurait dû lui être accordé. Une telle règle peut en pratique conduire à l'octroi d'une indemnité en l'absence de tout préjudice, solution difficile à fonder sur un texte censé réparer un préjudice.

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