Droit français de la distribution
Le droit de propriété sur la marque conféré à son titulaire par l'article L. 713-1 du Code de la propriété intellectuelle est limité par les dispositions de l'article L. 713-4 relatives à l'épuisement des droits. Selon cette théorie, initialement consacrée par la Cour de justice pour assurer la libre circulation des marchandises au sein de l'Union, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été commercialisés sous cette marque dans l'Espace économique européen (EEE) avec le consentement du titulaire, directement ou par un intermédiaire. Le tiers hors réseau qui utilise la marque de fabrique pour commercialiser ses produits peut ainsi échapper à tout grief de contrefaçon, s'il démontre que son titulaire a consenti à leur mise sur le marché européen.
La charge de la preuve est cependant renversée lorsque le tiers parvient à démontrer que le fabricant s'oppose aux exportations parallèles et que le fait de lui faire supporter le fardeau de la preuve ferait naître un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux. Tel est le cas lorsque l'importateur non agréé établit que, dans les faits, les ventes passives sont interdites à l'intérieur du réseau ou qu'il s'est vu opposer des refus de vente après avoir révélé ses sources d'approvisionnement. En revanche, le seul fait d'établir que les importations parallèles seraient profitables, en raison de la différence des prix pratiqués entre Etats membres ou que le titulaire du droit de marque exerce un nombre important d'actions en contrefaçon, ne suffit pas à démontrer que ce dernier participe au cloisonnement du marché.
Les juridictions s'opposent sur la fraîcheur des preuves à apporter pour établir l'existence d'un risque de cloisonnement : pour certaines, le tiers revendeur doit se fonder sur des éléments relatifs à une période suffisamment proche, sinon contemporaine, de la commercialisation des marchandises retenues en douane et non sur des faits et décisions de justice datant de plus cinq ans ; d'autres estiment que des éléments même anciens peuvent revêtir un caractère suffisamment probant si le fournisseur n'établit pas avoir changé ses pratiques depuis lors. L'existence de rétrocessions entre membres du réseau et détaillants situés sur d'autres territoires, lorsque leur nombre indique qu'elles ne constituent pas de simples ventes d'ajustement ou d'appoint, exclut la possibilité d'invoquer un risque de cloisonnement.
Lorsque le tiers hors réseau ne parvient pas à établir l'existence d'un risque de cloisonnement des marchés, il lui revient de démontrer que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l'Espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement. Par ailleurs, la règle de l'épuisement des droits ne s'applique que si les produits commercialisés par le tiers revendeur sont authentiques. La preuve du défaut d'authenticité des produits écoulés établit en effet à elle seule l'absence de consentement du titulaire des marques à leur commercialisation dans l'Espace économique européen. La jurisprudence se montre sur ce point très exigeante envers les fournisseurs car elle semble subordonner la preuve du défaut d'authenticité à la mise en place de procédures strictes de contrôle qualité clairement définies “portant sur les caractéristiques précises et invariables de points de vérification objectifs des produits qui sortent [des] usines de fabrication”.