Une plateforme soumise aux obligations du DSA
Entré en vigueur depuis le 17 février 2024, le règlement n°2022/2065 sur les services numériques du 19 octobre 2022 (DSA) a pour objectif de protéger les consommateurs européens des pratiques menées par les plateformes Internet, en particulier les GAFAM. Il s’applique dès lors qu’une plateforme est qualifiable de « très grande plateforme en ligne » (VLOP ou « Very Large Online Platforms ») ou qu’un moteur de recherche peut être appréhendé comme un « très grand moteur de recherche en ligne (VLOSE ou « Very Large Online Search Engines »).
Depuis le 31 mai dernier, la plateforme chinoise Temu fait partie de la catégorie des « très grandes plateformes en ligne ». Elle a été désignée comme telle par la Commission européenne après avoir déclaré compter plus de 45 millions d’utilisateurs par mois, critère retenu par le DSA pour appliquer cette qualification. Les plateformes Facebook et Instagram se sont également vues qualifiées de VLOP.
Cette qualification paraît justifiée en l’espèce au regard du grand succès que connaît Temu en Europe, depuis son arrivée sur le marché en 2023. Cette plateforme propose en effet une très grande gamme de produits (cosmétiques, jouets, vêtements…) à des prix cassés.
A la suite de la notification de cette décision, Temu a bénéficié d’un délai de 4 mois pour se conformer aux obligations prévues par le DSA. En juin et octobre 2024, la Commission avait adressé à ce fournisseur de très grande plateforme en ligne des demandes d’information, sur le fondement de l’article 67 du règlement, afin de s’assurer qu’il respectait bien cette nouvelle réglementation. La Commission avait indiqué qu’elle ouvrirait une procédure formelle si les réponses apportées par Temu lui paraissaient insuffisantes.
C’est désormais chose faite depuis le 31 octobre 2024. La Commission n’a en effet pas été convaincue par les éléments apportés par l’entreprise chinoise. A noter que l’ouverture de cette procédure formelle a également été motivée par le rapport d’évaluation dressé en septembre 2024 par les autorités européennes relatif aux risques présentés par Temu mais également par des réponses apportées par des tiers, notamment du coordinateur irlandais sur les services numériques.
Les comportements reprochés
En quoi consiste une procédure formelle ? Il s’agit d’une enquête approfondie, ouverte par la Commission sur le fondement de l’article 66 du règlement DSA. A cette occasion, la Commission continuera de recueillir des éléments de preuve aux fins de caractériser les infractions au DSA commises par Temu.
Mais sur quels fondements Temu pourrait-elle être sanctionnée ?
L’enquête portera d’abord sur les mesures mises en œuvre par Temu pour limiter la vente de produits non conformes au droit de l’Union européenne, notamment en matière de santé et sécurité des consommateurs. La Commission européenne s’intéressera plus particulièrement au système de traçabilité des vendeurs inscrits sur la plateforme (art. 30 du DSA) et appellera peut-être à son renforcement, puisque certains annonceurs proposent à la vente des produits illégaux au regard du droit de l’Union, notamment des contrefaçons.
L’autorité se penchera également sur la conception additive du service. Les programmes de fidélisation des clients ou les dark patterns (fausse limite de temps d’une offre ou fausses annonces de stock limité) mis en place par Temu, ainsi que ses propositions d’atténuation des risques découlant de ces pratiques seront analysées par la Commission (art. 35 du DSA).
L’enquête portera également sur la communication par le géant chinois des paramètres relatifs à son algorithme de recommandation ainsi que sur les mesures mises en œuvre par la plateforme pour permettre aux chercheurs d’accéder à ses données (art. 40 du DSA).
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Les conséquences de l’ouverture d’une procédure formelle
En plus de lui permettre de continuer son enquête, l’ouverture d’une procédure formelle à l’encontre de Temu autorise la Commission à éventuellement prendre des mesures d’exécution à l’égard de Temu, comme une décision constatant un manquement, mais également d’accepter les engagements pris par la plateforme pour remédier aux infractions au DSA.
La Commission précise tout de même que l’ouverture de la procédure formelle ne présage pas du prononcé d’une sanction à l’endroit de Temu. Si tel devait être le cas, une amende pouvant aller jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires mondial pourrait lui être imposée (art. 52 du DSA).
Des pratiques déjà mises en cause
Ce n’est pas la première fois que les pratiques mises en œuvre par Temu suscitent des critiques. Des associations de consommateurs avaient en effet déjà accusé la plateforme de pratiques commerciales trompeuses. Temu avait également déjà fait polémique en publiant une offre d’achat des données personnelles de ses utilisateurs, qui avait finalement été retirée.
Temu n’est enfin pas la seule plateforme contrôlée par la Commission européenne. Des enquêtes du même genre ont été ouvertes contre Meta, AliExpress ou TikTok.